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L'oeuvre du mois

Tous les mois, le Musée barrois vous présente une œuvre.

Mai 2024

Roland Irolla (né en 1935)
Vue du Pont Notre-Dame de Bar-le-Duc
Encre sur papier, 1970
Inv. prov. 17.10.26.3

Le mois de mai est synonyme de nombreux ponts alors découvrons ensemble l’histoire d’un vrai pont, que vous pourrez venir admirer à Bar-le-Duc durant ces jours fériés !

La cité ducale compte sept ponts qui permettent aux piétons et aux véhicules de traverser l’Ornain. Le plus célèbre et le plus ancien est le pont Notre-Dame, qui relie le quartier du même nom à celui du Bourg.

Ici, Roland Irolla, artiste voyageur aux multiples talents (il est peintre, médailleur et dessinateur de timbres), nous offre une vue de ce pont, en 1970, dessiné depuis le quai Victor-Hugo, au croisement de la rue Notre-Dame. Des badauds se promènent sous un ciel nuageux en direction de la rue Bar-la-ville. Les plus observateurs et amoureux de la ville auront remarqué que le bâtiment à droite du pont n’existe plus aujourd’hui.

L’histoire de ce pont remonte au Moyen Âge avec une première construction réalisée en bois : il était alors nommé « Grand Pont ». C’est en 1311, date inscrite a posteriori sur une des piles de l’édifice, qu’il est remplacé par une construction en pierre, plus stable et sécurisée pour les différents usages.

À cette époque et jusqu’au XVIIIe siècle environ, le pont était pourvu d’habitations, en faisant une véritable rue commerçante, artisans et boutiquiers travaillant et logeant sur place. Elles ont ensuite été détruites pour des soucis d’hygiène, les dernières ayant disparu au XXe siècle.

Ce qui fait la réputation de ce pont est principalement sa chapelle, dressée sur une des piles centrales depuis le XVe siècle. Dans un premier temps, elle est dédiée à sainte Anne, puis à la Vierge à partir de 1645. Une statue de cette dernière, réalisée par François Humbert, orne la chapelle depuis 1749. Malheureusement, en 1944, le pont est bombardé par les Allemands lors de leur départ de la ville. Il est complètement détruit mis à part cette statue, restée entière.

Le pont est reconstruit à l’identique en 1951 : c’est un pont de maçonnerie, composé de cinq voûtes dont les quatre piles sont renforcées par des becs triangulaires, présents dès le XIXe siècle, afin de protéger la structure des coups portés par les grumes. Depuis, cette chapelle est dédiée à Notre-Dame de la Paix. Elle est ornée de vitraux des années 1950, œuvres du maître-verrier nancéien, Benoît.

 

 

 

 

 

 

 

 

Avril 2024

Jingasa de type bajō-gasa
Période Meiji (1868-1912)
Bois, laque, textile, alliage cuivreux
34,2 x 31,5 x 14,5 cm ; 480 g
Inv. DMG.137 (dépôt du Museum Aquarium de Nancy)

Le terme jingasa est composé de « jin » (militaire) et « kasa » (chapeau). Ce casque militaire dont la production est facile et peu coûteuse est largement employé dès le XVe siècle par les Ashigaru (unité d’infanterie de base du Japon médiéval). Durant la période Edo (1603-1868), il devient le couvre-chef quotidien des samouraïs, les protégeant lors de combats mais également contre le soleil ou la pluie. Le jingasa disparaît progressivement au cours du XIXe siècle avec l’ouverture forcée du Japon au reste du monde entraînant une occidentalisation du mode de vie.

Le jingasa de type bajō-gasa conservé au Musée barrois était un casque réservé aux cavaliers. Réalisé en bois laqué noir, il est décoré de motifs de Shachihoko, un yōkai, une créature surnaturelle issue du folklore japonais. Cette carpe à tête de dragon possède le pouvoir de provoquer la pluie et d’éteindre immédiatement un début d’incendie. Représentée de part et d’autre du jingasa, elle s’inscrit dans des vagues stylisées. Cette coiffe est conservée avec son zabuton, un coussin intérieur, et son ago-himo, un cordon permettant de l’attacher sous le menton.

Ce casque militaire, peut-être réalisé durant la période Meiji (1868-1912), semble être une production japonaise destinée au marché occidental du fait de l’absence de kamon, (emblème du seigneur que le samouraï servait). En outre, le motif de Shachihoko, habituellement présent en architecture pour prévenir des incendies, peut être compris comme un élément renforçant l’exotisme de cet objet pour les Européens alors enthousiasmés par le Japonisme.

Texte : Tiphaine Six, étudiante en Master 2 Histoire, civilisations, patrimoine à l'université de Lorraine, stagiaire au Musée barrois.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Mars 2024

Louise-Marie Thérèse Oudinot, comtesse de Vesins
Le jardin du Maréchal Oudinot
Mine de plomb, 1853
Inv. 858.9.53

Qui dit mois de mars, dit printemps alors mettons à l’honneur un endroit que les Barisiens et les Barisiennes affectionnent au retour des beaux jours : le parc de l’hôtel de ville de Bar-le-Duc, ancien jardin du Maréchal Oudinot, duc de Reggio.

La dessinatrice connaît très bien ce jardin car il s’agit de Louise-Marie Thérèse Oudinot, comtesse de Vesins, fille du Maréchal. Celui-ci acquiert et aménage cette immense propriété, entre 1803 et 1811, quelques années avant sa naissance en 1816.

La comtesse est connue pour ses dessins paysagers, représentant notamment les monuments et les rues de la cité ducale, dont le Musée barrois possède 80 originaux. En pleine révolution industrielle, la comtesse montre une facette pittoresque, romantique et aristocratique de la ville : point de forge ou de manufacture textile dans ses descriptions.

Comme toute jeune fille de bonne famille au XIXe siècle, le dessin fait partie de son apprentissage. Elle prend des cours auprès de François-Alexandre Pernot, sculpteur et peintre paysagiste, proche de la famille Oudinot. Ses œuvres montrent dans un premier temps des vues familières comme la propriété de Jean d’Heurs de la famille ou encore l’abbaye de Trois-Fontaines. Par la suite, la comtesse couche sur papier ses différents voyages comme à Toul, Honfleur ou encore Heidelberg.

Dans les années 1850, le jardin de l’hôtel particulier Oudinot était largement plus étendu qu’aujourd’hui. Il est un exemple typique du jardin à l’anglaise, apparu au XVIIIe siècle en Angleterre, comme son nom l’indique. Les paysagistes s’affranchissent alors totalement des codes, très géométriques, du jardin à la française. Ce type de jardin simule un retour à la nature sauvage : en réalité, il est très étudié, ménageant de savants et pittoresques points de vue au fil de la balade.

Autre caractéristique apportant beaucoup de charme et de sérénité à ces lieux : l’eau. À Bar-le-Duc, c’est l’ancien canal des usines qui coule tout le long du parc. Deux ponts en reliaient les rives à l’époque de la comtesse de Vesins : le pont japonais, visible sur le dessin, et un pont métallique, toujours présent aujourd’hui, près des volières.

Le duc de Reggio décède en 1847, sa veuve et mère de Louise Marie-Thérèse, continue d’y vivre avec sa fille et lui laisse la primeur de l’habitation avec son mari par la suite. L’hôtel particulier est racheté par la ville et devient la mairie de Bar-le-Duc en 1868.

 

 

 

 

 

Février 2024

Couple breton enlacé
Bronze et laiton ?, XIXe siècle ?
Inv. prov. 23.01.01.786

En ce mois de février, l’amour est à l’honneur mais également notre récolement de la collection d’art et tradition populaire, encore en cours d’achèvement. Ceci permet de nous intéresser à des objets « simples » qui ont traversé le temps, comme celui-ci. Pourquoi ne pas découvrir certaines coutumes régionales de mariage puisqu’il en est question ici.

En effet, ce pommeau d’ombrelle fait de bronze ou de laiton, qui ne paie pas de mine au premier abord, nous raconte une histoire. On y voit un couple enlacé, l’homme porte un chapeau avec un ruban de satin à l’arrière, typique des coiffes bretonnes. Il est vêtu d’un chupenn, veste double régionale, et d’un pantalon large avec une ceinture depuis laquelle pend une épée. Sa main droite est posée sur le sein droit de sa compagne : ce geste de tendresse rappelle le tableau La fiancée juive de Rembrandt. Quant à sa femme, elle tient un éventail et porte un toukenn, une coiffe en dentelle bretonne.

Le fait qu’un couple soit représenté sur un pommeau d’ombrelle n’est pas anecdotique : cet objet était généralement offert à la future mariée juste avant ses noces pour qu’elle puisse l’avoir lors de la cérémonie. De plus, une coutume venant de Bretagne et des Pays de la Loire, qui s’est diffusée dans les différentes régions de France, consiste à faire danser les jeunes époux dansent sur l’ombrelle, tandis que les invités leur lancent des serpentins de couleurs différentes : chaque serpentin symbolise une année de bonheur pour les amoureux.

Chaque région a ses spécificités. Par exemple, en Provence, la lavande est un élément naturel très présent lors des cérémonies ; en Outre-Mer, la mariée doit porter quelque chose venant de sa mère et le marié de son père et ce sont des évènements qui sont toujours très colorés et animés.

Dans nos collections, une autre tradition concernant les noces en Hollande est illustrée. Le musée possède des tableaux représentant les scènes d’un mariage, peints d’après Martin van Cleve. Y sont décrits le cortège du fiancé, le banquet de mariage et la préparation du lit nuptial. Ces petits tableaux étaient offerts aux jeunes mariés pour les féliciter.

 

 

 

 

 

Janvier 2024

Charles-Laurent Maréchal, dit Maréchal de Metz (1801-1887)
Prophète lisant
Fusain sur papier, collé sur carton, avant 1887
Inv. 989.36

Ce dessin met en scène un homme saint, non identifié : faute d’attribut, il a été inscrit à l’inventaire comme étant un « prophète ». Concentré sur sa lecture, il porte un habit blanc et noir proche de celui des moines cisterciens. Malgré la pose statique du personnage, Maréchal confère un grand dynamisme à sa composition : la construction basée sur les diagonales, les cheveux en mouvement, la rapidité des traits de fusain, la tension dans les traits du visage donnent une réelle énergie au dessin. Peut-être l’artiste a-t-il voulu refléter ainsi la vigueur de la pensée de ce prophète.

Cette grande feuille (53 x 44 cm) est caractéristique des dessins de Maréchal, qui maîtrise parfaitement la technique du fusain. Ce matériau fragile et volatile lui permet de mettre en valeur les jeux d’ombre et de lumière, particulièrement soignés, ici, dans le visage et les cheveux du personnage. Il lui donne aussi la possibilité de travailler rapidement et d’insuffler, ainsi, une grande force à ses scènes.

Charles-Laurent Maréchal est un artiste complet : à la fois peintre, peintre-verrier et pastelliste, il s’intéresse à tous les genres, du paysage à la peinture d’histoire. L’ensemble de son œuvre est complexe et divers même s’il est aujourd’hui principalement reconnu pour son activité de peintre-verrier.

Né en 1801, il est l’un des fondateurs et plus fidèles représentants de l’« École de Metz », mouvement important de l’histoire de l’art français du XIXe siècle. Il tire d’ailleurs son nom d’artiste, Maréchal de Metz, de sa ville natale. Issu d’une famille modeste - son père était jardinier-pépiniériste -, il entre à l’école de dessin à 19 ans, puis rejoint la capitale vers 1824. De retour à Metz en 1826, il expose au Salon entre 1840 et 1863, où il est récompensé de plusieurs médailles. Il est ami avec des artistes de son temps, tels Ary Scheffer et Eugène Delacroix.

Dès 1833, il crée un atelier de peintre-verrier avec son beau-frère, à Metz, une affaire florissante jusqu’en 1867, date à laquelle il cède son atelier, détruit par un incendie l’année précédente.

Après la défaite de 1870, il décide de quitter sa ville natale et s’installe, à partir de 1872, à Bar-le-Duc, où il vit jusqu’à sa mort en 1887. Il y ouvre un nouvel atelier, toujours associé à son beau-frère, qui produira énormément de vitraux jusqu’à une fin d’activité totale en 1908. De plus, il prend une part active à la vie culturelle barisienne en ouvrant une école de dessin et en assumant la charge de président de la commission du musée, chargée de la bonne conservation et de la gestion des collections.

Le Musée barrois possède 103 œuvres de l’artiste dans ses collections, dont 90 dessins, parfois préparatoires à des vitraux. Beaucoup ont été données par ses arrière-petites-filles en 1959. Le fusain présenté ici ayant fait l’objet d’un inventaire rétrospectif en 1989, on ne peut affirmer qu’il faisait partie du don des demoiselles Maréchal.

 

 

 

 

 

Décembre 2023

Phoques sculptés dans un andouiller de caribou
Bois de cervidé, métal
XXe siècle
Inv. 2022.1.8

Même si nous avons déjà ressorti bouillottes, plaids et tisanes bien chaudes au coin du feu, l’hiver n’est pas encore tout à fait là. Pour s’y préparer, parlons d’un objet venant d’un endroit qui vit toute l’année sous des températures hivernales pour ne pas dire glaciales.

En 2022, le musée a reçu plusieurs dons parmi lesquels celui de Pierrette Engler. Les collections extra-européennes du Musée barrois se sont enrichies d’un ensemble d’objets et documents concernant les Netsilik, un peuple inuit du Nord canadien. Ces objets ont été ramené par Georges Lorson, frère de la donatrice, prêtre et missionnaire pendant un peu plus de 50 ans dans cette région du monde. Cette acquisition a été mise en valeur en 2023 lors d’une exposition hors-les-murs à la médiathèque Jean-Jeukens de Bar-le-Duc.

Les Netsilik sont un peuple de chasseurs-pêcheurs, ils se déplacent au gré des besoins en nourriture, selon les saisons. En hiver, pour chasser les phoques, ils ont une technique spécifique qui est celle de la chasse aux aglus, trous qui servent aux phoques pour respirer. Chaque chasseur surveille son aglu et le produit de la chasse est partagé entre les hommes en suivant une certaine hiérarchie.

Dans la tradition de ce peuple, rien ne se perd, chaque partie de l’animal est utilisée. En effet, le bois étant quasi inexistant dans cette région, des miniatures étaient faites en peau d’animal, ivoire ou os. Ici, deux phoques ont ainsi été réalisés dans un andouiller (ou bois) de caribou. Le style est très épuré, donnant un aspect très moderne au sujet alors que l’objet date du milieu du XXe siècle. L’andouiller est sculpté, taillé et les yeux des phoques sont rendus avec des clous.

Chez les Netsilik et plus généralement dans le Grand Nord, il est coutume de réaliser des objets miniatures d’armes de chasse, d’animaux ou autre dans un but cultuel. En effet, ces objets sont mis en scène par le chaman du groupe lors de cérémonies. À travers elles, les membres de la communauté expriment leurs demandes, leurs souhaits pour l’avenir : de meilleures armes, plus de réussite à la chasse, etc. Cependant, avec la christianisation, ces artefacts sont devenus peu à peu des objets touristiques, des souvenirs rapportés par les Occidentaux comme preuve de leur passage.

 

 

 

 

 

Novembre 2023

Louis-Eugène Lambert
Un marché
Huile sur toile, 1863
Inv. 2007.0.13

On se rapproche doucement des fêtes de fin d’année et à cette occasion, pourquoi ne pas parler d’un lieu où vous allez faire vos emplettes pour garnir vos tables durant cette période : le marché.

Louis-Eugène Lambert est un peintre français qui s’est principalement illustré dans la peinture animalière, notamment de chiens et de chats. Il est l’élève d’Eugène Delacroix, un des représentants du romantisme, et de Paul Delaroche, peintre qui s’inspire des scènes de l’histoire française et anglaise. Les œuvres de Lambert connaissent un certain succès, il est même exposé au Salon de 1847. Il est d’ailleurs surnommé le « Raphaël des chats », ce qui en dit long sur la qualité de ses scènes animalières.

Au XIXe siècle, plusieurs courants traversent les arts : le romantisme, mettant en avant les émotions individuelles ou collectives ; l’art académique qui valorise principalement une beauté classique ; ou encore l’impressionnisme pour lequel, a contrario, le but est de privilégier le regard, voire le sentiment du peintre sans se conformer aux canons de beauté. Enfin, le naturalisme, auquel notre tableau peut être rattaché, apparaît au milieu du siècle.

Ici, l’artiste a décidé de représenter une scène du quotidien. On se trouve certainement sur la place principale d’un petit village, en France : le drapeau tricolore flotte sur le fronton de la mairie. Le peintre y exerce son talent dans la représentation des animaux : un chien, qui semble regarder le spectateur, ainsi que des lapins, vivants dans leur clapier ou prêts à être vendus.

Cette œuvre nous présente également des légumes que nous pouvions trouver au XIXe siècle. Si certains sont très communs comme les carottes, les navets, les radis, le chou-fleur, le potiron ou encore les pommes de terre, d’autres sont moins courants (et peut-être moins appréciés) comme, par exemple, les blettes.

On observe une majorité de femmes sur le tableau : bien qu’elles commencent à être reconnues, comme par exemple avec un accès à l’éducation et à l’art, le rôle de la femme reste très cloisonné.

Si les étals sont un peu mieux rangés de nos jours, on retrouve toujours, les jours de marché, la foule et l’effervescence visibles sur cette œuvre.

 

 

 

 

 

Octobre 2023

Assiette circulaire à décor de char chinois et d’oiseaux
Faïence à décor de réverbère, début du XIXe siècle ?
Inv. 943.1.149

Le 27 août 1943, le Musée barrois reçoit un legs de la part d’un certain Arthur Masson, comportant plusieurs types d’œuvres. Mis à part quelques gravures ou meubles, c’est en grande partie de faïence dont il est question. Ces faïences sont issues de manufactures de l’Est de la France comme celles des Islettes, manufacture déjà évoquée pour notre œuvre du mois de janvier 2023. On retrouve également dans cette collection des faïences produites par les manufactures de Lunéville, de Saint-Clément, de Rambervillers ou de Moyen. M. Masson a même une assiette décorée de son nom, ornée de fleurs. Parmi ces nombreuses pièces de vaisselle se dévoilent les décors à la mode à la fin du XVIIIe et au début du XIX° siècle : décor de coq, décor fleuri, décor à thème révolutionnaire et décor dit « au Chinois ». C’est ainsi l’occasion de mettre à l’honneur l’une des plus belles assiettes de cette collection.

Il s’agit d’une assiette dont le bord est circulaire, sans lobes, décorée d’une scène exotique. Le décor du bassin de l’assiette représente un personnage debout sur un char fleuri à deux roues, qu’il dirige grâce à deux oiseaux tenus en licol. Le bord et le marli de l’assiette sont également ornés d’un filet rose pâle cranté. Il est commun d’employer le terme de « chinoiseries » pour qualifier ces objets dont le thème figure des scènes, des animaux ou des personnages issus de l’iconographie d’un Extrême-Orient fantasmé. En effet, ici le toit du char est en forme de dais fleuri et il est tiré par deux grues, ce qui n’existe évidemment que dans l’imaginaire des Européens de cette période. Cette assiette a ainsi traversé les époques jusqu’à aujourd’hui afin de livrer le témoignage d’une mode ayant connue son apogée au XVIII° siècle et qui a perduré jusqu’au début du XIX° siècle, période de fabrication de l’assiette.

Durant le récolement, il est d’ailleurs important de relever toutes inscriptions ou marques sur l’œuvre pouvant apporter des informations sur l’objet et sur son histoire. Ici, le revers de l’assiette comporte une étiquette collée à propos d’un numéro attribué à l’œuvre durant une exposition ayant eut lieu à Saint-Dié en 1981, témoignant de l’évolution de l’intérêt pour ces « chinoiseries ».

 

Auteur : Tristan Hoscheit, agent de récolement vacataire.

Pour approfondir :
Le décor « au Chinois » dans les manufactures de céramiques de l’Est, 1765-1830, Saint-Dié 1981, cat. expo. Musée municipal, (collectif).

 

 

 

 

 

Septembre 2023

 

D’après Ligier Richier (v. 1500-1567)
Monument au cœur de René de Chalon
Épreuve en plâtre, vers 1923
Inv. 923.1

Qu’on la surnomme le Transi, le Squelette ou encore l’Écorché, cette sculpture est une œuvre majeure du sculpteur de la Renaissance Ligier Richier. Si l’original est visible à l’église Saint-Étienne de Bar-le-Duc, cela fait 100 ans cette année que son moulage fait partie des collections du Musée barrois !

L’homme qui tient son cœur dans sa main gauche est René de Chalon, gendre du duc Antoine de Lorraine. Il décède en 1544 lors du siège de Saint-Dizier. Originaire des Pays-Bas, son corps est enterré à Breda, sa ville natale, et ses entrailles et son cœur sont inhumés dans la collégiale Saint-Maxe, à Bar-le-Duc. En effet, depuis le Moyen Âge, on pratique, pour les personnages importants, notamment les souverains, l’inhumation multiple : le corps est enterré dans un lieu de sépulture « imposé » tandis que le défunt ou ses descendants choisissent le lieu où reposeront son cœur et ses entrailles. La sculpture originale est réalisée vers 1550 par Ligier Richier afin d’orner le tombeau.

À la différence d’un gisant, représentant le défunt couché et endormi, le Transi est décharné mais debout, comme s’il était encore vivant. Ligier Richier s’écarte des normes funéraires de son époque à travers cette œuvre : lambeaux de chair pendant sur les os, quelques cheveux sur le crâne, le thorax laissant apparaître le sternum et les côtes. La précision des détails anatomiques est rare pour la Renaissance. Le bras levé et la tête tournée vers le cœur ainsi brandi confère un dynamisme exceptionnel à la sculpture.

Cette épreuve a été exécutée à la demande d’Henry Bataille, dramaturge et poète français, pour orner son monument funéraire se trouvant à Moux, commune de l’Aude. Le tombeau ne se trouve pas dans le cimetière du village mais un peu en périphérie. L’autorisation lui a été donnée d’utiliser l’œuvre à condition qu’un plâtre soit réalisé. À noter que le mouleur de notre œuvre reste malheureusement inconnu à ce jour.

Seul objet inscrit à l’inventaire en 1923, le moulage a été prêté à d’autres musées comme celui de Saint-Mihiel en 1959. Le matériau reste néanmoins très fragile. Un second plâtre existe et a été réalisé en 1922 par l’atelier du Musée de sculpture comparée, actuelle Cité de l’architecture à Paris. Aussi, un autre exemplaire du moulage fait partie des collections du musée des Beaux-Arts de Lille. Celui-ci a été réalisé par François Pompon, également en plâtre mais il n’est pas déterminé s’il s’agit d’une copie ou d’un moulage.

L’œuvre de Ligier Richier a inspiré énormément d’artistes, jusqu’à aujourd’hui, comme par exemple Robert Sobocinski, dont la sculpture monumentale L’Autre (œuvre du mois de juillet 2023) est visible sur l’esplanade du musée.

 

 

 

 

 

Août 2023

Wlodimir Konarski (1852-1906)
La tour de l’Horloge
Eau-forte, 1881
Inv. 000.4.55

Ce mois-ci, mettons l’accent sur un symbole de la ville de Bar-le-Duc : la tour de l’Horloge.

Classée Monument Historique en 1926, cette tour date du XIIe siècle. Elle faisait partie des remparts autour du château des ducs et elle en constitue l’un des rares vestiges.

C’est en 1381 que le duc Robert Ier décide la mise en place d’une horloge pour les habitants du château, puis deux autres seront installées par la suite. Deux subsistent actuellement, un cadran donnant sur la ville basse et l’autre, plus petit, orienté vers la ville haute.

En 1670, le roi de France, Louis XIV, ordonne le démantèlement des fortifications de la ville et du château. Elle est néanmoins épargnée, grâce à son rôle utilitaire. Cependant, les travaux qui s’ensuivent lui font perdre sa forme parfaitement circulaire. Elle reste aujourd’hui un symbole fort du passé fortifié de Bar-le-Duc.

La gravure est quant à elle réalisée par Wlodimir Konarski, un féru d’histoire doté d’une grande culture générale. D’origine polonaise, il naît à Auxerre en 1852 et passe sa vie à Bar-le-Duc, de 1880 jusqu’à sa mort en 1906. Il est très attaché à cette ville, dont une rue porte son nom aujourd’hui. Conseiller de préfecture, il s’investit dans la Société des Lettres, Sciences et Arts de Bar-le-Duc, dont il est nommé président en 1903.

En plus de ses diverses fonctions professionnelles et intellectuelles, Konarski est un excellent dessinateur et aquafortiste. À travers ses œuvres, il met en lumière des monuments de la ville qui lui tiennent à cœur comme ici, la tour de l’Horloge, ou bien encore le collège Gilles de Trèves et le pont Notre-Dame. Il immortalise aussi Verdun ou le Pays Barrois. Le Musée barrois conserve 402 œuvres de l’artiste, principalement des eaux-fortes, mêlant monuments historiques, ethnographie, géographie et art militaire.

 

 

 

 

 

Juillet 2023

Robert SOBOCINSKI (né en 1960)
L’Autre
Bronze, 2000
Inv. 002.2.1

Ce mois-ci, une sculpture visible par les flâneurs lors de leurs balades sur l’esplanade du château est mise à l’honneur : L’Autre de Robert Sobocinski.

Cette œuvre a été réalisée dans le cadre de la manifestation « L’Automne des Transis » en 2000. Comme son nom l’indique, cet évènement rendait hommage à la célèbre sculpture de Ligier Richier, souvent appelée par ce titre. L’œuvre du sculpteur de la Renaissance a, de tout temps, beaucoup inspiré les artistes et continue de les fasciner encore aujourd’hui. En effet, elle reste une prouesse pour l’époque tant en termes de jeu avec la matière qu’avec une analyse précise de l’anatomie du personnage.

La sculpture est une œuvre monumentale en bronze de 4 mètres de haut mais donne également une impression de légèreté dans sa forme tourbillonnante : le corps donne l’impression de s’être libéré de son enveloppe terrestre. Elle est réalisée selon la technique de la cire perdue, procédé de moulage de précision qui permet d’obtenir une sculpture en métal à partir d’un moulage en cire, qui disparaît durant l’opération de chauffage.

Le sculpteur, né en 1960, partage sa vie entre son pays natal, la Pologne, et la France. Il est diplômé de la faculté de sculpture à l’Académie des Beaux-Arts de Poznań et étudie également à l’École Polytechnique. Dès les années 1990, il expose dans des salons comme, par exemple, la FIAC de Paris.

Cette œuvre a été achetée par la Ville de Bar-le-Duc en 2002 avec la participation du Fonds Régional d'Acquisition pour les Musées (FRAM).

 

 

 

 

 

Juin 2023

 

Emile Tesson
Marine
Huile sur bois, XIXe siècle
Inv. 893.42.20

Avec le début de l’été et l’approche des grandes vacances, prenons le temps d’admirer cette œuvre qui nous invente au calme et à la contemplation.

Cette petite peinture (13,3 x 23,7 cm) montre un jeune homme, assis sur un rocher. Peut-être un travailleur profitant d’un instant de libre pour rêver en fumant sa pipe. Peut-être s’imagine-t-il sur un des voiliers que l’on aperçoit au loin ? Peut-être rêve-t-il à de futurs voyages ou tout simplement à se mettre les pieds dans l’eau ?

La mer (l’eau en général) est propice à la contemplation et à la méditation. La lumière qui s’y reflète, le bruit des vagues et du vent, le chant des oiseaux permettent à l’esprit de se reposer et d’entrer en communion avec la nature.

Le peintre, Emile Tesson, originaire du Cotentin en Normandie, est un autodidacte. Ses œuvres sont essentiellement tournées vers la mer mais mettent aussi en valeur la paysannerie locale à travers des scènes de genre humbles. Sa technique peut paraître simpliste et ingénue mais elle n’en reste pas moins dénuée de charme. Pour la nourrir, on sait qu’il a reproduit des œuvres d’un de ses compatriotes du Cotentin, Jean-François Millet, un des fondateurs de l’école de Barbizon.

La nature a longtemps été considérée comme dangereuse mais cette vision change avec le Siècle des Lumières pendant lequel le rapport à la nature évolue, ce qui a des répercussions sur les représentations artistiques. Par exemple, le plaisir que procure la mer est vanté par les poètes : l’agitation des eaux, les lumières qui se reflètent, miroir qui nourrit les imaginaires. Dans les années 1750-1800, le désir de rivage se réveille en réactions aux méfaits de la civilisation à cause de l’agrandissement des villes et les prémices de l’industrialisation. Le regard sur la mer est alors durablement modifié.

Vous aussi, asseyez-vous au bord de l’eau, laissez-vous bercer par son ondulation et les mouvements répétitifs des vagues. Détente garantie !

 

 

 

 

 

Mai 2023

 

Fonderie du Val d’Osne
Polymnie
Fonte, XIXe ou XXe siècle
Inv. prov. 14.07.30.1

Ce mois-ci, l’œuvre du mois est consacrée à une sculpture toujours visible par tous dans les jardins du musée : Polymnie.

Dans la mythologie grecque, Polymnie fait partie des neuf muses antiques : elle est celle de la rhétorique, du beau langage et de l’art lyrique. On lui prête la faculté d’inspirer les poètes et les auteurs de récits les plus admirables. Elle est souvent représentée vêtue de blanc et, comme ici, portant une couronne de fleurs dans ses cheveux. Elle se tient dans une posture plutôt méditative. Pour mettre en avant son éloquence et sa rhétorique, elle est parfois représentée avec le bras levé.

Cette sculpture a été fondue dans une des plus célèbres fonderies d’art de France au XIXe siècle : la fonderie du Val d’Osne. En activité de 1836 à 1986, cette manufacture haut-marnaise a donné vie à plusieurs pièces importantes, notamment à Paris, comme les quatre grands ensembles en bronze doré du Pont Alexandre III. L’entreprise a également participé à des expositions universelles, comme celle de Londres en 1851, qui fut une véritable consécration pour la fonderie et les œuvres monumentales en fonte.

En 2014, l’entreprise GHM, spécialiste de la fonte et héritière des fonderies du Val d’Osne a été sollicitée par une ville chilienne qui s’était fait voler sa Polymnie. Le moule original étant perdu, l’entreprise a demandé au Musée barrois de bien vouloir prêter sa sculpture pour en faire un moulage et satisfaire son client.

 

 

 

 

 

 

 

Avril 2023

 

André Solliez
Le fin buveur
Huile sur toile, 1918
Inv. 968.10.1

Ce mois-ci, le Musée barrois vous propose de vous pencher sur ce souriant « fin buveur », plus complexe qu’il n’y paraît.

André Solliez, artiste lorrain, s’est vraisemblablement inspiré d’un peintre du Nord de l’Europe, la composition étant typiquement flamande.

L’homme semble joyeux, un verre d’alcool (à consommer, évidemment, avec modération) à la main. Il est habillé à la mode bourgeoise du XVIIe siècle, avec un chapeau noir qui contraste avec son visage et l’imposante fraise qu’il porte autour du cou. C’est une fraise à confusion, très à la mode aux Pays-Bas à partir du Siècle d’or. Notons qu’à la même époque, les Français privilégient des fraises beaucoup moins volumineuses, plus discrètes. On observe également des gants, certainement en cuir, et un épais manteau en velours jaune, éclatant.

L’homme est représenté de trois-quarts : il semble se tourner vers le public, dans un mouvement saisi sur l’instant, comme si, avec son regard malicieux, il nous invitait à trinquer avec lui.

De plus, il sourit, ce qui reste assez rare dans l’histoire de l’art. En effet, le sourire peut être associé au diable car il déforme le visage ou fait ressembler à un animal. Le plus souvent, un sourire permettait de reconnaître plus aisément des hommes ivres ou bien des femmes de petite vertu.

Une autre explication au fait que le sourire était peu présent dans les portraits est qu’à cette époque, on ne montre pas ses dents car la plupart du temps, la dentition était mauvaise. Cependant, un célèbre portraitiste hollandais, Frans Hals, représentait fréquemment ses modèles avec un léger sourire, amenant une certaine douceur et une proximité avec la personne admirant le tableau. André Solliez a sans doute été marqué par cet aspect de l’art de Frans Hals, tout comme par sa touche vibrante, qu’on retrouve dans le portrait de notre « fin buveur ».

 

 

Mars 2023

Paul Lemagny (1905-1977)
La Nuit

Gravure au burin, 1952
Inv. 2008.2.5

Originaire du nord de la Meuse, Paul Lemagny fait ses études au lycée de Bar-le-Duc, en même temps qu’un autre artiste, Jean Dries. Il y décroche trois baccalauréats en sciences, langues vivantes et philosophie. Il poursuit ses études à l’École des Beaux-Arts de Valenciennes puis à Paris. En 1934, il remporte le Premier Grand Prix de Rome, ce qui lui ouvre les portes de la Villa Médicis où il séjourne trois ans. À son retour, il est nommé professeur à l’École des Beaux-Arts de Paris, alors qu’il n’a que 33 ans.

L’œuvre qui nous intéresse ce mois-ci est une gravure au burin, spécialité de Paul Lemagny. Il s’agit d’une technique de gravure très complexe que les artistes mettent des années à maîtriser totalement puisqu’il s’agit de creuser des sillons dans une plaque de cuivre.

L’artiste a connu deux phases notables dans sa carrière. La première période de son œuvre, nourrie par ses voyages à Londres, Vienne et Rome, est marquée par un classicisme très fort. Tant dans les sujets que dans sa façon de graver, Lemagny se réfère aux grands maîtres de l’histoire de l’art, représentant des scènes mythologiques et d’autres sujets plus figuratifs. En ce sens, il s’inscrit dans le courant artistique de l’entre-deux-guerres que l’on a appelé le « retour à l’ordre ».

Puis, traversant une période difficile (maladie) et sans doute touché par l’art des surréalistes comme il le fut par celui des expressionnistes, Lemagny intègre de plus en plus dans ses œuvres une part d’onirisme. Les scènes s’enrichissent d’un monde végétal luxuriant et d’animaux imaginaires, voire fantastiques (dragons, êtres hybrides, démons) comme dans La Nuit (1952). Les thèmes religieux sont également très présents et traduisent peut-être une quête spirituelle particulière. Progressivement la forme l’emporte sur le sujet. Le travail de la composition, dans lequel la représentation de l’espace et du mouvement devient essentielle, le conduit peu à peu à porter un intérêt moindre aux sujets classiques.

Ici, une femme, semi-allongée et de dos, occupe la majeure partie de l’espace. Elle s’intègre dans un paysage étrange : au loin, des montagnes se confondent avec des pyramides, abritant des ruines peut-être antiques ; au premier plan, des éléments énigmatiques, tels un pavement, une roue (cadran solaire ?), des cases qui s’enchaînent tel un calendrier, des fleurs…De part et d’autre de la composition, le soleil et la lune créent un jeu de clair-obscur tant sur les détails du paysage que sur le corps de la femme.

Cette œuvre est emblématique de sa période onirique, mais il est vrai que la Nuit est le meilleur sujet pour nous faire rêver, non ?

 

 

Février 2023

François Nicolas, dit Nicolas de Bar (1632-1695)
Orphée et Eurydice

Huile sur toile, 1654
Inv. 2013.1.1

En ce mois de février, place à l’amour : un amour malheureux, mais un amour absolu, mis en scène par un peintre originaire de Bar-le-Duc ou de ses environs proches, François Nicolas, dit Nicolas de Bar.

François Nicolas est un artiste peu connu et les œuvres qui lui sont attribuées sont peu nombreuses. Des recherches menées depuis les années 1980 ont toutefois permis de mieux les cerner, lui et son œuvre.

L’artiste mène l’ensemble de sa carrière à Rome où il est mentionné dans les archives de 1652 à sa mort. Dans cette ville, il participe notamment au décor de l’église Saint-Nicolas-des-Lorrains.

De ses origines barisiennes, nous savons qu’il appartient à une dynastie de peintres qui a réalisé différents travaux pour Bar-le-Duc et ses environs. Par sa mère, Judith Lenoir, il est le demi-frère du peintre Charles Armand (1643-1720), membre de l’Académie royale de peinture et de sculpture. On peut supposer que c’est dans ce contexte familial qu’il reçoit sa formation dont, à ce jour, on ne sait rien par ailleurs.

À Rome, « Francesco di Nicolo », qui se fait également appeler « Nicolo di Bar », est membre de l’Académie de Saint-Luc à partir de 1657, peu après avoir épousé la fille du peintre Ippolito Leoni.

Le tableau représentant Orphée et Eurydice appartient à la première période de François Nicolas. La date de 1654, mentionnée avec la signature, en fait la plus ancienne œuvre connue de l’artiste. Elle est réalisée peu de temps après l’arrivée du jeune lorrain dans la capitale italienne.

Le sujet est tiré des Métamorphoses d’Ovide : Eurydice vient de mourir, mordue par un serpent (visible en bas à droite du tableau), le jour de ses noces avec le musicien Orphée. Celui-ci, épouvanté, se précipite vers la jeune femme, mais c’est trop tard. La suite de l’histoire est tragique : Orphée obtient d’Hadès, le dieu des morts, le maître des Enfers, de ramener sa bien-aimée dans le royaume des vivants, à la seule condition qu’il ne se retourne pas tant qu’elle n’a atteint la lumière du soleil. Inquiet et impatient, Orphée manque à sa promesse et perd Eurydice à jamais.

Tout dans la composition semble être une démonstration des savoir-faire multiples de l’artiste : la nature-morte du premier plan, la figure d’Eurydice inspirée de l’Antiquité, celle d’Orphée traitée de façon disproportionnée mais révélant une bonne connaissance anatomique, les plissés des vêtements, le paysage à l’arrière-plan constitué de ruines, de montagnes et dans lequel s’intègrent harmonieusement plusieurs personnages. On a ainsi l’impression que Nicolas de Bar, pour s’attirer les faveurs d’un commanditaire potentiel, a souhaité montrer toute sa science dans cette œuvre, expliquant ainsi son aspect composite et éclectique qui, au premier regard, la rapprocherait plutôt de la période précédente du maniérisme.

Cette œuvre de jeunesse annonce stylistiquement les réalisations que Nicolas de Bar peint pour les églises romaines, encore visibles aujourd’hui : l’église Saint-Antoine-des-Portugais (La Naissance de saint Jean-Baptiste), Sainte-Marie-de-la-Victoire (décoration de la chapelle de Saint-Jean-de-la-Croix), Saint-Nicolas-des-Lorrains (Saint Nicolas et Sainte Catherine).

Le caractère très narratif de la scène rattache l’œuvre aux recherches de l’époque pour exprimer les sentiments des protagonistes de la façon la plus naturelle qui soit.

Cette œuvre a été achetée en 2013 grâce à la participation du Fonds Régional d’Acquisition des Musées et une souscription publique.

 

Sources : P. Choné, « François Nicolas de Bar, Nicolo Lorense (1632-1695) », in Mélanges de l’École française de Rome. Moyen Âge, Temps modernes, t. 94, n° 2, 1982, pp. 995-1017 ; E. Guibert, P. Choné, Nicolas de Bar, Orphée et Eurydice. Devenez mécène du Musée barrois !, 2013.

 

 

Janvier 2023

 

Faïencerie du Bois d’Épense, dite des Islettes
Légumier
Décor polychrome de réverbère
Début XIXe siècle

Ce mois-ci, la faïence est mise à l’honneur. Comme partout en France, la céramique est un art qui s’est pratiqué en Meuse, notamment en Argonne, où ont été actives plusieurs manufactures, dont la plus célèbre est celle du Bois d’Épense, dite des Islettes, entre le XVIIIe siècle et le XIXe siècle. Située non loin de Clermont-en-Argonne, elle a vu le jour en 1764 sous l’impulsion de François Bernard, originaire des environs de Nancy et venant d’une lignée de faïenciers. Il travaille dans l’entreprise de son père près de Champigneulles, comme ses frères. C’est avec eux qu’il va déménager vers 1757 à Clermont-en-Argonne et avoir l’idée de monter leur propre faïencerie.

Le Musée barrois compte dans ses collections de nombreux objets provenant de la manufacture du Bois d’Épense. Pour une grande partie, il s’agit d’assiettes ou de plats mais le musée conserve également des pièces de forme, comme ce légumier c. Comme son nom l’indique, on y met des légumes pour les présenter de façon sympathique lors d’un repas, dominical par exemple. Ce plat est joliment décoré de roses, motif courant sur les faïences des Islettes. Sa poignée est aussi constituée d’une rose qui n’a pas encore éclos.

Deux techniques de cuisson sont mises en œuvre à la faïencerie : le grand feu (l’émail et le décor sont cuits en même temps à haute température) et le réverbère. Ici, c’est cette dernière qui a été employée. Cette technique apparaît dans les années 1750 en Angleterre : plus raffinée, donnant un aspect de porcelaine aux objets, elle offre également une plus large gamme de couleurs possibles. Elle nécessite deux cuissons, la première à haute température (800-1000°C), la seconde à une température plus basse (ou « petit feu »). Le décor est donc posé sur le biscuit émaillé, qui a déjà subi une première cuisson : les émaux sont ainsi cuits à environ 650-850°C, ce qui permet d’avoir des couleurs plus vives et plus nuancées.

La manufacture du Bois d’Épense se trouve sur le déclin à partir du début des années 1840, le patrimoine immobilier est divisé entre différents acquéreurs. C’est en 1848 que l’activité est arrêtée totalement après l’achat de la propriété par un couple qui décide de raser tous les bâtiments industriels.

 

 

 

 

Décembre 2022

Julie Anne Rifault
Toujours des fromages

Pastel sur papier, 38 x 45,7 cm, avant 1890
Inv. 890.22.2

En cette fin d’année, de beaux plateaux de fromages vont venir agrémenter nombre de tables françaises. Julie Anne Rifault, artiste du XIXe siècle fort méconnue à ce jour, en dresse un pour nous, sobre, mais varié et certainement délicieux ! On y reconnaît de grands classiques, incontournables : un livarot, un Saint-Nectaire, un munster, un camembert, du brie et, sans doute, des bondes du Charolais. On peut supposer que la modeste cruche en faïence, à droite, contient un peu de vin pour accompagner le tout.

Avec cette nature morte, l’artiste s’inscrit dans plusieurs traditions. Celle, tout d’abord, de la nature morte de fromages, très appréciée au XVIIe siècle en Hollande et aux Pays-Bas. Ils étaient alors le symbole d’un savoir-faire et, surtout, de la fertilité d’un territoire. Quant à la simplicité de la composition et la sobriété des coloris, elles s’inspirent certainement d’un des grands maîtres de la nature morte du XVIIIe siècle : Jean Siméon Chardin, qui pratiqua lui aussi le pastel. Peut-être Rifault a-t-elle également eu connaissance des œuvres de l’un de ses contemporains, Édouard Manet : l’austérité avec laquelle il a représenté pivoines, citrons et bottes d’asperges a pu l’influencer.

Le pastel est une pâte obtenue par le malaxage de pigments d’origine minérale avec de l’eau et des substances agglutinantes (le plus souvent de la gomme arabique, parfois du miel ou du lait). Réputé avoir été inventé en France au début du XVIe siècle, le pastel connaît son heure de gloire au XVIIIe siècle : à cette époque, de grands artistes, tels Rosalba Carriera en Italie ou Maurice Quentin de la Tour en France, vont contribuer à diffuser cette technique rapide, au rendu à la fois velouté et vif.

D’abord très utilisé pour les portraits, pour lesquels il restitue les subtiles nuances de couleurs dans les carnations et les textiles, le pastel fut ensuite utilisé pour tous les sujets : paysages, scènes de genre et natures mortes.

La nature volatile du matériau rend les œuvres réalisées dans cette technique très fragiles. Comme le fusain, le pastel sec doit être fixé pour être conservé.

 

 

 

 

 

 

 

Novembre 2022

Paul Albert BESNARD (1849-1934)
André Theuriet et sa famille sur les bords du lac d’Annecy

Aquarelle, 1890
Inv. 947.1.4

Ce mois-ci, nous avons souhaité mettre en valeur une personnalité bien connue des Barisiens : André Theuriet, ne serait-ce que parce qu’une rue et un collège portent son nom.

André Theuriet (1833-1907), de son vrai nom Claude-Adhémar Theuriet, est un poète et auteur romantique français. Il a passé son enfance à Bar-le-Duc, élève au collège Gilles de Trèves et étudiant au lycée impérial où il obtient un diplôme en droit. Dès le plus jeune âge, il est attiré par la littérature et l’art des mots. En plus de son travail dans les finances, il commence à publier ses poèmes et des nouvelles, dans La revue des deux mondes par exemple. C’est un écrivain qui aime dépeindre les petites villes bourgeoises ou encore le terroir, et c’est ce qu’il fait avec la ville de Bar-le-Duc, qui est au cœur de nombre de ces récits. Par exemple, une très belle maison Renaissance située rue du Bourg tire son nom d’un de ses romans, La maison des deux Barbeaux.

L’auteur séjourne régulièrement dans la commune de Talloires, sur les bords du lac d’Annecy. Il y est propriétaire de la villa Bétrix. C’est sur le balcon de cette résidence que son ami Paul Albert Besnard a décidé de l’immortaliser. Y apparaît une vue splendide le lac avec en arrière-plan le massif de la Tournette.

André Theuriet est au centre de l’aquarelle, debout et légèrement tourné. Son regard semble fixer un point hors champ, comme s’il était perdu dans ses pensées.

À sa gauche, Hélène Narat, sa femme, dans une robe jaune pastel, regarde directement l’aquarelliste. À droite se tient un ami du couple, proche de Besnard et Theuriet, et également ancien prétendant de la femme de ce dernier. Une quatrième personne est présente, un jeune garçon d’environ 10 ans mais on ne peut l’identifier, peut-être s’agit-il du fils de Besnard ou encore un enfant de la résidence. Le petit est en train de caresser Lafan, la chienne du couple Theuriet.

Pour la petite histoire, l’œuvre date de 1890, année durant laquelle l’écrivain a souhaité entrer à l’Académie française, où il sera élu en 1896, au fauteuil d’Alexandre Dumas fils.

Texte : d’après Chantal Beauvalot, in Le Trait et le Portrait, Somogy éditions d’art/Ville de Bar-le-Duc, 2004.

 

 

 

 

Octobre 2022

 

LEVASSEUR
Une marine : le calme
Une marine : la tempête

Gouache sur papier, XIXe siècle
Inv. 848.2.1 et 2

Ce mois-ci, ce n’est pas une œuvre que l’on vous propose mais une paire. En effet, ces deux tableaux peints par Levasseur sont liés même s’ils peuvent être montrés indépendamment.

D’un côté, une mer calme et apaisée avec la vie qui s’organise autour d’elle. La mer y apparaît comme une ressource. La pêche, évoquée au premier plan, permet de nourrir la population. Le port majestueux et les navires rappellent aussi l’importance du commerce et de la guerre, tous deux également sources de richesses. À droite, une construction ressemble à la tour de la Chaîne à La Rochelle, port florissant du XVIIIe siècle. Cette œuvre appelle au calme, à la sérénité, renvoie à la prospérité et à la confiance en l’avenir.

Au contraire, son pendant, la tempête, montre une nature déchaînée et violente. Le ciel est zébré par un éclair, les nuages sont menaçants, la lumière peine à les percer. Peut-être la pluie commence-t-elle déjà à s’abattre sur les pauvres naufragés. Certains ont déjà regagné la rive pendant que d’autres tentent de sauver des personnes encore à la mer. Le peintre met en scène le drame humain qui se joue face à la nature hostile.

Représenter une tempête intéresse les peintres depuis la Renaissance. Une catastrophe comme celle-ci n’est-elle pas le meilleur moyen d’affronter la peur et par conséquent d’envisager la survie ? Après un tel évènement, souvent, la nature redevient calme et apaisée, elle renaît (la scène biblique du Déluge en est le meilleur exemple). Au XVIIe siècle, la tempête a également été beaucoup illustrée dans la peinture hollandaise à des fins politiques : il s’agissait alors de montrer la résistance et la puissance de la flotte nationale.

Ces deux tableaux illustrent deux états psychologiques de l’homme : la tempête de l’âme et la confiance, la sérénité.

 

 

 

 

 

 

 

Août 2022

 

Anonyme
Copie de fresque de Pompéi

Gouache sur papier, XIXe siècle
Inv. 908.8.89

Pompéi est une ville antique située près de la côte de la baie de Naples. Cette cité est connue mondialement pour avoir été ensevelie par une éruption volcanique en 79 apr. J.-C. La vie a totalement disparu, Pompéi a été rayé de la carte du monde romain ainsi que les villes voisines. Ce n’est qu’au XVIIIe siècle, à partir de 1748, que des « professionnels » vont s’intéresser aux restes de la cité et c’est en 1763 que l’identification de la cité en tant que Pompéi a été réalisée.

Dès les premières fouilles, outre la conservation impressionnante des objets qui semblent être réellement figés dans le temps grâce à la lave, sont mises en lumière de magnifiques fresques qui ornaient les murs des demeures ou des bâtiments religieux et administratifs. Chez les Romains, un lieu était considéré comme terminé une fois que les murs étaient complètement décorés.

Les fresques de Pompéi sont de styles et d’inspirations très diverses : des fresques en noir et blanc ou multicolores, des scènes de chasse, de batailles, bucoliques, mythologiques, symboliques ou de simples décorations géométriques.

Il existe quatre grands courants identifiés sur les fresques de Pompéi. Le premier style se répand dans le monde romain au cours du IIe siècle av. J.-C : c’est un style architectural, empreint d’une influence grecque, consistant, par exemple à imiter le marbre.

Le deuxième style débute vers 80 av. J.-C. avec un important recours à la perspective afin de réaliser des trompe-l’œil de paysage. Des personnages commencent à faire leur apparition dans les décors.

Le troisième style se développe avec le règne de l’empereur Auguste (27 av. J.-C). Il est également appelé « style ornemental égyptien ». Les trompe-l’œil n’existent plus, les surfaces redeviennent plates. La fresque est divisée en trois parties avec une représentation au centre, le plus souvent inspirée de la mythologie ou de l’art religieux.

Enfin, le quatrième style identifié est figuratif et débute durant le règne de Claude (41 apr. J.-C). On y retrouve une grande variété de décorations s’inspirant des deux styles précédents : scènes mythologiques, trompe-l’œil, …

Ici, nous avons une reproduction à la gouache d’un élément d’une fresque pompéienne. L’appartenance à un style est difficile à savoir avec cet unique personnage mais on peut penser que cela appartient au troisième ou au quatrième style. Comme l’aquarelle, la gouache est une peinture à l’eau, mais couvrante et opaque. Elle est composée de pigments colorés, d’un liant (souvent de la gomme arabique) et d’eau. Elle donne un fini mat et velouté, aux teintes puissantes. Dans cette œuvre, ces qualités sont accentuées grâce au contraste avec le papier noir.

Encore aujourd’hui, Pompéi n’a pas fini de nous délivrer tous ses secrets ! Des archéologues sont encore mobilisés sur le site et trouvent des éléments qui nous permettent d’en apprendre encore sur la vie des habitants de la cité avant l’éruption du Vésuve.

Texte : Isaure Digard, médiatrice au Musée barrois

 

 

 

 

 

 

 

Juillet 2022

 

D’après Du Gardin
La promenade sur la plage
Aquatinte et aquarelle, XIXe siècle
Inv. 908.8.129

Quoi de mieux en plein été que de profiter de l’air marin ?

Cet élégant couple se trouve au bord de la mer, peut-être en Normandie ? Le XIXe siècle marque le début du succès des stations balnéaires. La baignade reste évidemment l’activité principale mais d’autres font leur apparition : promenades, concours de châteaux de sable, voile, badminton et bien d’autres. En effet, il serait mal vu de rester allongé à lézarder au soleil sur sa chaise longue. La plage est devenue un vrai lieu de distraction. Au loin, on aperçoit un bateau. Est-il en train de naviguer ou est-il à l’arrêt pour laisser à ses occupants le plaisir de pouvoir pêcher ou plonger en pleine mer ?

Arrêtons-nous un instant sur les tenues de ces jeunes gens. En effet, ils semblent être habillés chaudement pour des personnes voulant profiter de la plage. Et pourtant, cette simple scène nous montre un autre aspect de la vie au XIXe siècle. Exposer son corps au soleil pour avoir la peau dorée ? Hors de question. La blancheur de la peau était un signe de distinction à cette époque, un symbole de la réussite sociale. Ce n’est qu’au début du XXe siècle que les mœurs à se sujet vont doucement évoluer.

Ici, l’artiste a décidé d’utiliser la technique de l’aquatinte. Elle fait partie des techniques de l’eau-forte, c’est-à-dire de la gravure douce, et permet de créer différentes nuances de couleur selon le temps durant lequel la plaque reste dans l’acide. La plaque est recouverte d’une poussière de résine, puis passe dans une boîte spéciale. Une fois sortie, la plaque est passée sous une source de chaleur pour faire fondre cette poussière de résine. La surface est alors plus composée de points que de traits obtenus dans une méthode plus classique de gravure. L’estampe a ici été rehaussée à l’aquarelle.

De plus, le donateur de cette œuvre n’est pas un inconnu : il s’agit de Charles Freund-Deschamps, un des plus grands donateurs du Musée barrois. Vous pouvez d’ailleurs retrouver une œuvre du mois qui lui a été consacrée en mai 2022.

Texte : Isaure Digard, médiatrice au Musée barrois.

 

 

 

 

 

 

 

Juin 2022

Harpe
Tchad
Cuir, peau, bois, fil métallique
Inv. prov. 21.05.01.284

La harpe est un instrument de musique répandu sur plusieurs continents, dont les cordes sont tendues en diagonale entre le manche et la caisse de résonance ; elles sont mises en vibration par pincement. Son existence est attestée dès le quatrième millénaire avant J.-C. en Mésopotamie. Les exemplaires que l’on trouve en Afrique centrale sont plus petits que ceux que l’on connaît en Occident et ont moins de cordes (entre cinq et dix).

La harpe conservée au Musée barrois est entrée dans ses collections sans que l’on connaisse sa région de provenance, sa date de fabrication, ses fonctions ou ses usages. Il est toutefois possible d’émettre une hypothèse sur sa provenance, par analogie avec d’autres harpes dont la localisation d’origine est attestée. Sur cette base, on peut supposer que cette harpe proviendrait du Tchad, pays frontalier, au sud, du Cameroun et de la République centrafricaine.

En effet, toutes les harpes du Tchad ont entre cinq et six cordes ; elles ne sont jamais peintes et les seules décorations que l’on peut y trouver sont des gravures géométriques sur le manche (croix, traits, zigzags, …).

Parmi les harpes tchadiennes, certaines viennent peut-être de la même région ou ont été fabriquées par la même population, car elles partagent d’autres caractéristiques morphologiques, comme leurs cordes en fil de fer. Sur ces harpes, les évents, orifices percés dans la table d’harmonie, qui recouvre la caisse de résonance, sont toujours au nombre de trois. Ils sont systématiquement placés de la même façon, formant un triangle : le premier en haut au milieu, le deuxième en bas à gauche et le troisième en bas à droite.

La harpe du Musée barrois possède bien toutes ces caractéristiques, puisqu’elle a cinq cordes en fil de fer, des symboles géométriques gravés sur le manche et trois évents en triangle. Seule, cette comparaison morphologique ne permet pas d’affirmer avec certitude que cette harpe provient du Tchad : néanmoins, elle va indubitablement dans le sens de notre hypothèse. Si l’on arrivait à identifier le dénominateur commun (même région ? même population ? …) aux harpes à cordes en fil de fer et à trois évents, il serait possible d’aller encore plus loin dans l’identification de la provenance de la harpe du Musée barrois !

Texte : Salomé Strauch, doctorante, UMR 7206 Eco-anthropologie, Musée de l’Homme - Muséum National d’Histoire Naturelle.

 

 

 

 

 

Mai 2022

Heinrich KAUTSCH
Médaille pour les noces d’argent de Monsieur et Madame Freund-Deschamps

Argent, 1932
Inv. prov. 22.02.24.1

Henrich Kautsch, sculpteur et graveur de médailles originaire de Prague, est né en 1859. Il exerça principalement en Europe centrale et en France. Il débuta ses études à l’école d’orfèvrerie de Prague puis entra à l’École des Arts Appliqués de Vienne où il tint même une chaire en 1882. En 1889, il posa ses valises à Paris où il apprit la sculpture en bas-relief. En 1900, il fut nommé délégué de la section de la Bosnie-Herzégovine lors de l’Exposition Universelle dans la capitale française. Il partit à Vienne lorsque la Première Guerre mondiale éclate et il y termina ses jours.

L’artiste et Charles Freund-Deschamps étaient tous deux originaires de Prague. Ils se sont rencontrés à Paris, une amitié s’est très vite construite entre eux. Le nom de Freund-Deschamps ne vous ait peut-être pas inconnu car il était le directeur de la bleuterie « Deschamps Frères », implantée dans la vallée de la Saulx, à l’Isle-en-Rigault et Trémont-sur-Saulx. Freund-Deschamps était un passionné d’art et un grand collectionneur. Il fait partie de donateurs les plus généreux du Musée barrois avec plusieurs dons réalisés entre 1891 et 1908. La majorité des œuvres sont des arts graphiques (dessins, gravures, aquarelles, …).

Ici, Heinrich Kautsch a réalisé une plaque commémorative pour le vingt-cinquième anniversaire de mariage, soit les noces d’argent, de Charles Freund-Deschamps. Elle a été offerte au directeur par ses employés. Sur l’avers de cette médaille, on trouve un homme (probablement un ouvrier) tenant un bouquet de roses et accoudé à une stèle, sur laquelle sont inscrits les hommages aux mariés. Sur le revers, une vue des deux sites de la bleuterie est représentée : Renesson et Vieux Jeand’Heurs.

L’entourage de Freund-Deschamps s’est tourné à plusieurs reprises vers son compatriote pour lui commander des œuvres commémoratives. Trois de ces médailles sont conservées au Musée barrois : la plaque décrite ici ; une médaille célébrant M. Freund-Deschamps en tant que maire de L’Isle-en-Rigault (1900) ; une médaille pour la Légion d’honneur de Charles Freund-Deschamps (1903).

Texte d’après les recherches d’Elyne Berthélémy, étudiante en Master 1 à l’université de Lorraine, stagiaire au Musée barrois.

 

 

 

 

 

 

Avril 2022

Jacques Philippe LE BAS (1707-1783), d’après David TENIERS le Jeune (1610-1690)
Les Philosophes bacchiques

Gravure au burin
XVIIIe siècle
Inv. 971.10.423

David Teniers, dit Le Jeune, est un peintre flamand du XVIIe siècle. Son père, David Teniers, dit Le Vieux, est également peintre et c’est à ses côtés qu’il débute. Il bénéficie des conseils d’un autre artiste de talent, Jan Brueghel l’Ancien, dit de Velours, dont il épouse la fille en 1637. En 1651, il devient le peintre de cour de l’archiduc Léopold-Guillaume, gouverneur des Pays-Bas, qui le nomme également conservateur de sa galerie de tableaux.

Peintre prolixe touchant à tous les genres, il s’illustre tout d’abord dans la représentation de scènes religieuses et de paysages. Véritable observateur de la vie populaire, il devient rapidement un maître de la scène de genre, style caractéristique de la peinture flamande du XVIIe siècle. Le but est de mettre en avant des scènes de la vie courante qui peuvent paraître banales au premier abord, mais qui ont souvent une double lecture, réaliste et métaphorique. Ces scènes nous donnent également de nombreuses indications sur la façon de vivre à l’époque.

Sur cette gravure, on voit des hommes dans un habitat modeste. Certains se réchauffent au coin du feu tandis que les deux hommes au centre profitent de délicieux mets préparés pour eux et d’un bon verre de vin ou de bière. Le personnage du premier plan a l’air de nous saluer en nous invitant à trinquer avec lui. Une femme se tient à la porte, peut-être attend-t-elle d’autres invités.

Les scènes de genre flamandes du XVIIe siècle ont bien souvent une portée moralisatrice et édifiante. Derrière cette scène de taverne, sans doute faut-il discerner une réprobation de certaines pratiques, une représentation des mauvais exemples : la consommation du tabac, de l’alcool ou de la bonne chère engendrent une certaine négligence, comme en témoignent les vêtements abandonnés et le balai en plein milieu de la pièce de réception. Le titre, Les philosophes bacchiques, est plein d’ironie et fait certainement référence aux propos « hautement philosophiques » tenus lors de ce genre de soirées bien arrosées.

 

 

 

 

 

 

Mars 2022

Chapiteau de colonne composite
Pierre calcaire taillée et sculptée
58 x 60 x 60 cm, IIe siècle
Inv. prov. 21.04.27.1

Ce mois-ci, nous mettons à l’honneur un des objets majeurs de la section du musée consacrée au site archéologique de Nasium.

Ce chapiteau, datant du IIe siècle, a été découvert par Claude-François Denis en avril 1845, lors des travaux de creusement du canal de la Marne au Rhin. Il a été mis au jour sur l’emplacement d'un édifice monumental tout d'abord assimilé à une tour ou à un fortin, puis à un théâtre. Le "théâtre de la Fossotte" est finalement désigné dans le compte-rendu des découvertes adressé à la Préfecture de la Meuse comme un mausolée. Un réexamen récent des pièces architecturales provenant de La Fossotte et conservées au Musée barrois permet de rapprocher cet élément de chapiteaux de type méditerranéen.

Le chapiteau est notamment composé de feuilles d’acanthe. Cette fleur tire son nom de la mythologie : Acanthe est une nymphe qui a voulu enlever le dieu Apollon et, malheureusement, elle griffa le dieu des Arts au visage. Ce dernier, pour se venger, la transforma en une plante piquante, amatrice de soleil, symbole du dieu. Aussi, dans le langage des fleurs, l’acanthe signifie « Amour de l’art. Rien ne pourra nous séparer ».

La présence de la feuille d’acanthe est un marqueur typique des chapiteaux corinthiens.

On estime que le chapiteau appartenait à une colonnade fermée d’environ 3 à 4 mètres de hauteur.

 

Texte : Isaure Digard, médiatrice au Musée barrois

 

 

 

 

 

Février 2022

Albert-Ernest Carrier-Belleuse (1824-1887)
L’Amour et l’Amitié

Bronze, 79 x 40,5 x 32 cm
Seconde moitié du XIXe siècle
Inv. 893.42.25

En ce mois de février où l’on célèbre la Saint-Valentin, intéressons-nous à une sculpture intitulée L’Amour et l’Amitié.

L’Amour, représenté sous les traits d’Éros/Cupidon, reconnaissable à son arc, est prêt à décocher ses flèches sur les amoureux qui croisent sur son chemin. L’Amitié prend les traits d’une femme. Alors que le jeune homme semble confiant, sûr de lui, elle est davantage dans la retenue : elle se détourne, hésitante ou timide. À côté d’elle, un chien, symbole de la fidélité.
Cette sculpture montre donc une représentation physique de deux notions, deux idées : c’est une allégorie.

Elle est l’œuvre d’Albert-Ernest Carrier-Belleuse, célèbre sculpteur français du XIXe siècle. Il s’inspire essentiellement des grands noms de la sculpture du XVIIIe siècle : il fut d’ailleurs surnommé « le Clodion du Second Empire ». Les corps jeunes et parfaits de notre sculpture sont caractéristiques de son style académique et classique. La sensualité est marquée par les drapés, qui cachent les corps tout en les dévoilant.

À la demande de Napoléon III, il participe à la conception de décors sculptés lors de ses grands travaux parisiens, comme au Louvre ou à la Banque de France. Carrier-Belleuse est reconnu pour son talent et sa capacité à s’adapter aux différentes techniques de son temps. Sa rapidité d’exécution et son classicisme lui sont parfois reprochés par certains de ses contemporains. Ainsi, Rodin, pourtant son élève, trouve les dessins de son maître excellents mais qu’une froideur ressort une fois la sculpture terminée. La qualité de son travail reste néanmoins reconnue par tous.

Il produit également des pièces d’arts décoratifs en série et devient le directeur des travaux d’Art de la Manufacture de Sèvres à partir de 1875 et jusqu’à sa mort en 1887. 

Mais quel est le message de cette œuvre mêlant l’amour et l’amitié ?
La plupart des représentations de ce couple, en particulier au XVIIIe siècle, révèle une réelle complicité entre les jeunes gens. Ici, la position des deux personnages est assez troublante : l’Amour, séducteur, ne nous surprend pas, mais l’Amitié est sur la réserve, attentive. Ce bronze porte parfois le titre L’Amour se confie à l’Amitié, sans doute plus adapté aux attitudes observées.

Texte : Isaure Digard, médiatrice au Musée barrois.

 

 

 

 

 

Janvier 2022

Gargouille acéphale
Pierre taillée, 69 x 57,5 x 33,5 cm
XVIe siècle ?
Inv. prov. 21.12.30.1

Et si, pour débuter l’année, on levait un peu la tête ? En vous promenant sur l’esplanade du musée, vous pourrez observer, sur la façade, quatre étranges sculptures. Et si vous flânez dans les rues de Bar-le-Duc, vous pourriez en croiser quelques-unes également. De quoi parlons-nous ? Des gargouilles !

Les premières sont apparues au XIIIe siècle. Elles ont d’abord un rôle purement technique et pratique : leur fonction est d’évacuer les eaux de pluie, le plus loin possible des murs, pour éviter toute infiltration. Petit à petit, ces sculptures prennent des formes fantaisistes : monstres, animaux ou autres êtres fantastiques, parfois vulgaires. Les « tailleurs d’images » du Moyen Âge laissent libre cours à leur imagination pour fournir des œuvres très originales, qui rompent avec les sculptures « ordinaires ».

Les gargouilles ornent les façades de bâtiments comme les châteaux mais ce sont sur les monuments religieux qu’elles sont le plus visibles. Au fil des siècles, l’artistique l’emporte sur le pratique et les gargouilles se multiplient sur les édifices. De plus, leur physionomie monstrueuse s’explique par le sens et le rôle symboliques qui leur sont attribués. En effet, elles figurent le Mal, le Bien se trouvant à l’intérieur des édifices. Cependant, on peut aussi y voir un rôle purificateur car elles recrachent toutes les eaux usées, et donc impures, par leur gueule. Elles seraient alors les protecteurs du bâtiment. Malheureusement, la nôtre est acéphale : sa tête est perdue. Son rôle symbolique sur le château reste donc incertain.

Au fil du temps, les sculpteurs ont adapté les thèmes aux évolutions de la société. Aujourd’hui, on peut trouver des gargouilles beaucoup plus modernes, comme l’alien (inspiré du film du même nom) qui orne la chapelle de Bethléem à Saint-Jean-de-Boiseau, près de Nantes (https://urlz.fr/hbj8).

Texte : Isaure Digard, médiatrice au Musée barrois.

 

 

 

 

 

Janvier 2016

Adoration des mages
Pierre calcaire polychrome, XVe siècle
77 x 51 x 13,5 cm
Inv. 990.1.89

Cette sculpture, dont la provenance est inconnue, illustre un épisode de l’Évangile selon Matthieu (2 : 1-12) dans lequel des mages suivent une étoile qui les conduit jusqu’à Jésus, à qui ils offrent de l’or, de l’encens et de la myrrhe. Ces cadeaux soulignent la destinée royale de l’enfant.

La scène principale de ce relief se situe au premier plan. À gauche se tient la sainte famille, composée de Joseph, en retrait, de Marie au centre et de Jésus, assis sur les genoux de sa mère. La partie droite est occupée par les trois rois mages, Gaspard, Melchior et Balthazar, qui apportent leurs présents à Jésus, le reconnaissant ainsi comme le messie. Les trois personnages représentent probablement les trois âges de la vie : le plus vieux est agenouillé devant l’enfant, le plus jeune, imberbe, termine le cortège.

La partie haute est plus confuse : trois scènes différentes sont juxtaposées sans réelle distinction des espaces. Derrière la sainte famille sont visibles l’âne et le bœuf : ils complètent la crèche évoquée au premier plan. Cependant, l’ange qui les côtoie n’appartient plus à cet espace : il est dans le ciel et s’apprête à annoncer au monde la naissance de Jésus. Enfin, à droite, on peut discerner un berger au milieu de son troupeau de moutons, dans la montagne. Il est réveillé par un deuxième ange.

Cette multiplicité de saynètes à l’intérieur d’un même cadre est tout à fait typique de l’art médiéval. Les artistes de cette période n’hésitent pas à représenter plusieurs épisodes d’une histoire ou, comme ici, des lieux et des temps différents dans une composition. La polychromie encore visible se limite à quelques couleurs (rouge, bleu, vert et ocre). Les traits des personnages comme les plis des vêtements sont rendus avec une finesse qui dénote une sculpture d’une belle qualité.

Février 2016

Louis-Gustave GAUDRAN (1829- ?)
Joseph Bara
Marbre, 1881
Dépôt de l’État de 1883, transfert de propriété de l’État à la Ville de Bar-le-Duc, 2006
Inv. 2007.0.33


Né en juillet 1779, Joseph Bara est le fils du garde-chasse du seigneur de Palaiseau. Alors que ses frères aînés sont partis combattre aux frontières, Joseph se rend en Vendée pour servir sous les ordres du général Desmarres. Son rôle auprès de lui est incertain : est-il tambour, hussard, agent de liaison ou ordonnance ? Le 7 décembre 1793, il est tué lors d’une embuscade près de Jallais (49) par, semble-t-il, des voleurs de chevaux vendéens. Certaines sources indiquent que Bara aurait lui-même volé ces chevaux et qu’il aurait été abattu par leurs propriétaires, en représailles. Une semaine plus tard, une lettre du général Desmarres est lue à la tribune de la Convention, louant le courage du garçon.

Cette nouvelle ne passe pas inaperçue et Robespierre s’empare de l’épisode pour mettre en avant un modèle de vertu républicaine, quitte à réécrire l’histoire. La légende en fait alors un engagé volontaire dans le 8e régiment de hussards tombé sous les balles des Vendéens en criant « Vive la République ! ». Bertrand Barère, allié de Robespierre, l’érige en exemple pour toute la patrie : « Bara est célèbre à treize ans. Il a déjà, avant que d'entrer dans la vie, présenté à l'Histoire une vie illustre. Il nourrissait sa mère et mourut pour la Patrie ; il tuait des brigands et résistait à l'opinion royaliste. C'est cette vertu qui doit présenter son exemple à tous les enfants de la République, c'est son image tracée par les pinceaux du célèbre David que vous devez exposer dans toutes les écoles primaires ». En effet, la Convention demande que son corps soit transféré au Panthéon et que Jacques Louis David, peintre officiel de la République chargé d’organiser la cérémonie, lui rende également hommage par un tableau. Il n’en fit qu’une ébauche, aujourd’hui conservée au musée Calvet (Avignon).

Modèle d’inspiration pour les artistes de la Révolution à l’image de Joseph Agricol Viala, autre enfant tombé au combat, le petit « hussard » retrouve sous la IIIe République le rôle d’objet pédagogique que Robespierre lui avait assigné. C’est dans ce contexte que le sculpteur Gaudran présente le plâtre de son Buste de Bara au Salon de 1880, dans l’espoir d’obtenir une commande officielle de l’État. Celle-ci se concrétise le 31 juillet 1880 et le marbre reçoit les éloges de M. Kaempfen, inspecteur des Beaux-Arts : « La tête juvénile de Bara est charmante. L’ensemble est très heureux, d’un mouvement très simple et très vivant ». Gaudran a choisi de le représenter en costume de tambour, dans une légère torsion qui donne du dynamisme à l’œuvre. Le marbre permet de rendre avec douceur la jeunesse des traits du jeune homme.

Les artistes, tant peintres que sculpteurs, ont fréquemment mis à l’honneur la figure de Bara au début des années 1880. Citons notamment le marbre d’Auguste Paris, Bara mourant (1883, musée Bargoin, Clermont-Ferrand), le tableau de Jean-Joseph Weerts, La mort de Bara (1880, Musée d’Orsay, Paris) ou celui de Charles Moreau-Vauthier, Mort de Joseph Bara (1880, Musée municipal, Nérac).

Sources :
Collectif, La Mort de Bara. De l’événement au mythe, autour du tableau de Jacques-Louis David, édition du Musée Calvet, Avignon, 1989.
www.histoire-image.org

Paul Alexandre Alfred Leroy (1860-1942)

La Sainte de la frontière

Mine de plomb et aquarelle, 1913-1914

Inv. 979.2.3

Mars 2016

Paul Alexadre Alfred LEROY (1860-1942)
La Sainte de la frontière
Mine de plomb et aquarelle, 1913-1914
Inv. 979.2.3


Il s'agit du premier projet pour le grand tableau intitulé La Sainte de la frontière (Salon de 1914), aujourd'hui conservé au musée de l'Armée, œuvre prophétique représentant un détachement de dragons ayant mis pied à terre dans le crépuscule et attendant l'ennemi aux avant-postes. Jeanne d'Arc, au-dessus d'eux, apparaît en armure, bannière en main, veillant et protégeant la frontière de la France, comme elle l'avait fait de son vivant dans l'imaginaire populaire. Des centaines de cartes postales de cette œuvre puissante furent vendues : avec le culte de la patrie et l'amour de l'armée, la guerre n'était pas loin...

On reconnaît bien les couleurs typiques de Leroy sur cette aquarelle (les reflets de l'amure aux camaïeux délicats et sensibles), ainsi que son trait caractéristique, auquel il attache une grande importance. Cela prouve son art maîtrisé de la technique de l'aquarelle, avec une légèreté, une transparence, une précision sans sécheresse.

Très bon portraitiste, il nous montre dans l'étude une Jeanne qui porte la marque de son époque (la coiffure) et pas forcément le visage de jeune pucelle qu'on attend. Il s'agit bien d'une étude d'après le modèle vivant, dans l'atelier. En témoignent les nombreuses reprises de jambes qui doivent montrer que la sainte, dans le tableau définitif, ne repose pas sur le sol mais flotte telle une apparition ou un rêve (le spectre de la guerre ?). Dans le tableau également, elle retrouve un visage jeune et intemporel qui lui convient mieux. Mais elle conserve ce geste solide du bras droit protégeant les soldats.

Dans cette bonne étude, Leroy avait trouvé l'esprit général de la figure principale de sa toile.

Texte : Jérôme Montchal, in Le Trait et le portrait, 2004.

 

Avril 2016

 

Henri Paul GASSIER (1883-1951)

Au voleur !

Encre et gouache sur papier collé sur carton

Don Mme Poincaré, inv. 936.1.22

 

Caricature : n.f. Représentation grotesque, en dessin, en peinture, etc., obtenue par l’exagération et la déformation des traits caractéristiques du visage ou des proportions du corps, dans une intention satirique (Dictionnaire Le Larousse).

 

Au centre de la composition, Raymond Poincaré (1860-1934) porte deux personnages : Édouard Herriot sous son bras droit et André Tardieu sous son bras gauche. Il est poursuivi par Marianne et Georges Clemenceau, reconnaissable à sa robe de chambre et son calot de troupier dont l’affuble toujours le caricaturiste H.-P. Gassier. Levant les mains au ciel, affolés, il s’écrient « Au voleur ! ».

 

Ce dessin s’inscrit dans le contexte historique tourmenté de la IIIe République après la première guerre mondiale. En 1924, alors que Poincaré n’est plus président du Conseil, le Cartel des gauches remporte les élections législatives. Cette coalition électorale comprend notamment les Radicaux menés par Édouard Herriot.

En 1926, le Bloc national, mené par Poincaré, sort victorieux des élections. Le gouvernement Poincaré bénéficie d’une forte majorité alliant droite et radicaux. Président du Conseil, il nomme Herriot au ministère de l’Instruction publique et des Beaux-Arts : l’ennemi politique d’autrefois a rallié son principal opposant.

André Tardieu, lui, est le principal collaborateur de Clemenceau lors de la Conférence de la Paix en 1919 qui aboutit à la signature du Traité de Versailles. Avec l’échec de Clemenceau à la « primaire » de la présidentielle de 1919 et la victoire du Cartel des gauches en 1924, Tardieu reste en retrait de la vie politique. En 1926, Poincaré le nomme ministre des Travaux Publics. Clemenceau, qui s’est retiré de la vie politique depuis 1919, s’en trouve vexé.

 

Gassier pointe donc ici la récupération par Poincaré de deux anciens adversaires politiques, le faisant accuser de voleur, en particulier par Clemenceau.

 

Élu président de la République à la veille de la première guerre mondiale, Poincaré suscite, d’une manière générale, de vives passions : il fait l’objet de nombreuses caricatures, vantant son efficacité ou ridiculisant certaines de ses mesures. La presse et les cartes postales jouent alors un rôle important pour véhiculer les images des politiques. L’exposition qui se tient au musée de Sampigny jusqu’en novembre 2016 montre cette production de caricatures liées au personnage de Poincaré.

 

Gassier fait carrière en tant que caricaturiste à un moment où la caricature perd du terrain dans la presse. Cet art satirique a connu son heure de gloire au XIXe siècle, à une époque où certains journaux n’avaient pour raison d'être que le portrait-charge. Après la Grande Guerre, la presse écrite supplante définitivement l’image et la caricature ne permet plus d’exercer une action politique aussi efficace.

Gassier travaille pour le Canard enchaîné, l’Humanité, le Populaire et l’Œuvre.

 

Ce dessin fait partie de la donation Poincaré : deux ans après la mort de Raymond Poincaré, sa veuve Henriette donna une centaine d’objets au Musée barrois. Il s’agit pour l’essentiel d’objets personnels, de médailles et de cadeaux diplomatiques reçus au cours de sa carrière politique.

 

 

Sources :

Marie Pintre, Marion Méraud, Conservation départementale des musées de la Meuse.

Encyclopédie Universalis.

 

 

 

À voir jusqu’au 30 novembre 2016 au musée Raymond Poincaré de Sampigny : exposition Caricatures ! La Grande Guerre des images.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Mai 2016

 

École lorraine du XVIe siècle

Vierge au tombeau

Albâtre, première moitié du XVIe siècle

Don de la fabrique de l’église Saint-Étienne de Bar-le-Duc, inv. 843.46.1

 

 

Cette œuvre, haute d’une quarantaine de centimètres, faisait très certainement partie d’un ensemble de sculptures représentant soit, comme son titre d’usage l’indique, une mise au tombeau avec de multiples personnages, soit un Calvaire comprenant, au minimum, Jésus sur la croix et saint Jean.

Les deux hypothèses justifient l’expression de grande douleur qui émane de cette Vierge. Tout, dans cette sculpture, contribue à transmettre le chagrin extrême ressenti par Marie devant la mort de son fils : ses épaules courbées et ses genoux pliés, comme si elle ployait sous un poids impossible à porter ; le geste de ses mains croisées, exagérément grandes, à la fois geste de prière et concentration physique de la douleur ; son manteau aux plis lourds, qui couvre son corps et cache son visage.

 

L’albâtre dans laquelle elle a été réalisée est un matériau apprécié depuis l’Antiquité pour la qualité de son poli et la semi-transparence qui le caractérise. Ces deux propriétés donnent un rendu très fin qui fut très apprécié à la Renaissance. Pour cela, l’albâtre est souvent utilisé en substitut au marbre.

 

La sculpture, par son style et son matériau, s’inscrit dans la lignée des célèbres pleurants des tombeaux des ducs de Bourgogne (XVe siècle, musée des Beaux-Arts de Dijon). Elle proviendrait de la collégiale Saint-Maxe, église dans l’enceinte du château, détruite à la Révolution française.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Juin 2016

Alfred YUNG (1836-1913)
Le Rhin allemand
Partition musicale, 1879
Inv. prov. 16.03.04.2

 

Alfred Yung est un compositeur barisien de la fin du XIXe siècle et du début du XXe siècle qui favorisa l'activité musicale locale à travers ses performances, ses actions et ses œuvres. Son importance au sein de la ville et ses succès musicaux sont rappelés sur son monument funéraire, visible au cimetière de Bar-le-Duc. Il fut par exemple organiste et maître de chapelle de l'église Notre-Dame et professeur de musique au lycée de Bar-le-Duc. En 1864, il fonda l'Orphéon dont il fut le directeur jusqu'en 1875.

Alfred Yung a été formé musicalement par le grand musicien et compositeur romantique Louis Niedermeyer. Il fréquenta en effet la grande école de musique religieuse Niedermeyer qui a aussi formé de grands compositeurs du post-romantisme comme Camille Saint-Saëns ou Gabriel Fauré.

La musique d'Alfred Yung peut être considérée comme simple d'exécution : contrairement à ses contemporains, la difficulté harmonique de ses morceaux n'est pas très élevée. Les modulations (c'est-à-dire changements de tonalités dans un morceau) sont soit dans le ton relatif du ton principal ou bien dans le ton de la dominante. De plus, les accords sont essentiellement constitués de trois sons tandis que les accords de quatre sons étaient davantage à la mode au XIXe siècle. Une des autres particularités d'Alfred Yung est le style patriotique très présent dans ses œuvres.

 

Le Rhin allemand est une très belle illustration de son style d'écriture mais c'est aussi une œuvre intéressante du point de vue de son contexte historique. Il s'agit d'une œuvre pour chœur accompagné par un piano. La mélodie, chantée par l'ensemble vocal, est essentiellement conjointe et est dominée par des rythmes pointés qui est une des caractéristiques principales des musiques patriotiques. Par ailleurs, la tonalité principale en Ré Majeur est considérée comme ayant un caractère belliqueux par les compositeurs du XIXe siècle. On peut voir également dans cette œuvre la forme ordinaire d'une chanson, c'est à dire une alternance refrains/couplets préparés par une introduction instrumentale. Enfin, la métrique est binaire donnant la sensation d'avancer au pas comme beaucoup de marches militaires.

D'un point de vue historique, Alfred Yung a vécu l'annexion de l'Alsace et de la Moselle par les allemands en 1870. Sa plume n'en est devenue que plus patriotique. Son œuvre Le Rhin allemand, composée en 1879, est le reflet des sentiments éprouvés par la plupart de ses compatriotes. Le refrain ne comporte qu'une seule phrase : « Nous l'avons eu votre Rhin allemand ». Cette dernière est répétée trois fois. L'emploi du passé explicite la nostalgie de l'Alsace française. Les couplets, quant à eux, expriment un certain mépris vis-à-vis des Allemands et de leur victoire face à Napoléon III.

D'autres compositeurs ont exprimé le traumatisme de l'annexion dans leur art comme Ben Tayoux et Gaston Villemer, auteurs en 1871 de la célèbre chanson Vous n'aurez pas l'Alsace et la Lorraine.

 

Texte : Manon Bertaux, étudiante en Musicologie à l’Université de Lorraine, stagiaire au Musée barrois.

 

 

Juillet 2016


Oushebti de la maîtresse de maison d’Osiris
Égypte
Terre cuite peinte
XXIIe dynastie ou XXIIIe dynastie (945-715 av. J.-C.)
Don Veuve Colson, inv. 981.1.4


Cet objet est une figurine funéraire, appelée par les Égyptiens « oushebti » (« celui qui répond »). Elle représente le défunt sous la forme d’une momie. Seuls la coiffure du personnage et, éventuellement, les accessoires qu’il tient dans les mains, permettent, avec son nom, d’identifier la qualité de celui-ci, roi ou civil.

La figurine représente le double du défunt : elle se substitue au mort pour effectuer à sa place, dans l’au-delà, les travaux agricoles et les diverses corvées auxquels celui-ci pourrait être soumis. Dans la tombe, il est déposé un oushebti pour chaque jour de l’année.
Selon le statut social du défunt, le matériau utilisé pour fabriquer l’oushebti est plus ou moins précieux : terre cuite, pierre, bronze, bois ou terre émaillée.

« L’oushebti de la maîtresse de maison d’Osiris », ainsi identifié grâce à l’inscription hiéroglyphique malheureusement lacunaire, est une intéressante figurine munie de deux houes modelées en relief comme sur les oushebtis de Karomama, divine adoratrice d’Amon et reine, dont la tombe vient d’être retrouvée au Ramesseum à Louxor (XXIIe dynastie). Entièrement consacrée au dieu, elle accomplit les rites dans le temple de Karnak, agite les sistres pour réjouir Amon et l'apaiser. Le nom de la défunte demeure illisible mais fait état d’une maîtresse de maison, peut-être danseuse, placée sous les auspices d’Osiris ou associée à son culte (œil + siège = Osiris).

Le Musée barrois conserve 158 œuvres égyptiennes, dont 26 oushebtis. Celui-ci a été donné au musée en 1873 par la veuve d’un militaire meusien, le général de brigade Joseph-Émile Colson (Saint-Aubin-sur-Aire, 1821 – Reichshoffen, 1870). Le général Colson, affecté en Afrique et en Orient dans les années 1840 et 1850, avait rapporté de ses campagnes un nombre conséquent d’objets de fouilles archéologiques alors non protégés.

 

Sources :
www.louvre.fr
Franck Mourot, archéologue ; Benoît Lurson, égyptologue ; Jan Moje, égyptologue.

 

 

 

 

 

 

Août 2016

Edouard Sain (1830-1910)
La Famille
Huile sur toile, 1892
Propriété de l’État, fonds national d’art contemporain. Inv. : FNAC 180
Déposé au Musée barrois en 2007, inv. D. 2007. 1.1


Ce tableau est exposé en 1893 à Paris, au Salon de la Société Nationale des Beaux-Arts, sous le numéro 926. Il est alors acquis par l’État qui décide peu après de le déposer au musée de Vaucouleurs dans la Meuse. En 2007, il rejoint les collections du Musée barrois.

Voici comment il est décrit dans une revue de l’époque :
 « une mère assise tient sur ces genoux son dernier-né dans la nudité de l’innocence ; autour ses enfants s’empressent avec amour ; l’aînée s’avance, portant sur le front, avec l’harmonieux geste des canéphores antiques, un panier de fruits fraîchement cueillis ; dans le fond, les vieux se penchent sur des menus ouvrages ; à droite, approche le mari, le hoyau sur l’épaule et le bonnet napolitain sur la tête : comme il doit se réjouir à ce doux spectacle, comme il va baiser au front la gardienne de son bonheur domestique ! »
Marc Legrand, in L’artiste, revue de l’art contemporain, novembre 1897.

On retrouve dans ce tableau les principales caractéristiques de l’art d’Edouard Sain. Le sujet est celui d’une famille napolitaine rassemblée sous une pergola. On peut reconnaître dans le bonnet porté par le père à l’arrière un vêtement traditionnel de cette région. La simplicité de l’habitat et des objets représentés font d’emblée penser à une famille modeste : sa principale richesse est sa cohésion et son harmonie. Tous les âges de la vie sont représentés depuis les grands-parents à l’arrière-plan, mis en valeur par le traitement lumineux du paysage maritime, jusqu’au nourrisson dans les bras de sa mère, entouré des regards bienveillants de ses aînés. La position de la mère, au premier plan, proche de celle d’une Vierge à l’Enfant, donne une signification quasi-religieuse à cette scène et au bonheur familial qui semble en découler.
La composition très ordonnée autour de cette figure centrale, l’aspect figé de la scène, l’harmonie des teintes utilisées et la douceur des lignes et de la lumière renforcent cette idée de tendresse partagée et de douce mélancolie.

Texte : Etienne Guibert, responsable du Musée barrois de 2005 à 2015.

 

 

 

 

 

SEPTEMBRE 2016

 

Boutoir d’apparat

Fer, époque gallo-romaine

Provenant de Pont-sur-Meuse (55)

Don Vériot, inv. 866.3.4

 

Cet instrument vétérinaire sert à parer le pied du cheval, c’est-à-dire à enlever des copeaux de corne de la sole pour l’amincir, soit dans le cadre d’un parage ordinaire avant de ferrer l’animal, soit pour préparer une opération chirurgicale. Long de 32,5 cm, le boutoir est saisi par le soigneur à deux mains en le calant sur son ventre. Son usage demande une certaine dextérité et peut s’avérer dangereux aussi bien pour les hommes qui le manœuvrent que pour l’animal. Cela explique son abandon, au XXe siècle, au profit du rogne-pieds ou de la rénette pour enlever la corne du sabot.

L’outil se compose d’un manche coudé et d’une lame allongée de forme rectangulaire. Ce boutoir se termine par une poignée en forme de tête d’aigle dont la garde est constituée d’un buste d’Athéna/Minerve, protectrice des artisans et des cavaliers. Sa grande qualité artistique tend à faire penser qu’il s’agit d’un boutoir d’apparat.

Il a été découvert en 1845 lors de la construction d’un pont franchissant la Meuse, dans les fondations d’un pont antérieur. Il fait partie de la vingtaine de boutoirs gallo-romains connus à ce jour dans le monde.

 

 

Sources :

V. Gitton-Ripoll, « Entre archéologie et littérature : le boutoir et le forfex », La trousse du vétérinaire dans l’Antiquité et au Moyen Âge. Instruments et pratiques, Actes du IVe colloque international de médecine vétérinaire antique et médiévale, éd. Presses universitaires du Midi, 2014.

 

 

 

 

NOVEMBRE 2016

 

Émile FRIANT (1863-1932)

Portrait de Mme Raymond Poincaré

1914, mine de plomb sur bristol

Don Mme Poincaré, inv. 936.1.16

 

Les portraits dessinés d’Émile Friant étaient très appréciés, tant et si bien qu’il abandonna la peinture pour s’y consacrer entièrement. Il réalisa notamment trois croquis du président Poincaré, d’origine meusienne, en 1914, travail préparatoire à une eau-forte représentant Poincaré surmonté d’une allégorie de la Lorraine, reproduite en couverture du menu d’un banquet de la Société amicale des Lorrains. En 1928, il fit une nouvelle eau-forte de Poincaré écoutant un discours. Les liens avec le grand homme, amateur d’art, ministre des Beaux-Arts en 1895, étaient donc étroits.

On retrouve dans ce portrait de Mme Poincaré, née Henriette Adeline Benucci, l’artiste mondain laissant une place assez grande aux artifices (livre entrouvert, rose, fauteuil Louis XVI) et manifestant un net souci d’idéalisation (même si on reconnaît fort bien le modèle), finalement très ingresque. Première impression et intensité vont de pair dans ce portrait d’une extrême douceur et d’une grande et sereine beauté. Le mystérieux et sensible langage du noir et blanc se met au service d’une expression humine avec force et vivacité. Mme Poincaré représente le type même de la femme d’un homme public, douce et aimante, soutien des heures de l’ombre, bien en dehors des polémiques étouffées sur ses conditions modestes – elle était la fille d’une domestique et d’un père inconnu – ou sur son troisième mariage – divorcée du premier, veuve du deuxième. Bien évidemment, ici, c’est le visage qui synthétise toute la force de la feuille avec son bon modelé, sa technique irréprochable et cette vie si intense qui font de ce dessin l’un des plus impressionnants du musée.

Le Musée barrois conserve un autre dessin d’Émile Friant, le Portrait de Georges Robineau (inv. 947.6), gouverneur de la Banque de France et proche de Raymond Poincaré.

Texte : Jérôme Montchal, Le Trait et le portrait. De Boucher à Claudel : les plus beaux dessins du musée de Bar-le-Duc, éd. Somogy/Ville de Bar-le-Duc, 2004.

 

 

 

 

 

 

DECEMBRE 2016

 

Attribué à Jean-Jacques LAGRENÉE (1739-1821)
Allégorie de la France accueillant la Paix
Vers 1801, huile sur toile
Inv. 979.7.10

 Sur cette allégorie, les personnages secondaires sont bien identifiables : deux amours chahutent dans le ciel, l’un casqué, l’autre tenant une branche d’olivier, évoquant la Guerre et la Paix ; une figure d’homme âgé mêle les caractères du Temps et de l’Histoire ; une Renommée un peu hommasse brandit trompette et palme. En revanche, on verrait davantage dans la figure centrale la Religion que la Paix. Elle se retrouve, vêtue de blanc, ostensiblement coiffée d’un voile et tenant un livre, sur une peinture anonyme de La Malmaison et sur un tableau de Jean-Pierre Saint-Ours (1752-1809) au musée de Neufchâtel, où la présence d’évêques et de pasteurs s’inclinant devant elle l’identifient clairement. Aussi proposerions-nous, comme sur ces deux œuvres, de voir ici la représentation du concordat. Du reste, dans le contexte de 1801, c’est un véritable retour à la paix, mettant fin à près de dix ans de persécutions religieuses et de guerres civiles.

 Traditionnellement considérée comme une œuvre de Louis Lagrenée, cette peinture a plus de chances d’être due au pinceau de son cadet, Jean-Jacques, qu’il a formé et avec lequel il a partagé certaines commandes. Bien qu’il reçoive encore la Légion d’honneur en 1804, l’aîné, très âgé, n’a plus guère peint après les années 1780.

Texte :
Patrick Lemasson, conservateur en chef, chargé des objets d’art anciens, Petit Palais, Paris, in catalogue de l’exposition L’Art de la paix. Secrets et trésors de la diplomatie, éd. Paris Musées, 2016.

 

 

 

 

 

 

FEVRIER 2017

Garniture de ceinturon
Métal damasquiné (fer, laiton, argent)
Époque mérovingienne, 630-710
Inv. 885.34.1

 

Les Mérovingiens avaient coutume d’inhumer leurs défunts habillés et parés de bijoux et d’accessoires vestimentaires. Contrairement aux textiles, rarement parvenus jusqu’à nous, les parures sont de remarquables marqueurs archéologiques, indispensables pour dater l’inhumation et déterminer l’origine sociale du défunt. Hommes et femmes sont enterrés avec des bijoux, des armes et des objets usuels : parmi les plus prestigieux, on compte les garnitures de ceinture en métal.

La garniture présentée est constituée d’une plaque-boucle et d’une contre-plaque trapézoïdales. Réalisé à l’aide de fer damasquiné d’argent et de laiton, le décor remarquable de cet ensemble est essentiellement composé d’entrelacs, caractéristiques de l’orfèvrerie mérovingienne.

Le damasquinage (de damaschino, mot italien dérivé de Damas) est une technique de décoration qui consiste à enchâsser un fil de cuivre, d'or ou d'argent, sur une surface métallique, généralement en fer ou en acier, afin de créer différents motifs décoratifs et ornementaux.

Cet objet a été trouvé dans une sépulture antique à Fleury-sur-Aire (Meuse), au lieu-dit La Croisette, lors des fouilles entreprises pour l’établissement du chemin de fer à voie métrique de Bar-le-Duc à Verdun au XIXe siècle. Il fut donné au musée le 1er octobre 1885 par l’intermédiaire de Charles Varinot, entrepreneur de la Compagnie des chemins de fer d’intérêt local de la Meuse.

D’après Jacques Guillaume, spécialiste de l’archéologie mérovingienne en Lorraine, il s’agit sans doute le plus bel ensemble damasquiné du Nord-Est de la France.

 
Cet objet est exceptionnellement exposé jusqu’au 26 mars 2017.

Sources :
Documentation du Musée barrois.
Catalogue de l’exposition du musée de Saint-Dizier Austrasie. Le royaume mérovingien oublié, éd. SivanaEditoriale, 2016 (exposition visible jusqu’au 26 mars 2017).

 

 

 

 

 

 

MARS 2017

École lorraine ?
L’Annonciation
XVIe siècle, pierre calcaire
Inv. 998.5

C’est saint Luc, dans son Évangile (1, 26.38), qui a livré à la tradition le texte fondamental de l’Annonciation : l’archange Gabriel surprend Marie dans sa chambre, en pleine lecture des Écritures, et lui annonce sa grossesse miraculeuse. Ce thème fut, à partir du Moyen Age, souvent traité par les artistes, tant peintres que sculpteurs.

Marie, ici présentée à gauche, distraite de sa lecture, se retourne dans un mouvement suggéré par l’envolée de ses cheveux et la torsion de son buste. Ses vêtements sont contemporains de la création de l’œuvre (manches à crevés). Exprimant la même idée de déplacement, l’archange traverse une nuée, les cheveux au vent, et brandit un phylactère (petite banderole) qui reprend les premiers mots de l’Ave Maria : « Ave Maria, gratia plena / Dominus tecum / Benedicta tu in mulieribus » (« Je te salue Marie, pleine de grâce ! Le Seigneur est avec toi ; Tu es bénie entre toutes les femmes »). L’espace est rendu par un dallage, menant à la maison de Marie. Néanmoins, le relief est traité avec une relative maladresse dans la position des personnages, les proportions du vase de lys (fleur symbole de la pureté de Marie) et surtout la figuration du dallage qui ne prend aucunement en compte la perspective mathématique.

Cette composition est certainement reprise d’une gravure. À la Renaissance, les sculpteurs, sans toutefois copier servilement les gravures qui circulent dans toute l’Europe, s’en inspirent pour mettre en place des compositions qui introduisent peu à peu la notion de perspective.

La provenance de cette sculpture et l’origine de son auteur restent aujourd’hui inconnues : l’érudit lorrain Nicolas Durival mentionne, dans sa Description de la Lorraine et du Barrois, un autel de l'Annonciation dans la chapelle des Princes de la collégiale Saint-Maxe de Bar-le-Duc : peut-être s’agit-il de celui-ci ?

 

 

 

 

 

 

 

JUIN 2017

Jean DRIES (1905-1973)
Les Tournesols
Huile sur toile, milieu du XXe siècle
Inv. 983.3.2

Jean Dries, de son vrai nom Jean Driesbach, naît à Bar-le-Duc en 1905. En 1921, alors qu’il suit sa scolarité au lycée de la ville, sa vie bascule : il est immobilisé pendant plusieurs mois, suite à un grave accident. Il se consacre alors entièrement à la peinture, encouragé dans cette démarche par son professeur de philosophie, Pierre Salzi, et son camarade Paul Lemagny, futur graveur (dont le Musée barrois conserve également plusieurs œuvres). En 1926, il se rend à Paris pour y suivre les cours de l’École des Beaux-Arts. L’année suivante, il obtient le certificat d’aptitude à l’enseignement du dessin.
Commence alors une carrière jalonnée de voyages et d’expositions dans les salons et les galeries parisiennes. Ses débuts sont marqués par la vie à Bar-le-Duc et dans ses environs (Dries revient passer ses vacances dans sa ville natale). Dès les années 1930 cependant, son « port d’attache » devient la Normandie, et plus particulièrement Honfleur. Sa famille y acquiert une résidence en 1936 et, à partir de là, Dries vient y travailler régulièrement. Il y termine sa vie en tant que conservateur du musée.
L’œuvre de Dries peut, dans un premier temps, dérouter le spectateur. La grande diversité de styles et de manières qui ont émaillé sa carrière évoquent ses multiples sources d’inspiration, puisées dans son quotidien mais aussi auprès des plus grands artistes. Nourri de ses lectures, de ses visites de musées et de ses voyages, l’art de Dries est varié, certes, mais montre aussi une grande cohérence. « Faire des choses solides » : voilà une phrase de l’artiste qui pourrait résumer son œuvre. Cette solidité, cette puissance, cette matérialité caractérisent réellement son art, au-delà des références et des changements de styles.
Dries est un peintre du concret, un esprit toujours en recherche que la critique d’art Jeanine Warnod qualifia de « Cézanne fauve ».

En 1936, un ami de Dries le présente à Maurice de Vlaminck (1876-1958). Ému et impressionné par l’exubérant personnage, Dries se fait discret jusqu’à ce que Vlaminck interpelle son ami : « Et lui, qu’est-ce qu’il fait ? – Il fait de la peinture ». Ayant justement une nature morte avec lui, le jeune homme montre son travail, « avec un trac fou ». Mais le verdict est plus qu’honorable : « Pas mal, sa carpe, vous êtes peintre ! » (Cahier bleu).
La comparaison entre ses natures mortes illustre à merveille comment le peintre peut passer d’un art classique à un traitement plein d’audace et d’inventivité, jouant, sans jamais les copier, avec les règles du cubisme et du fauvisme.
Dries a réalisé des natures mortes tout au long de sa vie, en particulier de nombreux bouquets de fleurs, à l’instar de ces Tournesols. Ces tableaux, souvent simples mais expressifs et représentatifs de son art à la touche vive et enlevée, rencontraient un grand succès et permettaient au peintre de vivre de son art.
Cette œuvre a été donnée au Musée barrois en 1983 suite à la première exposition qui fut consacrée à Dries la même année. Une deuxième rétrospective fut organisée pendant l’hiver 2013-2014.

 

 

 

 

 

JUILLET 2017

Paul Albert GIRARD (Paris, 1839 – 1920)
Le Repos du pasteur dans la montagne
Huile sur toile, vers 1870
Inv. 2007.0.14

Paul Albert Girard naît à Paris le 13 décembre 1839. Fils du peintre paysagiste Pierre Girard (1806-1872), il entre à l’École des Beaux-Arts de Paris en 1857 ; il y étudie sous l’égide du paysagiste Jean-Joseph Bellel (1816-1898), avant de parfaire sa formation auprès des artistes néo-classiques Jean-Hippolyte Flandrin (1809-1864) et François-Edouard Picot (1786-1868). Rapidement, Girard obtient une certaine renommée : entre 1859 et 1880, il est exposé au Salon de Paris, au Salon de Dijon (de 1887 à 1910) et au Salon des Peintres Orientalistes. Ses voyages en Afrique du Nord ont largement nourri ses penchants orientalistes. Il connaît la consécration quand, en 1861, il reçoit le Prix de Rome dans la catégorie « Paysages historiques », avec La Marche de Silène (Paris, École nationale supérieur des Beaux-arts). En 1895, il est fait chevalier de la Légion d’honneur.

L’art de Girard est empreint de l’influence de ses maîtres, mais aussi de l’esprit de son temps. Ainsi, ses compositions orientalisantes correspondent totalement au goût d’alors pour les cultures turques, arabes et, plus généralement, moyen-orientales. Cet attrait pour l’exotisme, l’ailleurs, n’influença pas seulement l’art ; toute la société s’en trouva imprégnée. Qu’il s’agisse de la noblesse ou de la bourgeoisie, les salons se parèrent d’objets, de tissus orientaux ; les maîtres et maîtresses de maison n’hésitèrent pas, lors de soirées, à se vêtir à la mode orientale. En ce qui concerne Girard, ses voyages en Afrique du Nord lui inspirèrent des scènes de la vie rurale en Kabylie, ainsi que des compositions évoquant les intérieurs des palais algériens.

La touche de Girard se caractérise par des couleurs vigoureuses et franches et des compositions solidement construites. Les paysages en sont le sujet principal et les personnages ne sont qu’un prétexte permettant leur mise en valeur. Dans le cas du Repos du Pasteur, les deux pâtres – l’un, debout, buvant, tandis que l’autre, étendu, s’offre un instant de repos – sont représentés dans l’ombre d’une grotte, alors que le paysage, à l’arrière-plan, s’offre dans une intense lumière, accentué par la craie blanche des falaises. Ce paysage va jusqu'à envahir l’ombre à travers son reflet dans le petit étang. Les chèvres, minuscules taches peuplant les talus, ne font que renforcer la majesté du site.

Une telle composition ne peut que rappeler les œuvres de l’École de Barbizon. Ce foyer artistique, très actif entre 1825 et 1875, autour du village Seine-et-Marne du même nom, s’inscrit en réaction à l’académisme du néoclassicisme, mais aussi à l’industrialisation galopante. Ainsi, les peintres de cette école font du paysage un genre majeur ; a contrario, les néo-classiques, faisaient primer l’expérience intellectuelle sur l’observation sensible de la nature. Les peintres de Barbizon nous montrent, comme dans notre Repos du Pasteur, une nature tranquille, sereine, loin de toute agitation urbaine, invitant ainsi le spectateur à la contemplation.

Cette œuvre, exposée pour la première fois au Salon de 1870, fut déposée par l’État au musée de Bar-le-Duc le 28 novembre 1871. Actuellement exposée dans la salle abritant l’œuvre monumentale d’Ispoustéguy, Le Mangeur de gardiens, elle remplace temporairement La Rentrée du troupeau le soir d’Octave Guillonnet (1872-1967) ; ce tableau a, en effet, été prêté pour 3 mois à Carros (06), dans le cadre d’une exposition consacrée à l’artiste au Centre international d’art contemporain.

 

Texte : Audrey Lambert, étudiante en Master d’Histoire de l’art à l’université de Lorraine, vacataire au Musée barrois.

 

 

 

 

 

 

 

AOÛT 2017

Hendrick de CLERCK (Bruxelles, vers 1570-vers 1629)
Diane découvrant la grossesse de Callisto
Huile sur bois, début du XVIIe siècle
Inv. D.1 (MNR 388)

Des jeunes années de Hendrick de Clerck, nous ne savons rien, si ce n’est son possible apprentissage auprès de Martin de Vos (1532-1603), peintre flamand au style largement influencé par ses voyages italiens. Hendrick de Clerck, comme son maître, séjourna en Italie, notamment à Rome de 1587 à 1594. Cette même année, il regagna sa ville natale et intègra la cour de l’archiduc du Saint Empire Ernest d’Autriche (1553-1595), avant de rejoindre celle des archiducs Albert (1559-1621) et Isabelle (1566-1633). On sait également qu’il collabora avec Jan Brueghel l’Ancien (1568-1625), pour qui il réalisa certains paysages.

Les œuvres de Hendrick de Clerck se caractérisent par leur composition complexe. Une multitude de personnages s’y croisent, souvent dans une nature fantasmée plus proche d’un décor de théâtre que d’une vue réelle. Nous retrouvons cela dans ses Noces de Thétis et Pelée (huile sur cuivre, musée du Louvre, inv. RF 1945-17) et dans notre tableau relatant les malheurs de la jeune nymphe Callisto.
Ovide, dans ses Métamorphoses (Ier siècle) nous narre le récit de cette jeune femme : nymphe d’une très grande beauté, elle était l’une des nombreuses suivantes de Diane, la déesse de la lumière, du monde sauvage et de la chasse. Cette dernière, ayant fait vœu de chasteté, exigeait le même sacrifice de ses compagnes. Mais Jupiter n’en eut cure lorsqu’il séduit la jeune Callisto ; pour cela, il prit l’apparence d’Apollon (Diane selon certaines sources) et mit la malheureuse enceinte. La nymphe, consciente de son état et de sa trahison envers sa maîtresse, tenta de dissimuler sa faute. Diane, folle de rage en découvrant la chose, la menaça de mort. Cependant, Junon, l’épouse de Jupiter, enragée face à la énième tromperie de son mari, transforma Callisto en ourse, la condamnant ainsi à se cacher dans les montagnes pour échapper aux flèches de son ancienne maîtresse. Mais le destin fit son œuvre, et, lors d’une chasse, Diane tua Callisto. Jupiter, ému du sort de sa maîtresse d’une nuit, la fit monter au ciel, faisant d’elle la constellation de la Grande Ourse. L’enfant né de cette union, quant à lui, devint par la suite la Petite Ourse.

Ici, l’artiste s’attache à nous montrer l’instant fatidique où Diane découvre la grossesse de la nymphe. La déesse, au centre de la composition, reconnaissable au croissant de lune sur sa tête, montre d’un doigt accusateur Callisto, défaillante sous le poids de sa trahison. Une de ses compagnes, bienveillante, semble vouloir la retenir, tandis qu’une autre, dans un geste violent, retient l’étoffe rouge qui voilait le corps de la nymphe, offrant ainsi aux yeux de toutes le ventre rebondi de la future mère. Le reste de la scène est peuplé d’une multitude de nymphes, réagissant toutes différemment face à l’évènement : surprise, compassion, désintérêt… La scène, mythologique, où tant de corps féminins s’exposent, devient prétexte à une scène pleine de sensualité dans laquelle les déhanchés répondent aux courbes et aux rondeurs.

L’histoire de ce tableau est toute particulière. Il fut déposé par l’État au Musée barrois le 28 avril 1954 et fait partie du catalogue MNR (Musées Nationaux Récupération), avec près de 2000 autres œuvres. Celles-ci, récupérées en Allemagne après la seconde guerre mondiale, furent renvoyées – sur la foi d’indices archivistiques – en France, lieu de leur provenance. Ces œuvres, spoliées par les nazis, sont ainsi en attente d’une éventuelle restitution aux héritiers des anciens propriétaires. Dans le cas de notre tableau, on sait qu’il fut acquis en août 1943 par Hermann Göring (1893-1946), commandant en chef de la Luftwaffe et ministre de l’Aviation de l’Allemagne nazie, pour la somme de 45 000 francs ; il fut alors enregistré au Central Collecting Point de Munich. En 1950, il fut attribué au Louvre par l’Office des Biens et Intérêts Privés, avant d’être déposé au Musée barrois en 1954. Dans la nuit du 20 au 21 août 1985, il fut volé et il fallut attendre 1987 pour le retrouver et permettre au public de l’admirer à nouveau.

 

Texte : Audrey Lambert, étudiante en Master d’Histoire de l’art à l’université de Lorraine, vacataire au Musée barrois.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Septembre 2017

Jean-Baptiste-Joseph DEBAY (1802-1862)
Modèle réduit du monument au Maréchal Oudinot
Bronze à patine noire, piédestal en marbre blanc, vers 1850, 71,5 x 29,7 x 29,7 cm
Acquisition 2017, inv. 2017.1.1

Né à Bar-le-Duc en 1767, fils de brasseur, Nicolas-Charles Oudinot s’engage dans l’armée à 17 ans. La Révolution de 1789 lance véritablement sa carrière militaire, une carrière fulgurante puisqu’en 1799, il est déjà général de division. Les grandes campagnes napoléoniennes lui permettent de s’illustrer et de se faire remarquer par l’empereur. En 1809, il accède au rang de maréchal et Napoléon le fait duc de Reggio. Ses 32 blessures lui valent le surnom de « Bayard de l’armée française ». Grand chancelier de la Légion d’honneur en 1839, il termine sa carrière en tant que gouverneur des Invalides où il est enterré après sa mort en 1847.

Très attaché à Bar-le-Duc, Oudinot y fait construire un hôtel particulier en lisière de la ville. Érigé sur le modèle des hôtels classiques entre cour et jardin, avec deux ailes en retour, doté d’un agréable jardin à l’anglaise, ce bâtiment devient l’hôtel de ville en 1868. Oudinot est aussi à l’origine d’un réel développement de la cité et de ses environs, favorisé par l’arrivée du chemin de fer, le percement du canal de la Marne au Rhin et l’implantation des forges, pendant longtemps moteurs de la vie économique de la région.

En 1847, à peine un mois après son décès, le Conseil municipal décide d’ériger une statue en son honneur sur la principale place de la ville. La large souscription alors mise en œuvre et la participation de 3 000 F de l’État permettent d’ériger une statue dont l’exécution est confiée à Jean-Baptiste Joseph Debay et qui est inaugurée en 1850.

La configuration originelle du monument, démonté dans les années 1980, n'est aujourd’hui connue que par les dessins de la comtesse de Vesins, fille du maréchal, et des cartes postales. En effet, les modelli (maquettes préparatoires) des différents artistes ayant participé à « l’appel d’offre » du Conseil municipal, conservés au Musée barrois, n’en montrent que la partie supérieure. Oudinot y est représenté en habit de maréchal, son bâton de commandement à la main, un canon dont il se serait emparé au passage du Mincio (1800) à ses pieds.

Ce modèle réduit que vient d’acquérir le Musée barrois présente l’entièreté du monument, constitué de la statue et de son socle. Ce dernier était composé de quatre génies ornant les angles et de quatre bas-reliefs en bronze évoquant de grands exploits du maréchal : le départ des volontaires de la Meuse (1791), la prise du pont de Vienne (1805), la bataille de Wagram (1809) et le passage de la Bérézina (1812).

Cette œuvre, acquise par la Communauté d’Agglomération Bar-le-Duc Sud Meuse grâce au concours de la Ville de Bar-le-Duc, vient compléter un riche ensemble d’objets liés au Maréchal Oudinot. Il est vrai que, dès son vivant, celui-ci participa à l’enrichissement du musée créé en 1841. Après son décès, ses descendants firent don de nombreux souvenirs et le musée se porta acquéreur de plusieurs objets à la vente qui se déroula dans son château de Jeand’heurs après sa mort. La collection conservée par le musée reflète le goût éclectique des amateurs du XIXe siècle dont Oudinot faisait partie : armes, antiquités, portraits, tableaux liés à l’armée, spécimens d’histoire naturelle… portent le souvenir de cet homme exceptionnel qui fit tant pour sa ville natale.

 

 

 

 

 

 

Octobre 2017

Frans FRANCKEN dit le Jeune (Anvers, 1581 – Anvers, 1642)
Abraham GOVAERTS (Anvers, 1589 – Anvers, 1626)
Le Concert des Anges ou La Vierge à l'Enfant
Huile sur bois, début du XVIIe siècle
Inv. 979.7.31

Ce tableau flamand montre, dans sa partie gauche, une Marie juvénile et rougissante devant le plateau de fruits que lui présente un ange aux ailes multicolores. Deux autres anges – jouant du violon et de la harpe – ravissent la mère et l'enfant de leur musique céleste. Derrière eux, une ribambelle de cinq anges plus petits, dodus, cueillent des grappes de raisins et quelques roses blanches, allusions au sacrifice de Jésus et à la pureté de Marie. Le décor bucolique, au premier plan à droite et à l'arrière-plan, vole presque la vedette à la Vierge et à son fils. En effet, les diverses variétés de fleurs représentées sont peintes avec tant de délicatesse et de minutie que l'on pourrait presque en déterminer chaque espèce. Les couleurs, plus douces, apaisent le regard.

Ce tableau, à la palette gracieuse et à l'exécution raffinée, étonne par la différence de facture entre le fond de paysage et les personnages. Si le premier est traité dans un camaïeu de verts et de bleus très doux, les seconds semblent plus agressifs avec leur palette acide et leur aspect très graphique. En réalité, cette œuvre présente la particularité d'avoir été peinte à deux mains : deux artistes y ont collaboré, Frans Francken et Abraham Govaerts.

Élève de son père, Frans I, Frans Francken est le troisième artiste de la famille. Son fils, Frans III, et son petit-fils, Constantinus, seront eux aussi artistes. Ainsi la dynastie des Francken occupe-t-elle la scène anversoise pendant près de deux siècles, de 1520 à 1717. Frans II acquiert le goût des couleurs lumineuses et chaudes, ainsi que des chairs grasses et voluptueuses lors d’un voyage en Italie, notamment en Vénétie (1600-1605). Ce périple fut peut-être l'occasion de rencontrer son illustre compatriote, Pierre-Paul Rubens, lui-même en quête de nouveauté en Italie. En 1605, à 24 ans, il revient sur ses terres natales et est nommé maître de la Guilde de Saint-Luc ; en 1614, il en devient le doyen. Il fut le propriétaire de l'un des ateliers de peinture les plus prospères d'Anvers.

Autre pinceau à l'œuvre ici, celui d'Abraham Govaerts. Cet autre anversois devient maître en 1607 et doyen de la Guilde de Saint-Luc en 1623. Sa vie demeure plus mystérieuse que celle de Francken. On sait qu'il était issu d'une famille de marchands de tableaux et qu'il forma Frans Snyders. Govaerts collabora à plusieurs reprises avec de grands peintres, tels Hendrick de Clerck et, comme ici, Francken.

Les figures lumineuses de la Vierge, de l'enfant Jésus et des anges ne sont pas sans évoquer les peintures précieuses de la Vénétie du XVIe siècle. On peut donc, sans trop de risque, penser que Francken est l'auteur de cette partie du tableau, lui qui a passé quelques années dans cette partie de l'Italie.

Tout le paysage serait, quant à lui, de la main de Govaerts, comme le laisserait penser certains indices. Ainsi, on sait qu'il était un fervent admirateur de l'œuvre du grand paysagiste anversois Coninxloo, dont on retrouve le goût pour les arbres touffus, aux troncs et racines envahis de lierre. Toutefois, l'artiste l'ayant le plus influencé est Brueghel de Velours, artiste baroque flamand. Ce second fils de Pieter Brueghel l'Ancien est réputé pour ses natures mortes et ses représentations florales d'un grand raffinement. D'ailleurs, la partie paysagère et florale de ce tableau fut, pendant longtemps, attribuée à cet artiste et non à Govaerts, tant le style et la touche étaient similaires.

Cette œuvre provient du fonds ancien du musée : elle a été donnée par Henriette Collin en 1850. Actuellement exposée dans la salle consacrée à la peinture de la Renaissance, elle côtoie d'autres œuvres hollandaises, plus profanes, évoquant la vie quotidienne des gens simples. D'autres tableaux, d'autres histoires.

 

Texte : Audrey Lambert, étudiante en Master 2 d’Histoire de l’art à l’université de Lorraine, vacataire au Musée barrois.

 

 

 

 

 

 

Novembre 2017

 

Auguste RODIN (1840-1917)
L’Éternel Printemps
Bronze, 1884-1898
50,2 x 66 x 32,3 cm
Don Georges Robineau, inv. 947.5

Bien que chantre de l’amour, Rodin en donna souvent une image tourmentée, voire destructrice. Ce n’est pas le cas ici : deux jeunes gens, dans toute la splendeur de leur jeunesse, échangent un baiser passionné.
Les corps s’entrelacent, dans un exercice d’équilibre précaire et une combinaison de courbes concaves et convexes. Les deux personnages sont placés sur une base rugueuse. La figure féminine est agenouillée et ses jambes inférieures occupent la plus grande partie des fondations. La silhouette masculine semble voler, les pieds au-dessus du sol. Son bras droit est enroulé autour de la femme, la tenant fermement. Les deux amants sont pris dans l’intensité d’un moment qui devient Eternité. C’est cette combinaison entre lyrisme passionné et romantisme tendre qui séduit les amateurs depuis plus de 100 ans.

Sans doute conçu pour figurer dans La Porte de l’Enfer, grande entreprise de Rodin dans les années 1880, le groupe en fut finalement écarté, jugé trop « heureux » au milieu des scènes tragiques qui constituaient la Porte, inspirée par l’Enfer de Dante.

Comme souvent, Rodin reprend ici des éléments d’œuvres antérieures : l’esprit du Baiser, et surtout le torse de la jeune femme, reprise directe du Torse d’Adèle, prolongé de bras, têt et jambes. Ce dernier, daté de 1882, est inspiré d’Adèle Abruzzesi, un des modèles favoris du sculpteur : il apparaît dans le coin supérieur gauche du tympan de La Porte de l’Enfer.

L’Eternel Printemps fut l’une des sculptures les plus acclamées de Rodin et l’un de ses grands succès commerciaux. Conçu en 1884, ce groupe est sans doute un écho de l’idylle vécue à la même époque entre l’artiste et sa jeune élève, Camille Claudel, qui venait de rejoindre son atelier.
Egalement intitulé Zéphyr et la Terre et Cupidon et Psyché, le groupe fut exposé au Salon de 1897. En raison de sa popularité, Rodin exécuta une deuxième version de l’Eternel Printemps, avec une base étendue et un éperon rocheux pour soutenir le bras gauche et la jambe étendue de la figure masculine. Cette version est devenue le modèle de la série Barbedienne qui fut produite en quatre tailles sur une période de vingt ans, de 1898 à 1918. La réduction du Musée barrois a été commandée à Gustave Leblanc-Barbedienne en 1898 parmi 33 exemplaires en bronze.

 

 

 

 

 

 

 

 

Décembre 2017

Attribué à Francesco Zuccarelli (1702-1788)
Coucher de soleil
Huile sur toile, vers 1768, 57 x 87 cm
Don de Louis Saincère, 1841
Inv. 841.11

Ce paysage au sujet bucolique, aux reflets dorés, est illuminé par un soleil couchant, déjà disparu derrière une colline centrale surmontée d'une modeste étable. Partant de ce gîte, tout un troupeau de bœufs, de moutons et de chèvres mené par deux pâtres s'avance vers nous. Hommes et animaux s'enfoncent, peu à peu, sur le chemin forestier déjà envahi par l'obscurité, obscurité qui a gagné l'ensemble de la partie droite de l'œuvre. Au contraire, la partie gauche, au décor lacustre, laisse entrevoir une opulente villa, ainsi qu'un village surmonté d'un clocher, tous deux mis en valeur par la lumière mordorée du jour finissant. L'horizon se clôt sur d'imposantes montagnes perdues dans la brume. Au premier plan, une partie du troupeau semble prendre une pause, les pattes plongées dans une rivière, sous l'œil attentif de leur berger. Sur l'autre rive, dans la pénombre et à peine visible, un dernier pâtre, parti chercher deux moutons fugueurs, semble nous observer.

Ce paysage aux accents romantiques est attribué au peintre italien Francesco Zuccarelli. Ce maître du style rococo débute son apprentissage auprès du florentin Paolo Anesi (1697-1773), avant de partir pour Rome, où il fréquente successivement les ateliers de Giovanni Marco Morandi (1622-1717) et Pietro Nelli (1672-1740). Le jeune Francesco entame sa carrière en tant que peintre d'histoire mais, rapidement, il se spécialise dans les paysages. Ses productions sont très clairement inspirées des paysages de Claude Gellée, dit Le Lorrain (1600-1682), et reprennent le même style d'arbres tortueux, au feuillage moussu, qui deviennent presque le sujet central de la composition.

Mais le jeune homme ne tient pas en place. En 1732, il se rend à Venise où il remplace, en quelque sorte, le peintre de vedute Marco Ricci, mort en 1730. Il commence à se faire un nom avec ses paysages idylliques aux couleurs plus douces et plus lumineuses que celles de ces confrères vénitiens. Le consul d'Angleterre, Joseph Smith, le remarque et devient son principal protecteur, lui permettant ainsi de se faire un nom en Angleterre. En effet, il fait envoyer Outre-Manche de nombreuses œuvres de son protégé, qui s'arrachent à prix d'or. Aujourd'hui encore, beaucoup de tableaux de Zuccarelli sont conservés dans les collections – publiques ou privées – britanniques. Après avoir vécu cinq années à Londres (dans les années 1740), il revient à Venise, avant de repartir pour la capitale anglaise (1752) où il devient membre de la Society of Artists (1765), puis membre fondateur de la Royal Academy (1768). Particulièrement apprécié du public, il s'acquiert de puissantes protections à travers toute l'Europe, ce qui lui permet de faire fortune. De retour à Florence en 1773, il investit tout son argent dans un monastère où il souhaite finir ses jours ; malheureusement, celui-ci est dissout par le gouvernement de Vienne des Habsbourg et Zuccarelli, dans l'obligation de peindre pour vivre, s'éteint en 1788, ruiné.

Francesco Zuccarelli s'inscrit parfaitement dans cette catégorie d'artistes qui ont su profiter de la vogue du Grand Tour. Ce long voyage, entrepris par la jeunesse masculine européenne, surtout anglaise, dès le XVIIe siècle, connait une vogue sans précédent au XVIIIe siècle. Les jeunes britanniques, en quête de savoirs et de plaisirs, découvrent de nouveaux artistes et certains ramènent dans leurs bagages de petits bouts d'Italie qui créent une véritable mode Outre-Manche. Zuccarelli, comme Canaletto (1697-1769), connait une renommée toute particulière en Angleterre. Notre artiste séduit par ses sujets idylliques, par ses paysage où l'obscurité le dispute à la lumière, préfigurant presque la peinture romantique du XIXe siècle. La lumière enveloppante du Sud, les architectures palladiennes, les pâtres toscans et les jolies italiennes viennent ainsi égayer les salons de l'aristocratie anglaise.

Texte : Audrey Lambert, étudiante en Master 2 d’Histoire de l’art à l’université de Lorraine, vacataire au Musée barrois.

 

 

 

 

 

 

Janvier 2018

Utagawa HIROSHIGE (Edo, 1797 – 1858)
Province de Yamato : la rivière Tatsuta et le mont Tatsuta
Xylographie sur papier, entre 1853 et 1856
37,2 x 25,4 cm
Inv. prov. 17.11.03.3

 

« Même le bruit de la cascade
s'est affaibli -
Le chant des cigales »
Haïku de Chiyo-Ni (1703-1775)

 

Une rivière sinueuse (Tatsuta-gawa) déambule paresseusement au pied des monts Ronds (Tatsuta-yami). Sur la droite, une falaise abrupte couronnée d’érables aux feuillages flamboyants. Les mêmes frondaisons rouges couvrent les rives du deuxième plan. Quelques petites maisons, aux toits de chaume coniques, émaillent les berges. Au loin, dépouillé, le Mont Tatsuta se découpe nettement sur le ciel laiteux. Deux embarcations effilées, chacune manœuvrée par un batelier, se laissent glisser à la recherche d'une pêche miraculeuse. Dans le registre supérieur droit, deux cartouches portent le titre de l’œuvre : Province de Yamato : la rivière Tatsuta et le mont Tatsuta. En bas à gauche, le cartouche rouge renferme la signature d'Hiroshige et les tampons correspondent à divers cachets de censures approuvant la diffusion de l'estampe.

Cette gravure sur bois (xylographie) correspond à la planche n°2 – sur 69 – de la série des Vues des sites célèbres des soixante et quelques provinces du Japon, publiée entre 1853 et 1856 par la maison d'édition Koshihei. L'auteur en est Utagawa Hiroshige, un des grands maîtres de l'estampe ukiyo-e (« image du monde flottant »). Ce mouvement artistique de l'époque Edo (1603-1898) bénéficie de l'embellie économique et sociale du shogunat Tokugawa. Il se caractérise par une production quasi exclusive d'estampes sur bois, aux sujets populaires et narratifs d'une grande originalité. Les thèmes représentés correspondent au goût de la nouvelle bourgeoise : oiran (courtisanes) et jolies femmes, shunga (scènes érotiques), yōkai (créatures fantastiques), sumo, théâtre kabuki, egoyomi (calendrier), surinomo (cartes de vœux), ainsi que la nature et les meisho-e (lieux célèbres), catégorie de notre estampe.

Hiroshige, à la fois peintre, dessinateur et graveur, actif entre 1818 et 1858, nous a laissé plus de 5 400 estampes. Son style se caractérise par l'utilisation de couleurs franches – notamment le vert et le bleu –, qu'il met au service de l'évocation subtile de la nature et de l'atmosphère. Issu d'une famille de pompiers d'Edo, le jeune Utagawa perd ses parents alors qu’il n'a que 14 ans. La même année, il devient l'apprenti de Utagawa Toyohiro (1773-1828), un de ceux qui fut à l'origine du développement de l'estampe paysagère. Le début de carrière de Hiroshige reste banal, le jeune homme se consacrant essentiellement aux portraits. À la mort de son maître, il s'engouffre dans la vogue de l'estampe de paysage qu'Hokusaï (1760-1849) a largement contribué à populariser. De cet artiste nous pouvons citer la série des Trente-six Vues du Mont Fuji (1831-1833), dont fait partie la célébrissime estampe de La Grande Vague de Kanagawa (1830-1831).

Hiroshige connaît son premier grand succès avec la publication des Cinquante-trois Stations du Tōkaidō (1833-1834), recueil de 55 estampes représentant les 53 étapes menant d'Edo, capital du shogun, à la ville impériale de Kyōto. Dès lors, il restera fidèle à ce type de productions. Ses fréquents déplacements à travers le pays nourrissent ses carnets de croquis et lui inspirent également certains haïkus, poèmes très brefs célébrant l'évanescence des choses.

La série dont est issue cette estampe marque la fin de carrière et de vie d'Hiroshige. Elle est également une des œuvres que l'on pourrait qualifier de « chant du cygne » de l'ukiyo-e. Avec l'ouverture sur l'Occident dès le milieu du XIXe siècle, la peinture à l'huile, la lithographie et la photographie annoncent la mort de cet art ancestral, qui ne connaît un regain d'intérêt qu'à partir des années 1919-1920 avec la Shin-hanga (« nouvelle gravure »).

Hiroshige meurt le 12 octobre 1858 du choléra, comme 28 000 autres habitants d'Edo. Il n'est ni riche, ni pauvre, mais il laisse derrière lui un nombre colossal d'œuvres qui, pour certaines, viendront nourrir le goût du japonisme qui envahit l'Europe dans le dernier quart du XIXe siècle. Van Gogh, Gauguin et, dans nos régions, Daum ou Gallé, reprendront à leur compte les motifs et sujets popularisés par les maîtres japonais.

 

Texte : Audrey Lambert, étudiante en Master 2 d'Histoire de l'art à l'université de Lorraine, vacataire au Musée barrois.

 

 

 

 

 

 

Février 2018

Alcide Joseph LORENTZ (1813 – 1891)
Arlequin
Aquarelle gouachée, 58 x 22,5 cm, février 1882
Don Freund-Deschamps, 1908
Inv. 908.8.87

Mois de Février, mois de carnaval. Dans la tradition catholique, le carnaval – du latin carnelevare, « enlever la viande » – marque la toute dernière occasion de « manger gras » et de s'amuser avant le début du carême. En effet, durant les quarante jours de ce dernier, point de bombance, point de fête, point d'amusement : il s'agit, tout de même, de commémorer les quarante jours que Jésus passa dans le désert. Carnaval est alors l'occasion de toutes les folies, de toutes les excentricités. Cette fête, héritière de rituels antiques, notamment des Lupercales romaines, voit la tenue de bals costumés, de travestissements, de promenades du dimanche gras. Il n'était, et n'est pas rare de croiser, lors de ces festivités, un arlequin multicolore. Ici, notre Arlequin est l'œuvre de Alcide Joseph Lorentz, peintre d'histoire connu pour plusieurs œuvres représentant Napoléon Ier ou ses troupes. Nous pouvons notamment citer Napoléon Ier passant une revue des troupes sur la Place du carrousel (Musée de Saint Étienne), Chasseur de la Garde Impérial (Musée de Saintes) ou encore Revue du Carrousel (Ministère de l'Intérieur). De cet artiste, nous n'en savons guère plus, si ce n'est qu'il exposa au Salon en 1841 et 1850.

Sur cette aquarelle gouachée, notre Arlequin est fier comme Artaban ; fixant le spectateur de ses yeux rieurs, le pied droit en avant et la main droite sur la hanche, il arbore son costume aux losanges multicolores qui le rend si reconnaissable. Son visage est couvert d'un masque noir, qui ne laisse apparaître que les yeux et la bouche. Ce personnage bigarré, typique de la commedia dell'arte, apparaît au XVIe siècle en Italie. Toutefois, ses origines seraient bien plus anciennes. Dans les premiers temps de la République romaine, certaines pièces comiques étaient peuplées de « sannions » ou de « bouffons » vêtus de pantalons et de vestes multicolores. Leur crâne était rasé et leur visage barbouillé de charbon ; le masque noir rappelle ce maquillage

Le nom même d'Arlequin trouve ses origines au XIe siècle, sous la forme Hellequin ; puis on le retrouve au XIIIe siècle avec Harlequin, « génie malfaisant ». Il s'agit alors d'un prénom à part entière, que l'on retrouve dans des archives dijonnaises dès le XIVe siècle. Dans le cadre du théâtre italien, le personnage apparaît au XVIe siècle ; il devient rapidement incontournable dans les pièces de la commedia dell'arte. Il est le valet comique, rusé, connu pour son côté bouffon ; c'est aussi un paresseux, qui n'est guère malin. En revanche, lorsqu'il s'agit de se procurer à manger, il est capable d'inventer les stratagèmes les plus ingénieux. Les losanges de son costume symboliseraient ces multiples facettes.

Notre Arlequin ne fait, ici, pas le bouffon : il est fier de lui, de son costume et il nous toise malicieusement. Une phrase, étrange, est inscrite dans le registre inférieur de l'œuvre : « C'est vrai, Français nouveaux, en pratique, en écrit, Vous dépassez mes vols, ma goinfrerie. Mais en vain votre fourberie tenterait d'égaler ma grâce et mon esprit ». Au regard de cette inscription, son attitude semble prendre tout son sens. Il nous fixe ainsi, un sourire en coin, car il se moque de nos travers, bien supérieurs aux siens. En revanche, nous ne pouvons lutter face à son intelligence et sa grâce. On retrouve, dans le cas présent, les caractéristiques psychologiques du Arlequin des pièces de Marivaux (L'Île des esclaves, 1725) où notre ami tient le rôle d'un valet feignant la naïveté et la soumission, mais se révélant d'une grande intelligence.

Alors, pour Mardi-Gras, si vous croisez un Arlequin, méfiez-vous ; il n'est peut-être pas si bête que cela, et il pourrait bien vous jouer un mauvais tour...

 

Texte : Audrey Lambert, étudiante en Master 2 d’Histoire de l’art à l’université de Lorraine, vacataire au Musée barrois.

 

 

 

 

Mars 2018

Raimond LECOURT (Le Havre, 1882 – Fontaine-la-Mallet, 1946)
La Foire de la Mi-Carême à Goderville
Lithographie, 50,2 x 65 cm, 1909
Inv. prov. 17.07.18.5

Après avoir fêté carnaval avec l'Arlequin d'A. J. Lorentz, rendons-nous maintenant à La Foire de la Mi-Carême à Goderville. Cette lithographie de Raimond Lecourt nous offre, au premier plan, trois maquignons montrant trois magnifiques chevaux sous leur meilleur profil aux possibles acheteurs que l'on distingue sur la droite. Ces deux messieurs, un en haut-de-forme, l'autre au petit chapeau melon, regardent avec intérêt les bêtes que leur présente un quatrième vendeur. À l'arrière-plan, une foule nombreuse se presse sur la place du village. La haute silhouette de l'église Saint-Jean-des-Campagnes surplombe toute cette joyeuse assemblée. Sur la droite se dressent les anciennes halles marchandes, aujourd'hui disparues. Et, sur la gauche, plusieurs bâtiments – toujours existants – offrent diverses échoppes. Actuellement, cette place se nomme place de Verdun ; un petit bout de Meuse en Seine-Maritime. 

Mais pourquoi donc une foire à la Mi-Carême ? Pourquoi un temps de fête en pleine période de jeûne et de retenue ? Célébrée le vingtième jour du Carême, cette pratique aux origines médiévales se perpétue encore de nos jours dans certains villages français, mais surtout dans nos anciennes colonies, tel le Québec. De tradition, on pense que cette fête apparaît avec l'affaiblissement progressive de la foi ; on juge de plus en plus nécessaire de couper cette longue période de privation de quarante jours par quelques festivités : foires, comices agricoles, etc. Mais ses vraies origines demeurent assez troubles. On les rapproche généralement d'une fête, célébrée dans certains villages, le troisième jeudi du Carême. Ce jour-là, les jeunes filles donnaient un bal, répondant ainsi au bal que les jeunes hommes avaient organisé pour le Mardi-Gras. Enfin, traditionnellement, cette fête est celle des blanchisseuses, des débitants de charbon et des porteurs d'eau.

Cette gravure, présentée au Salon de 1909 sous le n°8778, est l'œuvre du Normand Raimond Lecourt. Né d'un père havrais et d'une mère malouine, il perd très tôt ses. Il est alors recueilli par un oncle qui, en 1895, le place chez un architecte havrais. Ce dernier, admiratif des talents de son élève, décide de l'inscrire à l'École des Beaux-Art du Havre, alors dirigée par le peintre Charles Lhuillier (1824-1898). En 1899, le jeune homme remporte le prix d'honneur du cours supérieur avec la Médaille d'Argent ; cela lui permet de décrocher une bourse lui ouvrant les portes de l'École des Beaux-Arts de Paris. Il intègre dès lors l'atelier du peintre Pierre Bonnat (1833-1822) et retrouve certains de ses amis normands, tel Raoul Dufy (1877-1953). Débutant au Salon des artistes français en 1901, il termine sa formation dans l'atelier de Luc-Olivier Merson (1846-1920).

Lors de la première guerre mondiale, il est affecté au 74e régiment d'infanterie – où il avait effectué son service militaire entre 1904 et 1906. Il se distingue particulièrement le 14 septembre 1914, lors d'un engagement à Courcy-Brimont, où il est blessé à l'avant-bras droit. Une longue rééducation lui permettra toutefois de retrouver l'usage de son membre. Il achève la guerre en héros, décoré de la Croix de guerre et de la Médaille militaire.

L'entre-deux guerre confirme son talent ; il devient sociétaire de la Société des artistes français, expose dans divers Salons et ses toiles se retrouvent aux quatre coins du monde – Allemagne, Japon, Grande-Bretagne, États-Unis. Puis la seconde guerre mondiale éclate, et l'Occupation arrive. Cette période est très mal vécue par notre artiste ; ce dernier renvoie d'ailleurs sa Médaille militaire à la Chancellerie afin de protester contre le gouvernement de Philippe Pétain. Lors de l'hiver 1943-1944, il est renversé par un camion militaire. Et le sort s'acharne : en septembre 1944, le village où il vit, Fontaine-la-Mallet, est ravagé par les bombardements ; sa maison, son atelier, ses notes et croquis partent en fumée. Tous ces événements le brise et, le 1er janvier 1946, il succombe à une pneumonie foudroyante.

Raimond Lecourt marque par son art champêtre et paysan, par sa dextérité à restituer avec tant de réalisme les chevaux de labour, les vaches normandes, ainsi que les fermes et les vergers. Et La Foire de la Mi-Carême de Goderville en est un excellent exemple.

Texte : Audrey Lambert, étudiante en Master 2 d’Histoire de l’art à l’université de Lorraine, vacataire au Musée barrois.

 

 

 

Avril 2018

École flamande
Orphée charmant les animaux
Huile sur toile, 102 x 86 cm, XVIIe siècle
Inv. 842.63

En avril, les thèmes pour l’« œuvre du mois » ne manquaient pas : poisson, Pâques, Annonciation... Toutefois, une visiteuse nous a malicieusement soufflé une idée : et pourquoi pas s'intéresser au lapin, pour fêter Pâques. Excellente idée ! Encore fallait-il trouver un lapin dans les œuvres du musée… Reconnaissons-le, ces petits mammifères ne pullulent pas dans nos collections. Toutefois, nous avons pu en dénicher un. Le tableau n'a certes rien à voir avec Pâques, mais qu'importe : il narre une bien belle histoire et vous permettra de participer à une chasse au lapin ailleurs que dans votre jardin.

Ce tableau, d'une main anonyme d'Europe du Nord, daterait du XVIIe siècle. Il illustre un passage du mythe d'Orphée, raconté – entre autres – par Ovide dans le livre X de ses Métamorphoses : « Telle était la forêt qu'avait attiré le chantre divin, assis au milieu d'un cercle de bêtes sauvages et d'une multitude d'oiseaux. Après avoir essayé les cordes de sa lyre en les faisant vibrer sous son pouce et s'être assuré que leurs sons, quoique différents, produisent des accords harmonieux, il chanta [...] ».

Ce héros de la mythologie grecque, grand poète et musicien, eu le malheur de perdre à deux reprises sa bien-aimée Eurydice. Une première fois, lors de leur mariage, lorsque la malheureuse fut mordu au pied par un serpent (épisode illustré par le tableau de François Nicolas, dit Nicolas de Bar, conservé au Musée barrois). La seconde fois lorsque, descendant aux Enfers pour la récupérer, il parvint à convaincre Hadès de la lui rendre. Ce dernier émis cependant une condition : qu'Eurydice suive Orphée, mais que ce dernier ni ne lui parle, ni ne la regarde tant que tous deux n'auraient pas regagné le royaume des vivants. Hélas ! Le jeune homme, inquiet de ne plus entendre les pas de son aimée, enfreint l'interdit et se retourne, perdant ainsi définitivement sa tendre Eurydice. Inconsolable, Orphée noie son chagrin dans la musique et la poésie, devenant le prince des aèdes, le roi étant Apollon.

Cette œuvre aux couleurs chaudes et douces, évoquant l'automne, dégage une impression de calme et de sérénité, allant de pair avec la tranquillité des animaux réunis autour du musicien prodige. Ce dernier, minuscule au centre de la composition, n'est visible que grâce à son manteau rouge vif. Il joue de son instrument les yeux tournés vers les frondaisons. Ces dernières semblent évoquer le chaos de la forêt sauvage ; a contrario, sur la droite, le ciel est limpide et serein, comme reflétant un monde apaisé par la musique, par la « civilisation » – idée renforcée par la présence d'une ville et de bateaux sur le fleuve, à l'arrière-plan.

Mais les véritables centres d’intérêt du peintre sont la nature, avec ses arbres torturés aux feuilles dentelées et, surtout, les animaux, dont la variété nous étonne. On trouve ainsi une vache, des chevaux, une dinde, un lion accompagné de sa lionne – allégorie du couple que formaient Orphée et Eurydice ? – un chien taquinant un chat, un cerf, une biche, un paon, une pie, un blaireau, une chèvre et.... notre cher petit lapin qui semble regarder le spectateur. Il est bien caché, à vous de le trouver... Cette scène mythologique et champêtre, peuplée d'animaux innombrables, n'est qu'un prétexte pour le peintre qui nous montre ainsi sa dextérité et son talent à rendre des textures, les reflets d'un pelage, l'attitude d'un chat apeuré ou l'écarlate d'un feuillage automnal.

Ce thème, récurrent dans l'histoire de l'art, fut très largement diffusé par la littérature, bien sûr, mais, surtout, grâce à la gravure qui permit aux artistes de se baser sur des modèles réutilisés à l'envi. Ainsi, l'artiste anonyme de notre tableau s'est très certainement inspiré de l'œuvre gravée du belge Johan I Sadeler (1550-1600) ; dans l'eau-forte Orphée parmi les animaux (2e moitié du XVIe siècle), on retrouve exactement la même composition, les mêmes animaux, qui, toutefois, y sont plus nombreux et plus exotiques (autruche, singe, etc.). La nature y est également plus réaliste, moins fantasmée. Une chose, toutefois, est commune aux deux œuvres : la fascination des animaux face au talent d'Orphée, même si le lapin de notre tableau, lui, semble intéressé par tout autre chose...

Joyeuses Pâques à tous !

Texte : Audrey Lambert, étudiante en Master 2 d’Histoire de l’art à l’université de Lorraine, vacataire au Musée barrois.

 

 

 

 

 

 

Mai 2018

 

Christian Didrik FORSSELL (1777- 1852)
Mère et ses trois enfants
Gravure au burin, 23,7x 32cm, fin XVIIIe-début du XIXe siècle
Inv. prov. 17.10.05.1.

Le mois de mai est riche en fêtes et événements ayant abondement nourris les artistes. Difficile de choisir entre Ascension, Pentecôte, Visitation ou encore Victoire de 1945 et Fête du Travail. Mais un autre thème s'est imposé pour ce mois de mai 2018...

Cette estampe serait l'œuvre du graveur suédois Christian Didrik Forssell. Cet artiste, peu connu en France, apprit le dessin à l'Académie des Beaux-Arts de Copenhague, avant de venir parfaire sa formation à Paris. Il y passa une petite décennie et y acquit une certaine renommée grâce à la finesse et à la précision de ses traits. Par la suite, il retourna à Stockholm où il fut nommé professeur à l'Académie. Son œuvre fut souvent bien jugée, les critiques louant son travail fin, consciencieux, notamment dans les œuvres ayant pour thème des sujets religieux ou ses portraits de personnages officiels. En revanche, ses œuvres « pittoresques », aux sujets du quotidien, sont parfois moins bien considérées et qualifiées de « brouillon ».

Notre gravure se classe dans cette dernière catégorie. Toutefois, le qualificatif de brouillon ne paraît pas vraiment justifié, même s'il faut reconnaître les visages quelque peu disgracieux des trois enfants. La mère, assise au centre, évoque vaguement les femmes peuplant les œuvres de Fragonard (1732-1806) ; son vêtement typique de la fin du XVIIIe siècle, son pied menu dans une élégante chaussure, son visage enfantin. Les yeux perdus dans le vague, elle semble rêvasser. Sur ses genoux, un nourrisson endormi. De sa main gauche, cette jeune mère désigne un deuxième enfant, également endormi, dans une minuscule chaise. Ce geste semble directement s'adresser au troisième bambin, l'aîné, debout à gauche, qui joue de la flûte. « Regarde, il dort ! » semble-t-il signifier, « ne fais pas de bruit ! ». Tout ce petit groupe se tient au milieu d'une pièce où règne un certain désordre ; ce n’est pas une riche demeure. Une cheminée, avec sa crémaillère et sa marmite, occupe le registre gauche. Devant, l'on distingue une bûche et un fagot de bois. Au pied de la mère, un panier de linge et une casserole. Le registre droit révèle une partie du mur à pans de bois et torchis. Une table sommaire, supportant un petit landau, complète le maigre mobilier. Un poêlon et sa cuiller repose sur un brasero, près de l'enfant endormi dans sa chaise : le repas qu'il vient de terminer ? Enfin, deux instruments de musique viennent apporter un peu de joie enfantine dans cette scène dégageant une certaine mélancolie : la flûte de l'aîné et le tambour pendant à la chaise du cadet.

Cette œuvre semble avoir été faite à la gloire de la dévotion maternelle ; cette très jeune femme, malgré sa condition modeste, paraît tout faire pour bien s'occuper de ses enfants. Ils sont bien nourris et possèdent même quelques jeux. Ce type de scène de genre, très intimistes, remporte un vif succès durant tout le XVIIIe siècle. Et elle semblait toute désignée pour évoquer la fête des mères.

Cette dernière puise ses racines dans l'Antiquité grecque et les civilisations païennes, où la mère symbolise la fertilité. En France, il faut attendre le début du XXe siècle pour voir apparaître les premières « fêtes des mères » ; on célèbre alors les mères méritantes de famille nombreuse. En 1906, à Artas (Isère), on récompense deux mères ayant eu chacune neuf enfants ; en 1918, Lyon célèbre la Journée des Mères, valorisant les veuves et les mères ayant perdu leurs époux et leurs fils au front. Sous le gouvernement de Vichy, cette fête devient une célébration « quasi-liturgique », les femmes étant devenues, selon l'idéologie d'alors, « les inspiratrices de notre civilisation chrétienne » (discours de P. Pétain en 1942). Après la guerre, la loi du 24 mai 1950 officialise l'annualité de cette fête et en fixe la date : le dernier dimanche de mai ou, si ce dernier coïncide avec la Pentecôte, le premier de juin. Depuis, la tradition veut que l'on gâte sa mère ce jour-là ; du traditionnel bouquet de fleurs, en passant par les chocolats ou par l'inconditionnel « collier de nouilles », rien n'est trop beau pour une maman ! Alors, pensez à gâter la vôtre !

Bonne fête à toutes les mères !

Texte : Audrey Lambert, étudiante en Master 2 d’Histoire de l’art à l’université de Lorraine, vacataire au Musée barrois.

 

 

 

 

 

Juin 2018

Antoine-Jean DUCLOS (Paris, 1742 - Paris, 1795),
d'après un dessin d'Augustin de SAINT-AUBIN (Paris, 1736 - Paris, 1807)
Le Bal paré
Burin sur papier, 42,6 x 53,9 cm, 1774
Don Varin-Bernier, 1908, inv. 908.2.1

Le mois de juin : le retour des beaux jours, l'arrivée de l'été, une petite odeur de vacances... Tout pour se réjouir et faire la fête ! D'ailleurs, n'est-ce pas le mois de la fête de la musique ? Préparez vos plus beaux atours et allons guincher un peu !

Par atours, entendons robe à panier pour ces dames, redingote et catogan pour ces messieurs. Plongeons-nous dans l'atmosphère festive du Bal Paré, œuvre gravée d'Antoine-Jean Duclos. Entrons dans ce salon de danse somptueux illuminé par cinq lustres laissant deviner le scintillement du cristal. Deux paires d'appliques encadrent un haut miroir reflétant la lumière et les silhouettes des quatre couples virevoltant. Ceux-ci occupent la partie centrale de la composition. Les femmes arborent de magnifiques robes dites « à la française », où la sophistication le dispute à la délicatesse. Les poignets délicats et les poitrines s'habillent de dentelle. Les bustes se parent de « pièce d'estomac » cachant le terrible corset. Les jupes, quant à elles, dissimulent les « paniers » qui donnent cet aspect si caractéristique à la silhouette féminine du XVIIIe siècle. Leurs cavaliers ne sont pas en reste. Eux aussi portent un costume « à la française » : pour le haut, chemise blanche, gilet et veste redingote rehaussés d'un jabot de dentelle ou d'une cravate. Pour le bas, culotte, bas de soie et souliers à boucle.

Le long des murs, une foule se repose des danses précédentes ou attend les suivantes. On discute, on chuchote, on séduit par une œillade étudiée ou on critique une tenue derrière un éventail déployé. Un couple entre par la gauche ; le cavalier bedonnant, tout sourire, semble inviter sa compagne aux joies de la danse. En revanche, sur la droite, un second couple quitte la fête, peut-être pour s'adonner à d'autres plaisirs. Enfin, le plus important, celui sans qui pas de musique et, donc, pas de danses : l'orchestre. On le distingue à peine, au fond à gauche. Nous reconnaissons deux violoncellistes et un claveciniste.

Toute cette joyeuse scène est encadrée d'une sorte de cadre en trompe-l’œil avec, en partie inférieure, le blason des seigneurs d'Hondainville (Oise).

Antoine-Jean Duclos copie ici le dessin homonyme de son maître Augustin de Saint-Aubin. Ce dernier, fils de brodeur, débute sa carrière d'aquafortiste en 1752. Très rapidement, il se spécialise dans les scènes galantes, voire polissonnes, aux titres évocateurs, tel Au moins, soyez discret ! Il se distingue par la suite par ses Habillements à la mode, témoins précieux des goûts vestimentaires du XVIIIe siècle. Reconnu par ses pairs, il est reçu à l'Académie Royale de Peinture en 1771 et est nommé Graveur du Roi et de sa Bibliothèque en 1776. En 1773, il expose ses dessins les plus célèbres : Le Bal Paré et Le Concert. Ce thème de la fête et des plaisirs lui est particulièrement cher puisqu'il réalise également un Bal à Saint-Cloud chez Griel, ainsi qu'un Feu d'artifice au bal de Saint Cloud chez Griel (1759).

Cette gravure, monochrome, connaît quelques versions polychromes, dont l'une est conservée au Metropolitan Museum de New-York. Léguée par le directeur de banque Paul Varin-Bernier (commanditaire du château de Marbeaumont, 1904-1906), elle intègre les collections du Musée barrois le 14 juin 1908.

Maintenant, à vous de vous amuser et de danser jusqu'au bout de la nuit !

Texte : Audrey Lambert, étudiante en Master 2 d’Histoire de l’art à l’université de Lorraine, vacataire au Musée barrois.

 

 

 

 

 

Juillet 2018

 

Anonyme

D’après Pierre MIGNARD (Troyes, 1612 - Paris, 1695),

Madame de Lavallière en Madeleine repentie (ancien titre erroné), Sainte Madeleine (titre de l'inventaire), Isabelle de Ludres en Madeleine repentie (titre d'usage)

Huile sur toile, 81,5 x 66 cm, fin XVIIe-début XVIIIe siècle

Don de la fabrique de la paroisse Saint-Pierre de Bar-le-Duc, 1851

Inv. 851.11.2.

 

Juillet... les vacances, les moissons, les bals populaires et les folies pyrotechniques du 14 juillet. Une multitude de thèmes possibles pour l'œuvre du mois. Toutefois, nous allons nous intéresser à une sainte fêtée le 22 juillet, Marie-Madeleine ; une Madeleine repentante, au regard qui en dit long sur le nombre de péchés qu'elle doit se faire pardonner...

Lorsque vous saurez qui a inspiré cette œuvre anonyme, vous comprendrez mieux ce regard mutin et ce petit sourire moqueur. Mais avant de nous intéresser à la pécheresse, penchons-nous sur la sainte.

 

Marie-Madeleine est un personnage complexe – et controversé – à plusieurs égards. À la fois sainte, pécheresse, disciple et, pour certains, épouse de Jésus, elle porte divers noms : Marie de Magdala, la Magdaléenne, la Madeleine, etc.

Elle ne fut pas toujours cette prostituée repentie. Souvent confondue avec Marie de Béthanie, sœur de Lazare et de Marthe, et avec la pécheresse qui lave les pieds de Jésus chez Simon le Pharisien, elle est définitivement assimilée à cette dernière en 591, sur volonté du pape Grégoire le Grand. Dès lors, l'on ne peut penser à elle sans penser à cette scène de l'Évangile de Luc (VII, 36-50) : « Et voici une femme pécheresse [qui] apporta un vase d'albâtre plein de parfum. […] Elle pleurait, et bientôt elle mouilla les pieds de Jésus de ses larmes, puis les essuya avec ses cheveux, les baisa, et les oignit de parfum ». Figure apte à enflammer l'imaginaire, elle engendra toute une tradition iconographique abondamment reprise et transmise.

 

Ce tableau n'échappe pas aux poncifs du genre. Madeleine est représentée en buste, la poitrine pudiquement voilée par ses longs cheveux blonds, symbole de sa féminité, de sa sensualité, de son ancienne vie dépravée. Ce premier indice de son identité est renforcé par la présence du pot à nard qu'elle protège de sa main gauche : il rappelle qu'elle est l'une des porteuses de parfum (myrrhophores) – avec Marie Salomé et Marie de Cléophas – qui, se rendant au sépulcre en vue d'embaumer le corps de Jésus, furent les premiers témoins de sa résurrection. Enfin, derniers indices révélateurs de sa repentance : son attitude et le lieu. Marie-Madeleine, la tête reposant sur la main droite, dans une posture de méditation, lève les yeux au ciel. Elle est assise dans une grotte que l'on devine par la paroi sombre occupant les trois-quarts de l'arrière-plan et ne laissant voir, à gauche, qu'un minuscule paysage de prairie et de montagne. Ce dernier aspect de l'œuvre renvoie à la légende provençale, rapportée par Jacques de Voragine dans La Légende Dorée, selon laquelle la Madeleine serait venue en France après la mort du Christ afin de vivre une vie d'ermite et de repentance dans les grottes de l'actuelle Sainte-Baume (Var).

 

Méditation, repentance, modestie, termes qui ne siéent guère à la jeune personne qui a inspiré cette Madeleine, copie d'une œuvre du portraitiste royal Pierre Mignard. Dans un premier temps, on l’identifia comme Louise de La Vallière (1644-1710), première maîtresse officielle de Louis XIV. Toutefois, après comparaison avec divers portraits de Mignard, on reconnut Isabelle de Ludres (1647-1726), autre maîtresse royale. La demoiselle, après une stricte éducation religieuse, connut, en 1662-1663, quelques déboires avec son premier amant, Charles IV, duc de Lorraine et de Bar. Lui, 58 ans, lui promet de l'épouser ; elle, 15 ans, se voit déjà duchesse de Lorraine. Mais il est déjà marié et a déjà une maîtresse ! Isabelle renonce donc à ses ambitions ducales.

En 1664, elle part pour la cour de France et elle devient Dame d'honneur de « Madame » la duchesse d'Orléans, belle-sœur de Louis XIV. En 1675, elle profite d'une disgrâce passagère d'Athénaïs de Montespan, autre maîtresse royale, pour se glisser dans le lit du roi. Ce dernier, charmé, dit-on, par son zézaiement et par son accent lorrain traînant, lui intime de garder le silence sur leur liaison. Mais la jeune femme est vantarde : en 1677, alors que le roi est en campagne contre les Espagnols, elle ébruite l'affaire, se targue d'avoir détrôné la Montespan et d'être enceinte des « œuvres royales ». Enfin, ultime audace, elle écrit au souverain, lui criant son amour. Grave erreur ! Louis XIV ne peut tolérer une telle attitude. Il met un terme à leur relation, mais l'autorise à rester à la cour, où la malheureuse subit les quolibets de tous et, surtout, de sa rivale, la Montespan. Finalement, en 1678, elle se retire dans le couvent parisien de la Visitation de Sainte-Marie en refusant une dotation royale, qu'elle accepte par la suite, voyant ses dettes s'accumuler. En 1680, elle décide de regagner sa Lorraine natale. S'installant dans son château de Vaucouleurs, elle prend à son service le couple Bécu-Cantigny. Leur petite-fille, une certaine Jeanne Bécu (1743-1793), future Comtesse du Barry, connaîtra, elle aussi, son heure de gloire en tant que maîtresse royale à la cour de Louis XV. Mais ça, c'est une autre histoire...

 

Texte : Audrey Lambert, étudiante en Master 2 d’Histoire de l’art à l’université de Lorraine, vacataire au Musée barrois.

 

 

 

Août 2018

École lorraine ou champenoise
Retable de la Dormition et de l’Assomption de la Vierge
Pierre calcaire, 62 x 174 x 20 cm, premier quart du XVIe siècle
Provient de la chapelle castrale de Mognéville (disparue)
Don de la fabrique de Mognéville, 1881
Inv. 881.13.1

Fête du 15 août oblige, l’œuvre du mois traite d’une Marie bien plus sage que la Marie-Madeleine du mois de juillet. Toutefois, l’œuvre et son thème – la Dormition et l’Assomption de la Vierge – sont surtout un prétexte à l’évocation de la richesse de l’art lorrain de la toute fin du Moyen Âge.

Les derniers jours de Marie demeurent mystérieux. En effet, aucun texte du Nouveau Testament ne relate sa mort ou sa montée aux cieux. Comme souvent, le vide est comblé par la légende et, par la suite, par divers textes apocryphes. Tous se rejoignent sur un point : Marie ne peut connaître la même mort que nous, simples mortels. Le mot même de « mort » ne peut convenir : on parle donc de « Dormition » (du latin dormitio, « sommeil éternel »), terme plus courant dans les Églises orthodoxes que dans la tradition occidentale. L’auteur Joris-Karl Huysmans résume parfaitement ce concept de Dormition : « La Vierge ne mourut, ni de vieillesse, ni de maladie ; elle fut emportée par la véhémence du pur amour ; et son visage fut si calme, si rayonnant, si heureux, qu'on appela son trépas la dormition » (L’Oblat, 1903).

Mais pourquoi le 15 août ? Cette date correspondrait à un vœu de l’empereur byzantin Maurice (539-602), qui instaure la fête de la Dormition de la Vierge chaque 15 août pour commémorer l’inauguration de l’église du Sépulcre de Marie (Vallée de Cédron, Jérusalem). Dès lors, la fête se répand progressivement en Occident, sans toutefois avoir d’aspect officiel, et ce jusqu’au XXe siècle. En 1854, lorsque le dogme de l’Immaculée Conception est proclamé, de nombreuses pétitions submergent Rome, réclamant l’officialisation du dogme de l’Assomption. C’est chose faite le 1er novembre 1950, sous le pontificat de Pie XII.

Ce retable offre une vision tout à fait traditionnelle de l’épisode. Scindé en deux parties, il ne forme en réalité qu’un seul ensemble. La scène supérieure représente l’Assomption : Marie, entourée de quatre anges, s’élève vers les cieux. Les personnages s’inscrivent dans une architecture gothique, dont la partie supérieure est malheureusement manquante.

La scène inférieure mérite davantage notre attention. Elle est encadrée d’éléments architecturaux propres au gothique flamboyant (1420-début XVIe siècle) : les colonnettes torsadées et les arcatures en plein cintre ornées d’ouvertures trilobées sont typiques de ce courant charnière entre le Moyen Âge et la Renaissance en France. De part et d’autre de la scène principale, des espaces délimités par deux clefs de voûtes abritent les donateurs de ce haut-relief, en prières : à gauche, un chevalier en armure, identifié comme étant le marquis de Choisy, devant un livre posé sur un lutrin et, à droite, une femme - son épouse - elle aussi devant un lutrin. Tous deux regardent la scène centrale : Marie, étendue sur un lit, est entourée des douze apôtres. Sa position de trois-quarts, - tentative, plus ou moins maladroite, de perspective -, n’est pas sans rappeler le gisant de Hugues des Hazards en l’église Saint-Médard de Blénod-les-Toul. Cette position induit, par ailleurs, celle, plus élevée, de quatre apôtres, donnant ainsi une sensation de profondeur. Ces petites maladresses évoquent, pour certains, de « plaisantes gaucheries », d’autres y voient un caractère « du provincialisme de la sculpture lorraine dans la première moitié du XVIe siècle ». Certes, les traits des visages n’ont pas la finesse des œuvres champenoises, où les yeux rieurs s’étirent en amande et où les silhouettes sont souvent serpentines. Ici, les visages sont plus simplistes : l’influence médiévale ne s’est pas encore effacée face au naturalisme de la Renaissance. Néanmoins, on remarque une véritable recherche de diversité dans les mouvements et les attitudes des personnages, notamment des apôtres. Chacun possède sa propre personnalité, sa propre individualité, que l’on ne retrouve pas toujours dans les œuvres champenoises de la même époque, où la beauté standardisée tant à uniformiser les visages.

Œuvre provinciale, oui ; rustre, non. On sent une maîtrise du matériau, du mouvement des vêtements, des plis cassés des manteaux, de la chevelure des apôtres. N’oublions pas qu’en Lorraine, nous avons Ligier Richier, Jean Crocq et le Toulois, qui renferme un ensemble de sculptures remarquables. Découvrez ou redécouvrez ces trésors locaux souvent méconnus, expression d’un véritable particularisme lorrain, qui méritent autant d’attention que les chefs-d’œuvre champenois ou parisiens de la première Renaissance française.

Texte : Audrey Lambert, étudiante en Master 2 d’Histoire de l’art à l’université de Lorraine, vacataire au Musée barrois.

 

 

 

 

 

Septembre 2018

Roland IROLLA 
Le Collège Gilles de Trèves
Aquarelle, 60,5 x 77,3 cm, 1970
Don de Roland Irolla, Inv. 971.5

C’est le mois de septembre... finies les vacances… retour en classe, au travail… Les jours raccourcissent et le mauvais temps pointe le bout de son nez. Alors accrochons-nous aux derniers feux de l’été et perdons-nous dans nos rues barisiennes réchauffées par les douces couleurs de l’automne naissant. Allons flâner sur l’esplanade du château et admirer ce magnifique édifice qu’est le collège Gilles de Trèves.

Lové entre le quartier du Bourg (ville basse) et le château des ducs de Bar (ville haute), ce collège dresse son élégante silhouette depuis plus de 400 ans à l’intersection des actuelles rue Gilles de Trèves et rue de la Couronne

Le 12 janvier 1571, le duc Charles III de Lorraine accorde l’autorisation d’ériger cet édifice à celui qui en a fait la demande : Gilles de Trèves (1515-1582). Ce Barisien, né d’un père angevin, tailleur et valet de chambre du duc Antoine, et d’une mère issue d’une vieille famille barroise, devient chanoine puis doyen de la collégiale Saint-Maxe en 1537. Possédant un certain patrimoine, il révèle rapidement ses velléités de bâtisseur. En 1533 débute la construction de son château à Ville-sur-Saulx ; en 1555, il fait ériger la chapelle de Annonciation (en l’église Saint-Étienne) et, en 1573, s’amorcent les travaux de son collège. Ce dernier projet possède une double finalité : éduquer et – surtout – lutter contre les assauts du protestantisme en formant une élite catholique apte à contrecarrer cette nouvelle hérésie. Malheureusement, Gilles ne verra point les enfants barisiens apprendre sur les bancs de son collège ; l’édifice n’ouvre ses portes que quelques mois après sa mort, en 1582. De 1617 à 1762, les Jésuites, fervents adversaires du protestantisme, prennent en main l’éducation des jeunes barisiens. De grands noms passent sur les bancs de cette fameuse institution ; ainsi, nous trouvons les maréchaux Nicolas-Charles Oudinot et Rémy Exelmans. Après la Révolution, le collège devient communal et voit passer, entre autres, les académiciens André Theuriet et Edmond Laguerre. En 1857, suite à la construction du lycée impérial (actuel lycée R. Poincaré), Gilles de Trèves devient école pour jeunes filles. Classé aux Monuments Historiques en 1992, ce lieu d’enseignement religieux, puis laïc, finit par fermer ses portes en 2002. Deux campagnes de restaurations se succèdent alors : de 2006 à 2008 pour l’aile nord et de 2010 à 2018 pour l’extérieur du reste de la structure.

Qualifié par Montaigne, de passage à Bar-le-Duc en 1580, de « plus belle maison de ville qui soit en France », le collège Gilles de Trèves est l’archétype même du bâtiment Renaissance. La géométrie et l’harmonie des proportions y sont reines. L’ensemble s’organise en quatre corps de bâtiments enserrant une cour. La façade extérieure, donnant sur la rue Gilles de Trèves, offre trois niveaux, caractéristique typiquement Renaissance. À cela s’ajoute, côté jardin, les fenêtres à meneaux dont l’une possède, sur son fronton, les armes de Gilles de Trèves. Les balustrades des balcons de la cour intérieure s’ornent d’entrelacs, de cartouches et d’écussons, motifs que l’on suppose d’inspiration flamande. Sur l’une des façades de cette cour, on peut admirer un grand cadran solaire, visible depuis les remparts du château. Enfin, la voûte du porche d’entrée est soutenue par un ensemble d’arceaux dont les motifs sculptés évoquent d’élégants rinceaux de feuillages. 

Roland Irolla (Philippeville, Algérie, 1935), artiste aux multiples talents – à la fois peintre, médailleur et dessinateur de timbres – nous fait prendre un peu de hauteur avec cette vue plongeante sur le célèbre collège. En effet, nous nous retrouvons accoudés aux remparts de la ville haute avec, en contre-bas, l’avenue du Château où une femme jette un regard vers la ville-basse. Quelques arbres, déjà bien dépouillés, offrent tout de même quelques feuilles d’or et de cuivre. Et, derrière ces arbres, comme jouant à cache-cache, la silhouette carrée si particulière du collège Gilles de Trèves. Nous devinons les fenêtres Renaissance à meneaux, nous entrapercevons le clocheton abritant deux cloches datant de 1628 et 1776, mais, malheureusement, un tronc nous cache le cadran solaire. Plus loin, au troisième plan, la ville basse avec ses tuiles rouges, tuiles couleur d’automne, qui se fondent presque aux frondaisons présentes ici et là. Tout n’est que chaleur dans cette aquarelle, avec ces dégradés de rouges et de bruns.

Venez donc flâner à votre tour sur l’esplanade du château et redécouvrir ce monument. Et n’hésitez pas à vous aventurer au musée où d’autres artistes ont croqué les merveilles de notre cité !

Texte : Audrey Lambert, étudiante en Master 2 d’Histoire de l’art à l’université de Lorraine, vacataire au Musée barrois.

 

 

 

 

 

 

Octobre 2018

Paul Alfred COLIN (1838-1916)
Le Petit Chaperon Rouge
Huile sur toile, 91,5 x 72 cm, 1868
Inv. 2007.0.27
Ancien dépôt de l'État français (1874)

L'automne est la saison propice aux longues promenades en forêt. Surtout cet automne : le soleil joue les prolongations et nous offre encore de belles journées, illuminant les sous-bois et les frondaisons de chaudes couleurs. Mais attention de ne pas croiser, au détour d'un petit sentier, un loup près à vous dévorer !

Malheureusement, le Petit Chaperon Rouge a eu la malchance de faire une telle rencontre. Au centre de cette huile sur toile signée Paul Alfred Colin, une enfant à la blouse blanche, passée sur une robe rouge assortie à son chapeau, s’assoit pour ramasser le petit pot de beurre qu'elle vient de faire tomber de son panier. Celui-ci semble contenir la fameuse galette que la fillette doit mener à sa « mère-grand ». Visiblement alertée par un bruit, elle jette un coup d'œil par-dessus son épaule : que voit-elle ? Le loup bien sûr ! Un loup gris, aussi gros qu'elle, qui, nous tournant le dos, regarde sa proie. Il semble se diriger vers la sombre forêt qui occupe tout la partie droite de l'œuvre ; du regard, il invite l'enfant à le suivre, à quitter le rai de lumière rassurant qui inonde l'orée du bois et la civilisation, signifiée par la petite maison que l'on distingue à gauche, entre deux arbres. Il veut l'attirer vers le bois, lieu de sauvagerie, où tout peut arriver. Un drame se prépare...

Inutile de relater ici l'histoire du Petit Chaperon rouge. Rappelons tout de même que le conte se base sur deux versions retranscrites respectivement par Charles Perrault (1628-1703) et par les frères Grimm, Jacob (1785-1863) et Wilhelm (1786-1859). Ces versions diffèrent essentiellement par leur fin, radicalement différente : si chez Perrault, la demoiselle et sa grand-mère se font dévorer par la bête, les frères Grimm, eux, préfèrent une fin moins terrible. Un chasseur vient à leur secours, en ouvrant le ventre du loup – rien que ça ! – qui venait de les avaler.

Mais ce récit de l'enfant ou de la jeune fille dévorée par le loup possède des racines plus anciennes. On trouve, à travers toute l'Europe, des traces de récits, originellement oraux, racontant des histoires similaires, rapportant la naïveté d'une enfant face à un monstre travesti en pauvre vieille inoffensive. La plus ancienne trace écrite de cette histoire est le poème « De puella a lupellis servata » (« La jeune fille sauvée du loup »), rédigé par Egbert de Liège au Xe siècle. En France, le conte circule très largement dès le XIVe siècle, et une version sculptée se retrouve à Bourges, dans le palais du riche négociant berrichon Jacques Cœur (1395-1456).

Cette fable n'a pas manqué d'alimenter diverses interprétations. Pour la psychanalyse, l'aspect sexuel domine dans cette histoire. Le rouge du vêtement symboliserait les émotions violentes des désirs habitant les jeunes filles à un âge où elles s'apprêtent à devenir adulte. Le loup, quant à lui, est à la fois le séducteur et le meurtrier ; il est celui qui met un terme à l'enfance, à l'innocence. Ce récit serait donc, en quelque sorte, celui d'une initiation sexuelle. Plus prosaïquement, la sociologie y voit plus l'adaptation de l'adage « manger ou être manger » : pour survivre, il faut donc être le plus malin et le plus cruel ; pour survivre, il faut être un loup.

Ce tableau, intitulé Le Petit Chaperon Rouge, fut enregistré dans nos registres d'inventaire sous le titre de Paysage. Il est vrai que, avant d'être une scène de genre, il s’agit d’un paysage dont l'atmosphère et les jeux de lumière ne sont pas sans rappeler l'école de Barbizon et ses grands noms comme Camille Corot (1796-1875) ou Charles-François Daubigny (1817-1878). Pas d'idéalisation de la forêt : on la montre comme elle est, de la façon la plus réaliste possible, avec sa lumière et ses ombres, avec sa mousse dévorant les troncs ; on montre la beauté sauvage de la nature. Un écrin sauvage pour une histoire cruelle, où une bête s'apprête à anéantir une enfance.

 

Texte : Audrey Lambert, étudiante en Master 2 d’Histoire de l’art à l’université de Lorraine, vacataire au Musée barrois.

 

 

 

 

 

 

JANVIER 2019

Luigi LOIR (Göritz, Autriche, 1845-Paris, 1916)
La Neige (Paris la nuit)
Gouache et aquarelle sur papier, 20,4 x 29,5 cm
Vers 1900
Inv. 926.1.3

En plein cœur de l’hiver, Luigi Loir nous convie à une promenade parisienne sous la neige. Dans cette pochade se distinguent un tramway, un kiosque à journaux, un quai. Le manque d’immeubles pourrait faire penser à une entrée de Paris par les quais, à moins que le brouillard ne nous cache la scène. C’est d’ailleurs bien lui le sujet principal. Il décrit ainsi Paris tout en nuances délicates de gris pour le ciel, la Seine et la rue, nuances mêlées à des bleus délavés, timides, comme tombés du pot, et des vert sombres. Un brun bien timoré évoque les arbres et l’architecture. Seuls un rouge chatoyant pour le kiosque et un jaune ocre de l’éclairage intérieur du tramway viennent réveiller cette scène d’une nuit engourdissante. Le format allongé et la division en deux parties horizontales, presque vides, à peine animées d’un horizon plus vivant au loin, viennent renforcer cette impression ouatée propre à l’hiver.

Elève à l’Ecole des beaux-arts de Parme pendant dix ans, Luigi Loir s’installe à Paris en 1863 où il travaille comme peintre décorateur. Ses premiers envois au Salon sont des souvenirs de Pare et des vues de Rouen et de Dieppe, à la gouache. Naturalisé français après 1870, il se consacre à peu près exclusivement à la peinture des vues de Paris et de ses environs, à laquelle il doit sa réputation. Il est par excellence le peintre de la capitale dont il saisit les aspects à toutes les heures du jour, aspects qu’il interprète de façon personnelle mais avec beaucoup d’exactitude. Les rues, les boulevards ou les places s’animent de scènes anecdotiques, ajoutant encore au charme poétique et nostalgique de sa peinture. 

Le Musée barrois possède une autre toile de Luigi Loir, autre chef d’œuvre dans le rendu du paysage enneigé (Avant l’embarquement, inv. 2007.0.17).

 

Texte : d’après Jérôme Montchal, Le Trait et le portrait. De Boucher à Camille Claudel : les plus beaux dessins du musée de Bar-le-Duc, éd. Ville de Bar-le-Duc/Somogy édition d’art, 2004.

 

 

 

 

 

 

Février 2019

Cupidon régente le monde
Fonte, 67,5 x 67, 5 x 2,5 cm
1587
Inv. 892.53.3
Plaque de cheminée restaurée par le Laboratoire d’archéologie des métaux de Jarville-la-Malgrange (2013-2014)
En dépôt au Centre d’interprétation d’Ecurey Pôles d’Avenir

A partir du XVe siècle et surtout du XVIe siècle, des plaques de fonte viennent garnir le fond des cheminées : elles protègent ainsi le mur des flammes et assurent une meilleure dispersion de la chaleur dans la pièce. Appelées « taques » dans le Nord-Est de la France, elles restent, à cette époque, des objets de luxe. Il faut attendre le XIXe siècle pour que ces dispositifs se généralisent dans toutes les couches de la population.

Réputée provenir des fonderies meusiennes de Cousances (fondées en 1553, aujourd'hui Cousances-les-Forges), cette taque, avec ses angles supérieurs coupés, est d’une forme classique pour cette période ancienne. Représentative des premières productions de toute la région Nord-haut-marnaise / Sud-meusienne, elle propose un sujet allégorique : au centre, dans un médaillon ovale, se tient un Amour nu, muni de son arc, ses flèches et son carquois. Comme il était alors courant, ce motif principal est agrémenté de nombreux ornements : de part et d'autre, une tête d'Amour crache des feuilles et des fruits, tandis que la partie supérieure est rehaussée d’un feuillage tombant de façon symétrique d’une sorte de vasque centrale. Sur les côtés en bas, deux blasons portent des indications importantes : à droite, les lettres « F R » ; à gauche, la date de 1587.

Nul doute que ce petit Cupidon a su réchauffer quelques pieds et quelques mains, à défaut de cœurs enamourés ! 

 

 

 

 


Mars 2019

Manufacture Delacourt Frères de Cousancelles (Meuse)
Rose et Eglantine
Paire de bustes en terre cuite, 12 x 25 x 8 cm
Vers 1897 ?
Inv. 2014.8.1 et 2

Ces deux statuettes en terre cuite ont été réalisées par la manufacture « Delacourt Frères », manufacture de briques mécaniques et réfractaires installée à Cousancelles (aujourd’hui commune de Cousances-les-Forges, mieux connue pour sa production d’objets en fonte).

La manufacture « Delacourt Frères » est active de 1863 à 1934. Différents documents d’archives évoquent la production de tuiles (mécaniques, creuses, romaines,…), briques réfractaires, carreaux de dallage, tuyaux de drainage, fours, poterie, mais aussi statues.

Un catalogue de la manufacture daté de 1897 indique qu’elle commercialise des statuettes allant de 13 cm à 1,05 m de hauteur aux sujets variés : personnages célèbres, copie d’antiques, sujets religieux. Cette source permet d’identifier l’iconographie de nos deux personnages féminins comme étant « Rose et Églantine ». Malheureusement, aucune marque d’ouvrier ou d’artisan ne permet de connaître le nom de l’auteur de ces sujets. Réalisées selon la technique du moulage, elles étaient produites en grande série en vue d’être commercialisées auprès d’un large public, sur le modèle économique développé par les fonderies d’art, rendant accessibles au plus grand nombre des œuvres créées de façon industrielle. Toutefois, leur rareté laisse penser que le succès escompté ne fut pas au rendez-vous : aucune autre œuvre issue de cette manufacture n’est à ce jour recensée.

Le Musée barrois possède par ailleurs trois modèles de tuiles produites par la manufacture Delacourt, entrées dans les collections entre 1959 et 1960.

Entre patrimoine industriel et production artistique, ces deux bustes permettent de valoriser une production implantée dans un territoire rural et caractéristique de cette période.

Texte : d'après Étienne Guibert, ancien responsable du Musée barrois.

 

 

 

 

 

Avril 2019

Descente de croix
Élément de retable, bois polychromé et doré
Fin XVe-début XVIe siècle
Inv. 858.1
Restauré en 2016-2019 par ARC-Nucléart, Grenoble, avec le soutien financier de l’Andra

Cette sculpture en haut-relief provient de l’église Saint-Antoine de Bar-le-Duc. Elle faisait partie, à l’origine, d’un retable illustrant la Passion du Christ. L’épisode représenté ici montre Joseph d’Arimathie, notable qualifié de riche, bon et juste dans les Évangiles de Mathieu, Luc et Marc, et Nicodème, un des premiers disciples de Jésus, qui font descendre de la croix le corps de celui-ci.

Le promontoire recouvert d’herbe, visible en partie basse, évoque le mont Golgotha, où Jésus fut crucifié. Nicodème, plus âgé et barbu, se tient en équilibre sur l’échelle et porte le corps de Jésus sous son aisselle droite, tandis que Joseph d’Arimathie le réceptionne par les jambes. Jésus s’inscrit ainsi dans une diagonale dynamique, exposé au regard des fidèles sur un linceul qui annonce l’épisode suivant : la Mise au tombeau.

La coupe des vêtements des personnages et, surtout, la qualité des étoffes représentées renvoient à la mode de la noblesse ou de la haute bourgeoisie du Nord de l’Europe au tournant du XVIe siècle. L’étude des matériaux, réalisée pendant la restauration de l’œuvre, permet de rapprocher la sculpture du savoir-faire de la production brabançonne : panneau de chêne de qualité, pigments riches, signes d’une commande coûteuse (bleu d’azurite, feuille d’or…). D’un autre côté, la composition sobre et le traitement naturel du sol sont peu courants dans le Brabant. Il pourrait donc s’agir d’une production locale sous influence des ateliers de l’Europe du Nord.

Lors de la restauration, les différents niveaux de polychromie ont pu être identifiés : 
-         la couche originale est très raffinée. La présence de décors de glacis et d’ornements en relief sur les bordures des vêtements, l’usage du bleu d’azurite et de feuilles d’or attestent d’une commande prestigieuse ;
-        un premier repeint peut être daté d’après 1704 d’après la présence du bleu de Prusse ;
-        un dernier repeint est celui visible aujourd’hui, parfois maladroit, remontant probablement à la fin du XIXe ou au début du XXe siècle. La croix pourrait également dater de cette période. C’est cette dernière strate qui a été nettoyée et refixée.

Bâtie à la fin du XIVe siècle, l’église Saint-Antoine est due à la volonté du duc Robert le Magnifique d’implanter un édifice religieux dans le nouveau quartier de la Neuve-Ville, confié aux Augustins. Le XVe siècle est une période faste. L’augmentation de la population, et donc du nombre de fidèles, entraîne l’agrandissement de la nef sur trois travées, puis cinq chapelles latérales sont ajoutées. Dans ce contexte particulièrement favorable, il est donc tout à fait vraisemblable qu’un grand retable dédié à la Passion ait été commandé.

Cet élément fut acheté par un antiquaire à la fabrique de Saint-Antoine en 1856, avant d’être acquis par le musée de Bar-le-Duc en 1858.

 

 

 

 

 

 

Mai 2019

Ludovico Marchetti (Rome, 1853-Paris, 1909)
L’Assaut
Lavis d’encre, rehauts de gouache sur papier bleu-gris
Vers 1890-1900
Don Freund-Deschamps, inv. 808.8.15

Marchetti aime les duels, de toutes époques, comme en témoignent certains de ses tableaux : Le Duel comique (1885), La Rixe (1995), En garde (1876), Le mousquetaire

Ce dessin montre, tout comme les huiles de l’artiste, une touche nerveuse et pétulante, typique des artistes italiens de la fin du XIXe siècle et de la virtuosité de son maître, l’espagnol Mariano Fortuny y Marsal. La palette de cette scène d’escrime, toute en grisaille, s’inscrit dans la tonalité qu’il affectionne pour ses dessins, composée d’un lavis d’encre brune, réveillé intelligemment par de puissants rehauts de gouache blanche qui modèlent toute la composition.

Les plis des habits des trois escrimeurs en blanc sont mis en valeur par le fond de la pièce simplement esquissé, mais qui redonne de la spatialité au décor. L’effet de mouvement est donné par les épées qui rivalisent d’obliques avec les jambes et les bras des personnages, créant un effet de frise (accentué par la quasi absence de relief et de perspective) : têtes, genoux, épaules ou pieds sont tous au même niveau.

Vêtu d’un costume sombre, le maître d’armes, visiblement plus âgé, confère un ton de noblesse à cette scène sportive de grande élégance thématique et stylistique, qui se déroule peut-être dans un cadre militaire.

Ludovico Marchetti s’installe à Paris à 25 ans : il y expose aux Salons et est médaillé à l’Exposition universelle de 1889. Très inspiré par le Moyen Âge (jusque dans l’aménagement de son atelier), il peint aussi des divertissements champêtres, des scènes historiques et des scènes de genre.

Texte : d’après J. Montchal, in Le Trait et le portrait, éd. Somogy/Ville de Bar-le-Duc, 2004

 

 

 

 

 

Juin 2019

Paul LAPIERRE (1860-1942)
Cinq femmes regardant la vitrine d’un bijoutier
Encre sur papier, 1891
48 x 36,5 cm
Don Charles FREUND-DESCHAMPS, inv. 908.8.92 

« Tout ce qui brille… » Ce dessin aurait pu s’appeler ainsi.

Sa qualité et sa mise en page montrent un certain talent de mise en page et de composition. Il s’agit sans doute d’une illustration si on en juge la réserve circulaire très vraisemblablement destinée à y ajouter un texte imprimé. Si l’humour n’est pas absent (ce qui brille attire le regard), le traitement n’en est pas moins sérieux avec les costumes sombres qui se détachent fort bien sur la vitrine violemment illuminée du bijoutier-joaillier. La scène se déroulerait-elle aux alentours de Noël ?

Le dessin sait jouer des nuances du lavis, du noir profond au gris très pâle, et est renforcé ici ou là de traits hachurant quelques détails, qui n’en prennent que plus de vigueur.

 

Texte : d’après J. Montchal, in Le Trait et le portrait, éd. Somogy/Ville de Bar-le-Duc, 2004

 

 

 

 

 

Juillet 2019

Gustave LE GRAY (1820-1884)
La Grande Vague à Sète, n°17
Photographie noir et blanc sur papier albuminé, 1857
Inv. prov. 14.01.30.1

Peintre de formation, élève de Paul Delaroche, Gustave Le Gray se tourne vers la photographie dès les années 1840. À la fois artiste et expérimentateur, il met au point de nouvelles techniques (procédé du papier ciré sec, négatif sur verre au collodion) tout en œuvrant à faire de la photographie un art à part entière.

En 1851, Le Gray se voit confier deux missions officielles : photographier les salles et les œuvres du Salon et, surtout, participer à la Mission héliographique. Celle-ci a pour ambition de photographier le patrimoine monumental ancien. Plusieurs photographes sont envoyés dans les régions de France (Henri Le Secq, Auguste Mestral, Édouard Baldus et Hippolyte Bayard) : Le Gray est chargé du vaste quart sud-ouest du pays. Première commande importante de l’État à des photographes, cette mission est un tournant dans l’histoire de ce jeune art car elle permet l’expérimentation de nouveaux procédés à grande échelle. Ainsi, Le Gray et son comparse Auguste Mestral travaillent une nouvelle technique : le papier ciré sec.

Dans la deuxième moitié des années 1850, Le Gray, désormais installé boulevard des Capucines à Paris, connaît l’apogée de sa carrière. En virtuose des techniques photographiques, il s’adonne alors à ce qui fera sa réputation à l’internationale : les marines. Pour les réaliser, il se rend en Normandie et à Sète en 1856 et 1857. La difficulté vient du fait qu’il est quasiment impossible, à l’époque, de rendre de façon équilibrée les contrastes du ciel et de la mer. Pour pallier cet obstacle, Le Gray invente la technique des « ciels rapportés » : il superpose deux négatifs distincts, l’un représentant le ciel et l’autre la mer, afin d’obtenir sur un même tirage un rendu parfait de ces deux objets.

Le talent et la reconnaissance n’empêchent cependant pas les déboires. En 1860, Gustave Le Gray est abandonné par ses mécènes qui demandent le remboursement des sommes investies dans son atelier du boulevard des Capucines. Saisissant l’opportunité de fuir ses créanciers, il est embauché par Alexandre Dumas pour une expédition en Méditerranée, dont il est mystérieusement exclu au bout de quelques semaines. Le Gray termine sa carrière et sa vie en Orient en parcourant le Liban et l’Égypte, où il meurt le 29 juillet 1884.

Le Musée barrois conserve deux vues de Sète par Gustave Le Gray : La Grande Vague à Sète, n° 17 et La Mer Méditerranée à Sète, n°18.

Source : http://blog.bnf.fr/gallica/index.php/2012/10/16/les-photographies-de-gustave-le-gray/

 

 

 

 

 

Août 2019

Léon MAXE-WERLY (1831-1901)
Une tombe avec son mobilier
Aquarelle et crayon de couleur sur papier, 1887-1888
25,2 x 32,2 cm 
Don Léon Maxe-Werly, inv. prov. 16.05.11.1

Le XIXe siècle, tout à la fois « siècle de l’Histoire » et siècle du progrès, voit de nombreuses fouilles archéologiques s’effectuer en Meuse comme ailleurs. La création de la Commission de Topographie des Gaules, le 17 juillet 1858, voulue par Napoléon III, donne un nouveau souffle à la recherche archéologique. Les fouilles nationales se multiplient, tout comme les découvertes fortuites faites à l’occasion des grands travaux induits par la construction des voies de chemin de fer, des canaux et des routes. Des érudits locaux, archéologues amateurs, s’investissent avec passion dans ces recherches, tels Claude-François Denis et Léon Maxe-Werly sur le site de Nasium.

Ce dernier participe également aux fouilles menées à Gondrecourt-le-Château(Meuse) en 1886-1887, lors de l’établissement de la voie ferrée. Une nécropole mérovingienne y est découverte. Ce dessin de Maxe-Werly montre le mobilier et son emplacement dans l’une des tombes. Sa technique, l’aquarelle, permet une rapidité et une précision indispensables sur les chantiers de fouilles, sur lesquels il faut garder tout de suite la mémoire de la découverte.

Ce mobilier, conservé depuis 1887 au Musée barrois (inv. 887.31), est composé d’une longue javeline (ou « framée »), d’une pointe de flèche, d’un scramasaxe (épée ou grand couteau à un tranchant, arme emblématique de la période mérovingienne), d’un couteau, de deux boucles de ceinture, de deux fiches à bélière et de deux céramiques, dont la forme dérive des modèles produits en Argonne durant l’Antiquité tardive. Ces objets sont mis au jour par Émile Pierre, meunier à Houdelaincourt (Meuse) qui s’occupait « avec beaucoup de zèle et d’intelligence de la conservation des antiquités mises au jour dans son voisinage » (Bulletin de la Société Nationale des Antiquaires de France, 1895). Cet homme passionné d’archéologie travaille régulièrement avec Léon Maxe-Werly.

Né à Bar-le-Duc, celui-ci est le petit-fils de Jean Werly (1779-1846), inventeur, en 1832, du corset sans couture, véritable innovation pour le confort féminin qui rencontra un vif succès. Après avoir, tout d’abord, pris part aux activités de sa famille, il s’en libère dès que possible. Passionné par tout ce qui touche au passé du Barrois, il consacre tout son temps libre à l’étude de son territoire. Il participe à la Commission de Topographie des Gaules et devient membre de la Société des lettres, sciences et arts de Bar-le-Duc (1885-1899).

Si ses goûts le portent en priorité vers l’archéologie et la numismatique, son érudition et sa curiosité le poussent vers des sujets aussi divers que des monographies d’artistes (Jean Crocq, Francesco Laurana), des recherches iconographiques (L'Immaculée Conception de la Sainte-Vierge depuis le milieu du XVe siècle à la fin du XVIe, 1903), ou la géographie (plans de Bar-le-Duc à diverses époques).

Son attrait pour la recherche et ses dons d’observation et de classification méthodique lui permettent d’effectuer un travail scientifique qui sert encore souvent de référence. Outre ses nombreux dons au musée, il lègue à la Bibliothèque Municipale l’ensemble de ses collections, de monnaie notamment, et sa propre et riche bibliothèque.

 

 

 

 

 

 

 

Septembre 2019

Anonyme
Wlodimir Konarski à son bureau
Photographie noir et blanc, fin du XIXe siècle
12,6 x 14,4 cm 
Inv. prov. 13.06.12.17

En ce mois de rentrée scolaire et (pour beaucoup) de reprise du travail, intéressons-nous à un homme à son bureau : Wlodimir Konarski. Bien que quasi-inconnu en dehors de Bar-le-Duc, il s’agit d’un personnage des plus importants pour la cité des ducs et le Musée barrois.

Wlodimir Konarski naît à Auxerre le 24 juin 1852. Son père servit dans la légion polonaise qui combattit dans les rangs de l’armée française au début du XIXe siècle (Wagram). Réfugié en France après la révolution polonaise de 1830, il y termina sa carrière en tant que général dans l’armée.

Licencié en droit en 1879, Konarski débute son parcours professionnel en tant que secrétaire particulier du préfet de la Vienne, puis conseiller de préfecture de la Meuse à partir du 12 janvier 1880. Dès lors, il ne quittera plus la ville, refusant toutes les promotions qu’il méritait pourtant. « Konarski avait adopté Bar-le-Duc. Bar-le-Duc avait adopté Konarski » (M. Thirion, maire de Bar-le-Duc, oraison parue dans les Mémoires de la Société des Lettres, Sciences et Arts de Bar-le-Duc, IVe série, tome V, 1907).
Il devient vice-président du conseil de la préfecture (tribunal administratif départemental aujourd’hui supprimé) le 17 octobre 1885.

Passionné d’histoire, doté d’une grande culture générale, il passe tout son temps libre aux Archives départementales et à la bibliothèque municipale pour retracer le passé de Bar-le-Duc. Dessinateur et aquafortiste incomparable, il garde aussi le souvenir des sites, des monuments auxquels il porte un véritable amour : la tour de l’Horloge, le collège Gilles de Trèves, les maisons de la ville haute, le pont Notre-Dame, la rue du Rossignol…, ainsi que le Pays Barrois et Verdun. Il est le premier à proposer une reconstitution du plan du château de Bar et à remettre en lumière des personnages barisiens alors oubliés, tel Jean Errard, précurseur de Vauban. Ces travaux d’érudit lui font intégrer la Société des Lettres, Sciences et Arts de Bar-le-Duc, qu’il redynamise et dont il devient le président en 1903.

A sa mort, survenue prématurément le 28 juin 1906, tout Bar-le-Duc souhaite lui rendre hommage : une souscription est lancée afin que ses écrits soient assemblés et édités. En 1909 paraît Bar-le-Duc et le Barrois, en deux volumes (A travers le Vieux Bar et Mélanges), illustré de 105 dessins et 9 eaux-fortes de sa main.

Sur cette photographie, Wlodimir Konarski est montré à son domicile barisien, quai Victor-Hugo, assis à sa table de travail, encombrée de dossiers et de notes. Il se tient juste à côté de sa riche bibliothèque, installée dans une alcôve. Au mur, des gravures et des portraits, sans doute familiaux, sont accrochés.

Comme presque sur tous les portraits photographiques conservés, Konarski, en costume, porte un béret et fume une cigarette ou plus vraisemblablement un cigare. Le préfet de la Meuse, dans son oraison funèbre, le décrit ainsi : « La stature haute, la moustache rude, le regard ardent, la parole brusque, la poignée de main presque brutale…, cet homme respirait la bonté ; c’était un doux, un timide, un sentimental ! » (M. Magny, in Mémoires de la Société des Lettres, Sciences et Arts de Bar-le-Duc, IVe série, tome V, 1907).

Le Musée barrois est riche de 402 œuvres de Konarski, pour l’essentiel des eaux-fortes. Elles évoquent ses centres d’intérêt multiples : Bar-le-Duc et l’histoire, bien sûr, mais aussi la géographie, l’ethnographie et l’art militaire (en particulier la cavalerie).

 

 

 

 

 

 

Octobre 2019

Antoine Watrinelle (1818-1913)
Buste de Dom Calmet
Marbre, achevé en 1865
81 x 68 cm 
Inv. D 831

Né à Ménil-la-Horgne en 1672, dans la seigneurie de Commercy, Antoine Calmet étudie au sein des universités jésuites de Pont-à-Mousson, Saint-Epvre-lès-Toul et Munster, avant d’intégrer l’abbaye de Moyen-Moutier comme prêtre bénédictin. Il est ensuite nommé prieur de Lay-Saint-Christophe, abbé de Saint-Léopold-de-Nancy puis président de la Congrégation de Saint-Vannes et Saint-Hydulphe. Refusant de devenir évêque et se tenant à l’écart des querelles jansénistes, il devient, en 1728, abbé de Senones, charge qu’il occupe jusqu’à sa mort en 1757. Mais ce théologien et philosophe est surtout connu aujourd’hui comme historien. Il bénéficia de l’appui du duc de Lorraine et d’un réseau européen de correspondants étoffé durant plus de cinquante ans.

C’est en vertu de cette qualité d’historien de la Lorraine que le Conseil général de la Meuse approuve, en 1860, la commande d’un buste à son effigie et le lancement d’une souscription publique soutenue par l’évêché de Verdun.

L’artiste sélectionné pour la réalisation du buste est également d’origine meusienne : Antoine Gustave Watrinelle (Verdun, 1818-Ouistreham, 1913), second grand prix de Rome en 1858.

Au début des années 1860, Watrinelle travaille essentiellement en région parisienne et aux chantiers de restauration de monuments historiques (cathédrale d’Albi, 1862-1865). Il semble qu’il réalise le buste en marbre dans son atelier parisien, entre 1860 et 1864.

Livrée en Meuse, l’œuvre est brièvement exposée dans une galerie de la Préfecture, puis recueillie dans l’atelier du sculpteur barisien Cavegenet, en l’attente d’un dépôt pour exposition permanente au musée.

Watrinelle en demande la réexpédition temporaire à Paris en 1865, pour retouche et exposition au Salon de Paris. Le buste de Dom Calmet intègre finalement, à une date indéterminée entre 1866 et 1880, la Galerie des Illustrations de la Meuse du Musée barrois, installé alors dans l’hôtel particulier de Florainville (actuel Tribunal de Grande Instance).

Les mouvements d’œuvres et mises en caisses consécutifs aux conflits mondiaux du XXe siècle expliquent le relatif oubli du buste de Dom Calmet jusqu’à son installation, au milieu des années 1970, dans la roseraie du Musée barrois, nouvellement installé dans les vestiges du château des ducs de Bar.

L’effigie sobrement expressive de l’historien meusien y est progressivement altérée par les intempéries, la pollution, sans oublier le vandalisme. Le buste fait finalement l’objet d’une restauration pendant l’été 2019, avant d’être mis à l’abri au musée, où il trouve sa place légitime dans la première salle du parcours permanent consacrée à l’histoire du duché de Bar et de Lorraine.

Texte : Marguerite Préau-Sido, chargée des collections au Musée barrois.

 

 

 

 

 

 

 

Novembre 2019

Émile Peynot (1850-1932)
Maquette du monument aux morts de Bar-le-Duc
Plâtre, vers 1923-1924
Partie haute : 105 x 52 x 52 cm ; partie basse : 102,5 x 80 x 65 cm
Inv. 924.3

« Sur la face principale, j'ai voulu représenter l'élan de la nation au moment du danger, c'est toute la nation qui défend le sol natal. Le bourgeois, le paysan, le citadin, l'ouvrier, l'étudiant sont représentés animés du même sentiment patriotique. En haut, sur le piédestal, la statue du Souvenir, calme, recueillie, dépose des fleurs sur ceux qui ne sont plus revenus, c'est le souvenir triste mais glorieux, car les lauriers ont poussé avec le souvenir. » C’est ainsi qu’Émile Peynot décrit le monument aux morts qu’il réalise pour la Ville de Bar-le-Duc.

À Bar-le-Duc, la première mention du monument apparaît au cours de la séance du Conseil municipal du 30 juillet 1919 et le 4 juin 1920, une commission est réunie pour examiner la question du monument. En juin 1924, il est décidé de l’installer à l’extrémité du boulevard de la Rochelle, devant l’église Saint-Jean.

Comme dans beaucoup de communes, le maire s'en remet à la générosité de ses concitoyens et lance un appel à souscription Tous les Barisiens s'impliquent dans l'entreprise, à titre individuel ou associatif. Les archives nous racontent ainsi les nombreux bals, les fêtes de quartier, les pièces de théâtre organisés pour récolter de l'argent, mais aussi les quêtes effectuées lors des mariages, les dons des représentants des paroisses catholique et protestante, des militaires, des directeurs de banques et d'entreprises… et tous les individuels qui ont eu à coeur de participer à cette noble entreprise. Au total, cette générosité permet de financer une grande partie, voire la totalité, des 115 000 F nécessaires à l'édification du monument.

Le monument aux morts en hommage aux 689 victimes barisiennes est finalement inauguré le 29 mars 1925 en présence de Raymond Poincaré et André Maginot.

La maquette conservée par le Musée barrois, en deux parties, est un témoignage primordial de la construction du monument aux morts. Façonnée par Émile Peynot lui-même, elle constitue le dernier jalon entre la pensée de l’artiste et la mise en forme de l’œuvre définitive, pour l’essentiel réalisée par des praticiens. De façon traditionnelle, elle est sculptée en plâtre sur une armature en bois et filasse. Les éléments saillants sont consolidés par des armatures métalliques visibles aujourd’hui aux endroits où le plâtre est lacunaire.

La restauration, pratiquée en 2016 en vue de l’exposition Pro Patria : entre art et mémoire, a mis au jour tout un réseau de points. Celui-ci témoigne de la technique utilisée ensuite pour sculpter le monument à grandeur : la taille directe avec mise au point. Cette méthode permet de reproduire un modèle dans la pierre grâce à un système de points de repère judicieusement placés sur les points saillants du modèle. À l’aide d’une machine constituée de trois pointes, ils sont reportés sur le bloc à tailler. Après avoir répété l’opération, la taille commence en suivant ces marques.

Plusieurs plâtres sont attestés par les archives, mais la présence de ces points de repère confirme qu’il s’agit bien ici du dernier modèle en plâtre de Peynot.

 

 

 

 

 

 

 

Décembre 2019

Stèle de l’oculiste
Premier quart du IIe siècle
Pierre calcaire
H. 97 x l. 34 x P. 33 cm
Inv. 850.20.1, don Marie-Mathilde Humbert

Ce fragment de pilastre d’angle a été découvert en 1829 à Montiers-sur-Saulx, au lieu-dit des Ronchers, à l’occasion de travaux d’extraction de minerai de fer. Le village est situé à environ six kilomètres de Morley et à une dizaine de kilomètres de Nasium, probable chef-lieu du territoire leuque. Cette cité occupait une place commerciale, économique, politique et cultuelle dominante à l’époque gallo-romaine et rayonnait sur les villes alentours. Le pilastre fut découvert, avec quelques autres objets, dans un puits de construction antique, duquel fut extrait un deuxième pilastre en 1874.

Sur la face principale du pilastre, on distingue, disposés en trois registres :
- un chapiteau à feuilles d’acanthe portant, à sa base, l’inscription « MOGOUNUS INUCI FILIUS », sans doute le nom du personnage qui a commandité l’édifice.
- la scène d’ophtalmologie : à droite, une femme drapée d’une longue tunique, la tête est recouverte d’un voile, tient un vase à panse globulaire dans ses deux mains, tandis qu’un linge est disposé sur son avant-bras gauche. À gauche, un homme lui maintient la tête de sa main gauche. De la droite, il intervient au niveau de l’œil gauche de la femme à l’aide d’un instrument.
- dans le registre inférieur sont visibles quatre personnages : un jeune homme est allongé sur un lit, enveloppé dans un vêtement, les yeux fermés ; derrière le lit se tiennent une femme tenant un vase à panse globulaire, un enfant et un homme penché sur le personnage couché.

Pendant longtemps, la scène d’ophtalmologie a été considérée comme la représentation d’une opération de la cataracte. Cependant, divers chercheurs sont revenus sur cette interprétation. En 1994, par exemple, Ry Andersen interprète la scène avec prudence : « une ancienne représentation d’un traitement oculaire, peut-être une opération » (« The eye and its diseases in antiquity. A compilation based on finds from ancient times », Acta Ophtalmol, 1944, n° 72). La découverte d’aiguilles à cataracte à Montbellet tend également à faire penser que la stèle de l’oculiste représenterait soit un examen de l’œil, soit la pose d’un onguent. Une observation attentive de l’objet tenu par l’homme montre qu’il s’agit d’un instrument à deux branches, l’une de ces branches pouvant abaisser la paupière inférieure.

La scène du registre inférieure renvoie sans doute à un rituel funéraire où les proches du défunt, dont la femme du registre supérieur, se rassemble autour de lui après sa toilette avant de l’accompagner en procession jusqu’au bucher.

Si l’on considère que ce pilastre provient d’un temple, il est vraisemblable de penser que l’on y venait pour se soigner et implorer les divinités. Le geste médical s’accompagnait d’un rituel religieux. D’un point de vue symbolique, l’instrument permettrait donc de dessiller les yeux de la femme initiée pour l’amener à voir ce qu’elle ignorait et qu’elle puisse regarder la divinité. La femme initiée, ayant reçu la révélation, viendrait ensuite la transmettre au défunt afin qu’il accède à l’immortalité.

Cette sculpture appartint à François Humbert, orthopédiste installé à Morley (Meuse), féru de curiosités et d’archéologie. Sa bru en fit don au musée de Bar-le-Duc à sa mort en 1850.

 

 

 

 

 

 

Janvier 2020

Ludovic, comte de LÉVEZOU de VESINS (1814-1887)
Portrait de jeune femme
Huile sur toile, 72,7 x 59,5 cm
1840
Inv. 852.7

Les musées se targuent souvent de ne montrer que des œuvres uniques et originales. Pourtant, la copie est bien présente dans les collections publiques. À Bar-le-Duc, elle fit notamment partie des premières acquisitions du musée, dont le but était avant tout d’éduquer la population locale aux beaux-arts ou dans les domaines techniques. Le premier conservateur, Théodore Oudet, a donc fait appel à des peintres locaux pour copier des œuvres connues (de François Boucher, Elisabeth Vigée-Lebrun, Jean-Dominique Ingres, Antoine-Jean Gros…) et les faire connaître à ses concitoyens.

Ce Portrait de jeune femme est traditionnellement considéré comme une copie d’un des portraitistes les plus cotés du XIXe siècle : Franz Xaver Winterhalter (1805-1873). Originaire de la Forêt Noire, Winterhalter côtoya les grandes cours européennes et devint le portraitiste officiel du « gotha ». Bien que non identifié, ce portrait correspond bien à son style : l’individualisation forte du modèle, malgré une tendance à l’idéalisation, le rendu très précis des étoffes et des accessoires. Réputé avant tout pour ses portraits féminins, Winterhalter porte une attention particulière à la délicatesse des carnations, la beauté des chevelures, le raffinement des toilettes. Ce sont ces caractéristiques qui lui valurent son succès phénoménal dans la haute société.

Ici, le modèle est représenté en déshabillé, les cheveux partiellement détachés. Le mouvement du corps et le regard qui se dérobe à celui du spectateur donnent toute sa subtilité au tableau. 

Pourtant, le copiste n’a pas réussi à rendre la finesse et la vie qui émanent généralement des œuvres du grand portraitiste allemand. Il s’agit du comte Lévezou de Vesins, époux de Louise-Marie Thérèse Oudinot, fille du Maréchal Oudinot. Peintre amateur, quelques œuvres de sa main sont parvenues jusqu’à nous, tel ce portrait ou celui de son beau-père, vendu par les descendants d’Oudinot en juin 2017 (Artcurial). Il donna ce tableau au musée de Bar-le-Duc en octobre 1852.

Le Musée barrois conserve une autre copie réalisée d’après Franz Xaver Winterhalter : le Portrait de Louis-Philippe, par Théodore Fouquet (inv. 848.11.1, original de 1839 conservé au Musée national du château de Versailles, inv. MV 5219).

 

 

 

 

 

Février 2020

Joseph-Benoît GUICHARD (Lyon, 1806-Lyon, 1880)
Vénus portée par les amours
Huile sur toile, 167 x 202 cm
1853
Inv. D1302

En ce mois de février, c’est Vénus, déesse de l’Amour (et de la Beauté) qui est mise à l’honneur. Inspiratrice des artistes depuis la nuit des temps, elle est souvent un prétexte au nu féminin. Entourée de putti, ces petits enfants ailés à la mine rieuse qui peuplent les tableaux depuis la Renaissance, la déesse étale sa nudité dans des poses en général assez suggestives…

Dans l’œuvre de Guichard, pas de coquille ni de mer, références récurrentes à sa naissance : la « scène » se situe dans un bois dont les frondaisons sombres mettent en valeur la blancheur nacrée de la peau de Vénus. Celle-ci, à demi-allongée, est portée par quatre enfants ; trois autres les accompagnent, peut-être prêts à prendre la relève. L’un à des ailes d’ange, les autres des ailes de papillon, symboles de renaissance et d’éternité. Une rose, l’arc et le carquois d’un petit Cupidon sont à portée de sa main, tandis que se cachent, à gauche, dans l’ombre, deux colombes, traditionnels attributs de la déesse. La couleur rouge du voile sur lequel elle repose renvoie également à sa « fonction » : l’amour passionné.

Ce tableau, au thème et à la composition peu originaux, met surtout en lumière les talents de coloriste de l’artiste : la palette est riche et la touche variée, tour à tour empâtée (rose) ou plus lisse (peau de Vénus). Néanmoins, ces qualités n’empêchent pas quelques maladresses dans le dessin : observez ce pauvre putto qui semble tomber, à droite, et qui risque à tout moment de se casser le cou…

Il semble que le tableau fut mal accueilli lors de sa présentation. En effet, un courrier de l’épouse de Guichard signale que « son dernier tableau, celui de la Vénus aux Amours, a déplu à sa majesté. Mais le tableau peut déplaire sans qu’il soit mauvais » (Archives du Louvre). Malgré ce commentaire négatif, il fut acquis par l’État avant d’être déposé au musée de Bar-le-Duc en 1854.

Entré à l’École des Beaux-Arts de Lyon en 1818, Joseph-Benoît Guichard fut admis en 1819 dans l’atelier de Jean-Auguste-Dominique Ingres à l’École des Beaux-Arts de Paris, tout en fréquentant l’atelier d’Eugène Delacroix. Après un séjour de cinq ans à Rome en 1835-1840, il participa à de grands décors pour des églises parisiennes (Saint-Germain-l’Auxerrois, Saint-Gervais-Saint-Protais, Notre-Dame de Passy), le « théâtre historique » d’Alexandre Dumas ou encore la galerie d’Apollon au Louvre. Il revint à Lyon en 1862 où il fut professeur à l’École des Beaux-Arts puis conservateur du musée. Il fut notamment le maître de Félix Bracquemond, Henri Fantin-Latour et Berthe Morisot.

 

 

 

 

 

 

Mars 2020

Paul DUBOIS (Nogent-sur-Seine, 1829-Paris, 1905)
Fonte Ferdinand BARBEDIENNE
Le Courage militaire
Bronze, 84 x 30 x 40 cm
Après 1876
Inv. 004.3.1

Cet auguste guerrier antique casqué, assis, une peau de lion jetée sur les épaules et la main gauche tenant une épée, est une réduction en bronze d’une des quatre vertus sculptées par Paul Dubois pour le cénotaphe du général de La Moricière dans la cathédrale de Nantes. Cette œuvre funéraire monumentale fut réalisée grâce au soutien du pape Pie IX, en témoignage de gratitude pour des services rendus à la papauté. En effet le général avait participé à la défense du Saint-Siège, menacé par les troubles politiques italiens des années 1860.

La Moricière y est représenté en gisant, sur un autel recouvert d'un dais imposant, soutenu par des colonnes et des pilastres alternant le noir et le blanc, et qui donne à l'ensemble un aspect architectural complexe et imposant. C'est l'architecte Louis Boitte qui en conçut le plan, l'exécution en fut confiée à Moisseron d'Angers.

Le marbre blanc du cénotaphe est rehaussé par quatre statues de bronze à ses angles. Celles-ci renvoient à des vertus rappelant le défunt.

À la tête du cénotaphe, Paul Dubois représente une femme allaitant ses enfants, la Charité, et un vieil homme plongé dans la méditation, la Sagesse. À l'autre extrémité, la Foi est incarnée par une jeune fille aux mains jointes, à-demi dressée dans un mouvement de ferveur extatique. Enfin, à sa gauche, un guerrier en armes représente le Courage militaire. Pour ce dernier, Dubois s’est directement inspiré de la statue de Julien de Médicis, réalisée par Michel-Ange pour les tombeaux des Médicis à la basilique San Lorenzo de Florence (1524-1531).

Ces quatre figures complètent les vertus du général évoquées sur les cartouches qui ponctuent le cénotaphe : « Fides », « Fortitudo », « Consilium », « Caritas », « Justitia », « Virtus ».

Après des études de droit, Paul Dubois se tourna vers la sculpture et entra en 1858 à l’École des Beaux-arts. Après un séjour de quatre ans en Italie, il revint en France et connut un immense succès aux Salons de 1864 et 1865. Tout en restant actif en tant que sculpteur, Dubois fut nommé conservateur du musée du Luxembourg en 1873, membre de l’Institut en 1876 et directeur de l’École des Beaux-arts en 1878. Il fut entre autres le maître de Camille Claudel avant qu’elle ne rencontre Auguste Rodin.

Le Musée barrois conserve également une réduction de la Charité (inv. 000.3.1).

 

 

 

 

 

 

Avril 2020

Quart de déporté de Suzanne Agrapart
Métal émaillé, vers 1940
Fonds Jean et Suzanne Agrapart, inv. 973.15

Née à Constantine (Algérie) en 1908, Suzanne Vincent épouse le Barisien Jean Agrapart en 1930. L'action du couple dans la Résistance est attestée à partir de 1943 dans le cadre du Bureau des Opérations Aériennes. Ils sont arrêtés, ainsi que d'autres résistants meusiens dont leurs associés en affaires, les Longeaux, en février 1944. Après un passage à la prison Charles III de Nancy et en région parisienne, ils sont déportés en Allemagne. Jean arrive à Auschwitz par le convoi des Tatoués le 30 avril avant d'être transféré à Buchenwald où il meurt le 22 mai 1944. Suzanne, quant à elle, part pour le camp de Ravensbrück avant d'être envoyée, avec son amie Elise Longeaux, à Holleischen, nom allemand du village d'Holysov (actuelle République tchèque). Elle y porte le matricule 35165.

Le kommando d'Holleischen, une ancienne ferme, dépendait du camp de concentration de Flossenbürg, dans la région des Sudètes annexée par l'Allemagne nazie. Les déportées y étaient contraintes au travail forcé dans une usine d'armement.

Le travail à l'usine s'organisait par tranche de douze heures, une semaine de nuit suivie d'une semaine de jour, six jours par semaine, les unes aux machines, les autres à transporter des caisses de munitions d'un atelier à un autre.

L'hiver 1944-1945 fut particulièrement éprouvant : les températures descendirent à -32°C et les seuls chiffons et papiers dont disposaient les prisonnières ne suffirent pas à contrer le froid. Missionnées à un travail de construction de route dans la forêt environnante, les femmes ont souffert des heures passées en extérieur, mais cette tâche créa une grande solidarité entre elles.

Au printemps, les bombardements commencèrent et l'usine fut bientôt détruite. Les derniers jours furent lourds de brimades, de fouilles et de menaces diverses, jusqu'à la libération du camp le 5 mai 1945 par des partisans tchèques et polonais.

En 1973, Suzanne Agrapart a souhaité que les objets qu'elle avait conservés entrent dans les collections du Musée barrois, afin que tous puissent se souvenir de ce moment tragique de l'histoire européenne. Elle est décédée le 3 septembre 2003 à l'âge de 95 ans.

Deux autres objets issus des collections du musée évoquent, de façon très forte et très émouvante, les camps de concentration : un morceau de fil barbelé et une urne en céramique portant la mention "Terre et cendres de Buchenwald".

 

 

 

 

 

 

Mai 2020

Serviette de Marie-Antoinette, Dauphine de France
Fil damassé de coton et soie, 98 x 86 cm
Troisième quart du XVIIIe siècle
Don Baronne de Blaire, née de Crolbois, inv. 846.8

Nous connaissons tous la fin tragique de Marie-Antoinette, la dernière reine de France, mais savez-vous qu’elle passa à Bar-le-Duc et que le Musée barrois détient un témoin de cet évènement ?

En ce 10 mai 1770, la ville de Bar est en liesse et de grandes festivités se préparent. Marie-Antoinette Jeanne de Habsbourg-Lorraine, archiduchesse d’Autriche et seizième enfant de la célèbre impératrice Marie-Thérèse, vient d’épouser par procuration le Dauphin de France, Louis Auguste, duc de Berry, petit-fils de Louis XV et futur Louis XVI, à Strasbourg. Le chemin qui la mène vers son époux, qui attend la jeune femme de 15 ans à Compiègne, passe par Bar-le-Duc. Marie-Antoinette, accompagnée d’une suite nombreuse, arrive à Bar-le-Duc le 10 mai 1770 à dix heures du soir. Elle y est accueillie par un cortège d’honneur envoyé par la cour de France.

Pendant le séjour de la future reine de France, rien n’est négligé par la ville pour faire un accueil digne de cet illustre personnage. Ainsi, la grande salle de l’hôtel de Florainville, alors hôtel de ville (actuel palais de justice), est aménagée en salle de banquet. C’est là que Marie-Antoinette reçoit les honneurs des hauts dignitaires municipaux, ecclésiastiques et autres corps de la ville. Jean-Charles de Longeaux, conseiller d’épée, occupe alors les fonctions de maire et est admis à la table de la princesse. À l’issue de ce dîner, M. de Longeaux retient la serviette de table que vient d’utiliser la future reine. À la mort du fonctionnaire, sa famille transmet cette relique de la souveraine à la comtesse de Crolbois. Cette dernière confie le linge à sa fille, la baronne de Blaire, qui en fait don au musée en 1844.

Cet objet est marqué de la haute distinction de sa propriétaire. Il s’agit d’un linge de table en fils de coton et soie damassés de 98 sur 86 centimètres. Il est orné de symboles de l’Empire d’Autriche : les armoiries en son centre et, aux quatre coins, les aigles impériaux à deux têtes. Entre eux sont finement tissées quatre vues de la ville de Vienne.

Théodore Oudet, conservateur du musée dans les années 1840, retranscrit, avant 1866, l’histoire mouvementée de ce précieux témoin silencieux de l’Histoire de France qui a traversé des siècles de régimes politiques.

Ce petit joyau du Musée barrois fut exposé pour la dernière fois en février 2020 lors d’une visite du Tribunal de Grande Instance de Bar-le-Duc.

Texte : Maxence Luquin, stagiaire en Licence 3 d’Histoire de l’art et Master 2 de Droit à l’université de Lorraine.

 

 

 

 

 

 

Juin 2020

Porte de grenier à mil
Dogon, Mali
Bois, métal
59,5 x 44 x 3,5 cm

Alors que le Musée barrois vient de rouvrir ses portes après plus de deux mois de fermeture exceptionnelle liés à la situation sanitaire, intéressons-nous à une autre porte, venue du Mali.

Il s’agit d’une porte de grenier à mil, d’un type que l’on retrouve chez tous les peuples cultivateurs de l’Ouest de l’Afrique (Dogon, Sénoufo, Bambara). Ces portes servent à protéger la récolte, bien le plus précieux de la famille.

Les deux panneaux de cette porte, reliés par une ligature en métal, figurent, conformément à l’usage dogon, quatre rangées de figures d’ancêtres sculptées en haut-relief : elles renforcent la protection physique du grenier par une protection symbolique destinée à assurer l’abondance.

Les Dogons croient en un dieu unique, Amma. Il créa la terre et en fit son épouse qui lui donna un fils, Yurugu. La terre donna ensuite à Amma un couple d'enfants jumeaux appelés Nommo. Ceux-ci étaient à la fois mâle et femelle. Maîtres de la parole, ils l’enseignèrent aux huit premiers ancêtres des hommes, quatre couples de jumeaux.

Le chiffre quatre renvoie aux quatre tribus dogons issues de ces quatre couples d’ancêtres originels. La serrure est décorée de deux personnages : ce sont sans doute les jumeaux Nommo.

Les Dogons placent ces portes en hauteur pour dissuader les animaux prédateurs de venir piller la récolte. Cela suppose aussi une certaine agilité pour celui qui vient s’approvisionner.

La porte de grenier ou de maison est, en Afrique, un rare exemple de l'art du panneau sculpté. Autrefois présente chez plusieurs peuples, surtout dans l'Ouest, en Guinée, en Côte d'Ivoire, au Nigéria, elle a totalement disparu dans la plupart des pays, du fait d'un nouveau mode de construction des maisons, « à l'occidentale », sauf au Mali, chez les Dogons, où l'on constate une survivance.

 

 

 

 

 

Juillet 2020

Anonyme
Une vue du château des ducs de Bar
Huile sur toile, 46 x 35,2 cm
XIXe siècle ?
Inv. 906.2

Ce tableau représente le château des ducs de Bar. Probablement peint au XIXe siècle, il est une copie partielle d’un tableau montrant La Crucifixion, du XVIIe siècle, visible à l’église Saint-Étienne de Bar-le-Duc. Derrière la scène principale, on y discerne non pas une vue de Jérusalem, comme c’est la tradition, mais de Bar-le-Duc. À ce titre, il constitue un précieux - et rare - témoignage de l'aspect de la ville et des fortifications avant la destruction du château par les troupes de Louis XIV.

Le château, construit au Xe siècle, a vu de nombreux ducs de Bar, puis de Bar et de Lorraine, s’y succéder jusqu’en 1766. Il eut ensuite diverses fonctions (Préfecture, École normale, école) avant d’y voir s’installer le Musée barrois en 1974.

Bar-le-Duc a eu une histoire et une importance tout à fait singulière au cours des périodes médiévales et modernes. Jusqu’au XIIIe siècle, les comtes de Bar sont les plus ambitieux, habiles et tenaces de l’espace lorrain. Bar devient la capitale et s’affirme face à Saint-Mihiel ou Mousson. Il faut cependant attendre 1354 pour que la ville de Bar soit promue ville ducale et non plus comtale. Ce duché a une situation privilégiée. Il se trouve entre deux états, le royaume de France et l’Empire ; il bénéficie également d’une pérennité de sa descendance. René II devient le premier duc de Lorraine et de Bar au XVe siècle. Mais cela est un coup d’arrêt pour Bar-le-Duc car les ducs privilégient Nancy. En effet, même s’ils apprécient Bar-le-Duc, ils y viennent peu. Si le XVIe siècle peut être vu comme un siècle d’or pour la ville, qui connait une prospérité croissante, le XVIIe siècle est radicalement différent. Bar-le-Duc et le reste de la Lorraine subissent des épreuves terribles telles que les guerres, les famines, les épidémies causées par la guerre de Trente Ans (1618-1648) mais également par une politique inconséquente du duc Charles IV. Le duché est occupé à de nombreuses reprises par l’armée française sans jamais être annexé.

En 1649, un terrible incendie ravage le château de Bar, déjà délaissé par les ducs, qui finit par être rasé en 1670 sur les ordres du roi de France Louis XIV. Seule la Tour de l’Horloge est épargnée, à la demande des habitants. Le duc François III renonce à ses duchés en 1737 en échange du Grand-Duché de Toscane. Il lègue ses duchés à Stanislas Leszczynski, roi déchu de Pologne et beau-père de Louis XV. L’annexion se prépare et est confirmée à la mort de Stanislas en 1766 sans que cela soit un grand évènement pour la population. Louis XV notifie à la Chambre de Comptes de Bar sa prise de possession des duchés de Bar et de Lorraine mais c’est en réalité un non-évènement tant la ville est assimilée et est préparée à devenir française depuis de nombreuses années.

De nombreux personnages historiques se sont succédé à Bar-le-Duc et parfois dans ce château durant l’époque des ducs de Bar. Le roi François Ier s’y arrête en 1535. En 1564, c’est le baptême du fils du duc Charles III, Henri. Le roi de France Charles IX en est le parrain et il assiste au baptême en compagnie de sa mère Catherine de Médicis. Mais aussi d’autres encore comme Louis XIII, Marie-Antoinette ou le futur Louis XVIII.

Texte : Soline Charuel, étudiante à l’université de Lorraine, vacataire au Musée barrois.

 

 

 

 

 

 

Août 2020

Attribué à Charles Louis CLERISSEAU (1721, Paris-1820, Auteuil)
Ruines tirées des thermes antiques, dans la ville de Nîmes

Huile sur toile, 63,5 x 94,5 cm
Seconde moitié du XVIIIe siècle
Don Paulin Gillon, inv. 851.40.1

En cet été 2020, où la canicule sévit un peu partout, pourquoi ne pas venir vous rafraîchir au Musée barrois et vous rendre en pensée à Nîmes, l’une des villes les plus chaudes de France de nos jours ? Fondée pendant l’Antiquité, elle fut une ville importante, au rôle stratégique, durant l’Empire romain. Elle conserve de nombreux vestiges de cette époque, comme ses célèbres arènes.

L’Antiquité est redécouverte à la Renaissance, puis au XVIIIe siècle (Herculanum et Pompéi sont fouillées à partir de 1738 et 1748) et n’en finit plus d’intéresser et d’être représentée dans les arts, notamment en peinture. Les thermes, représentés ici à leur état de ruines, permettaient à la population de pouvoir se laver. C’était également un important lieu de rencontres. Néanmoins, si ces thermes devaient favoriser une meilleure hygiène, ils étaient aussi vecteurs de maladies contagieuses.

Le paysage, comme genre à part entière, prend un réel essor au XVIIIe siècle, avec notamment les vedute realistice. Il s’agit de reproduire fidèlement les ruines antiques. La veduta, mot d’origine italienne, est ce que l’on voit et comment on le voit. Le développement des voyages, avec le Grand Tour réalisé par les jeunes aristocrates européens, multiplie la demande pour ces paysages. Les monuments antiques deviennent un motif de prédilection. Ce mouvement est une découverte des paysages et une invitation aux voyages. La veduta n’apporte pas qu’une image de la ville à travers ses monuments mais aussi une image de grandeur et de richesse, ainsi que du temps qui passe.

Ce tableau est attribué à Charles-Louis Clérisseau, artiste français du XVIIIe siècle. Il fut architecte, peintre, dessinateur et membre de diverses Académies prestigieuses. Il a séjourné presque 20 ans en Italie et y a acquis un certain prestige. Il reçut plusieurs prix au cours de sa carrière dont le Prix de Rome, ainsi que la Légion d’Honneur à la fin de sa vie. Il devint également l’architecte de l’Impératrice de Russie, Catherine II. Elle lui acheta près de 2 000 gouaches, aujourd’hui conservées au musée de l’Ermitage à Saint-Pétersbourg (Russie). En tant qu’architecte, il a notamment construit le Palais du Gouvernement de Metz, devenu aujourd’hui le Palais de justice. Il est perçu comme l’un des principaux initiateurs du néoclassicisme.

Ce tableau a été donné au musée, en octobre 1851, par Paulin Gillon, maire de Bar-le-Duc de 1840 à 1848, puis député de la Meuse. C’est sous son mandat que fut créé le musée en 1841. L’œuvre proviendrait de la collection du maréchal Oudinot, dispersée dans une vente aux enchères dans son château de Jeand’heurs en 1851.

Texte : Soline Charuel, étudiante à l’université de Lorraine, vacataire au Musée barrois.

 

 

 

 

 

Septembre 2020

Bar-le-Duc. Ancien château des ducs de Bar
Carte postale
Début du XXe siècle
Inv. prov. 11.06.22.1.2

C’est la rentrée : retournons à l’école du château !

Sous l’Ancien Régime, le château de Bar connait une histoire complexe : l’œuvre du mois de juillet dernier en témoignait. La période post-révolutionnaire attribue ensuite au bâtiment restant différents rôles, dont, en premier lieu, celui de Préfecture. Créé par décret le 26 février 1790, le Département de la Meuse est administré par un « conseil du département » et un directoire qui s’installent dans l’ancienne chambre des comptes. D’accès peu facile, surtout en hiver, et éloigné des activités importantes de la cité, plutôt situées en ville basse, ce site est abandonné et la Préfecture investit l’ancien couvent des Antonistes.

En 1823, l’École normale de Bar-le-Duc est la troisième à ouvrir en France. Installée dans le « Palais de la Chambre des Comptes du Barrois », elle compte vingt élèves à ses débuts (quatre-vingts en 1841). L’établissement de Bar-le-Duc devenu trop étroit, l’École normale de la Meuse quitte ce bâtiment en septembre 1854 pour emménager dans l’abbaye bénédictine de Breuil à Commercy.

Les vestiges du château des ducs de Bar sont ensuite occupés par des asiles de l’enfance, puis par une école primaire, et ce jusqu’au début des années 1960. Cette carte postale est un témoignage de cette période où les enfants de 6 à 12 ans environ fréquentaient « l’école du château ».

À cette date, la Ville de Bar-le-Duc décide de fermer l’établissement scolaire pour établir, dans ce monument emblématique de l’histoire de la ville, le Musée barrois. Celui-ci ouvrira après quelques travaux, en 1974.

De mémoire d’écolier, dans les années 1950, les élèves de la petite classe (équivalent du CP) occupaient la salle du trésor des chartes, autour d’un bon poêle. Les plus grands – qui préparaient le certificat d’études – étaient installés dans la première salle de l’étage (actuelle salle 9 consacrée à la Renaissance et au XVIIe siècle). Après deux autres salles pour les garçons, les filles, occupaient elles aussi une salle de cet étage, mais séparée.

Si le mur délimitant la cour de récréation a été démoli pour mieux accueillir les visiteurs du musée, la petite porte surmontée d’un fronton, à droite de la carte postale, existe toujours. Le passant attentif y trouvera des inscriptions évoquant le passé du bâtiment : « École d’enseignement mutuel », « La patrie offre l’instruction à ses enfants » et « Par l’étude, l’enfant devient utile à son pays ». Voilà de quoi méditer pour toute l’année scolaire !

Sources : Connaissance de la Meuse n° 68 (2003) et n° 115 (2014) ; L’Est républicain, 20/09/2019 (https://c.estrepublicain.fr/edition-de-bar-le-duc/2019/09/20/en-souvenir-de-l-ecole-du-chateau)

 

 

 

 

 

Octobre 2020

Jean Robert, dit Ipoustéguy (1920-2006)
Our
Fusain sur papier, 1990
Inv. D. 004.1.1

Cette feuille, choisie par Ipoustéguy parmi ses milliers de dessins et déposée au Musée barrois en 2004, lui tenait particulièrement à cœur. Our (Ur), ville de Sumer fondé vers la fin du Ve millénaire, fut la capitale d’un empire qui maintint sa cohésion grâce à sa prospérité économique et à sa puissance militaire. Elle devint très peuplée et d’une richesse fabuleuse comme l’atteste le contenu des tombes royales. Saccagée par les Élamites, elle fut abandonnée vers le IIe siècle av. J.-C., mais son souvenir demeura grâce à certains textes bibliques qui y voyaient la patrie d’Abraham. D’innombrables trésors provenant de fouilles sont conservés dans les musées.

Pour Ipoustéguy, c’est une ville de notre civilisation. Le dessin, typique des années 1980-1990 où l’artiste revient au corps humain à la présence simplifiée, représente un bras qui tend la main et, traversant ce qui s’apparente à une feuille, fait un signe vers le germe de notre culture, vers notre origine.

On peut y voir également comme un paysage, entre Tigre et Euphrate au IIIe millénaire, Our se trouvait sur la rive même de l’Euphrate). On peut encore y voir comme un corps de femme, dans une pose alanguie, au nom oriental, où la mécanique du corps humain est analysée dans une certaine sensualité, ultime barrière au vertige de l’existence pour tenter d’incarner l’impalpable, là aussi la civilisation.

On remarque le jeu des simples et épaisses lignes au fusain, d’une grande puissance : « Constitué d’émotions pures, incarnées à la force d’un travail, en des formes intenses, combinant la représentation humaine avec des symboles dynamiques, ce monde inspire le respect, le silence » (F. Monnin, Ipoustéguy sculpteur, S. Domini éditeur, 2003).

Né à Dun-sur-Meuse, Ipoustéguy peint jusqu’en 1950, date à laquelle il se consacre à la sculpture. Admiratif d’artistes tels Brancusi, Picasso ou Klee, il travaille et apprend seul, élaborant très vite une œuvre originale, sans cesse dominée par la figure humaine.

En 2020, la Saison Ipoustéguy, portée par le Département de la Meuse dans le cadre du centenaire de sa naissance, rend hommage à l’artiste. Les différentes expositions organisées donnent ainsi un aperçu de toutes les facettes de la création d’Ipoustéguy.

 

Texte d’après J. Montchal, in Le Trait et le portrait, Somogy éditions d’art/Ville de Bar-le-Duc, 2005.

 

 

 

Janvier 2021

Anonyme d’après Philippe DUPUY (?)
Portrait d’Élisabeth-Charlotte d’Orléans, duchesse de Lorraine
Huile sur toile, 1718
Inv. 843.3

Née en 1676, Élisabeth-Charlotte est la fille du duc Philippe d’Orléans, dit « Monsieur », frère du roi Louis XIV, et d’Élisabeth-Charlotte de Bavière. Elle porta plusieurs titres tout au long de sa vie : « petite-fille de France », « Mademoiselle de Chartres », « Madame de Lorraine » à son mariage, « Duchesse douairière de Lorraine » à la mort de son époux.

En tant que nièce du roi de France, elle reçut une éducation très complète et de qualité. En 1698, âgée de 21 ans, elle se maria avec Léopold Ier (1690-1729), duc de Lorraine. Il s’agissait d’un mariage purement politique mais elle accepta cette décision et accomplit ses devoirs de duchesse avec une grande rigueur.

Son mari a énormément fait pour la culture dans son duché. Si le rôle d’Élisabeth-Charlotte n’est pas clairement établi dans les archives, il est possible qu’elle ait eu une influence dans certaines décisions, notamment grâce à l’apport de son éducation à la cour de France. Le couple ducal était très apprécié de ses sujets. De plus, ils mettaient tous deux un point d’honneur à s’occuper de leurs enfants et à leur donner une bonne éducation. Élisabeth-Charlotte initia par exemple ses filles à la retraite religieuse.

À la mort de son mari, en 1729, elle devint régente du duché. En effet, son fils aîné, François-Étienne, futur François III, se trouvait alors à Vienne et il ne revint que peu de temps au château de Lunéville. Elle prit des décisions importantes afin de remettre d’aplomb la politique et l’économie du duché, mis à mal par Léopold, réputé pour être quelque peu dépensier. En 1737, lors de la cession de la Lorraine à la France et l’arrivée de Stanislas Leszczynski sur le trône, elle s’installa au château de Commercy, où elle s’éteindra en 1744. 

Ce riche portrait est typique du portrait d’apparat : le modèle est représenté dans ses plus beaux habits, avec tous ses attributs afin de montrer au monde sa richesse et son rang. Rien que le fait de pouvoir se faire portraiturer à l’époque était un luxe.

La princesse est représentée de face, au centre de la toile. Elle a les bras, coupés par le cadre, légèrement ouverts, peut-être le symbole de sa volonté d’ouverture. Elle porte une robe richement brodée et, sur son manteau de velours aux couleurs de la royauté, des lys et des croix de Lorraine s’entremêlent. Elle affirme ainsi son lien de parenté avec le roi de France mais aussi son appartenance à la maison de Lorraine, ce qui fait d’elle une femme puissante. Comme souvent, le peintre a sans doute embelli la princesse car on sait, d’après les archives, qu’elle ne correspondait pas forcément aux canons de beauté de l’époque, avec son grand front et sa mâchoire carrée.

Le tableau n’est pas signé mais il est possible de rapprocher son style avec les œuvres de Nicolas Dupuy ou de celles de son fils, Philippe. Ce dernier était le peintre ordinaire de la duchesse après la mort de Léopold Ier et celui de Stanislas par la suite.

Il a été donné au musée de Bar-le-Duc en 1843, par M. Dumont, avocat à Saint-Mihiel.

 

Texte : Isaure Digard, médiatrice au Musée barrois.

 

 

 

 

 

Février 2021

Franz-Richard UNTERBERGER (1838-1902)
San Giorgio Maggiore
Huile sur toile, seconde moitié du XIXe siècle
Inv. 979.7.51

En ce mois synonyme de carnaval de Venise, intéressons-nous à une vue de la Sérénissime. À défaut de pouvoir s’y rendre cette année…

Franz-Richard Unterberger est un peintre originaire d’Innsbruck (Autriche), né vraisemblablement en 1838 mais certaines sources rapportent qu’il serait né en 1837. Il commence ses études à l’École des Beaux-Arts de Munich puis de Düsseldorf. En 1860, il entreprend un voyage à travers le Danemark et la Norvège en compagnie d’un peintre paysagiste allemand, Achenbach. À son retour, en 1864, il établit sa résidence à Bruxelles. D’une manière générale, ses inspirations se portent plutôt vers des paysages italiens, qu’il a visités, notamment des environs de Naples et la Sicile.

Sur ce tableau, on observe un superbe crépuscule : la pleine lune attire directement le regard du spectateur et donne l’impression d’éclairer l’ensemble de l’œuvre. Le regard s’arrête d’abord sur cet arrière-plan qui met en valeur la basilique San Giorgio Maggiore (ou Saint-Georges-Majeur en français) se trouvant sur l’île du même nom et d’où on peut aisément admirer Venise. L’île est située à l’embouchure du Grand Canal de Venise, en face du célèbre palais des Doges.

Le début de la construction de la basilique date de 1565 et elle est consacrée dix ans plus tard, même si les travaux ne se sont terminés à cette époque. L’édifice est accolé à un ancien monastère bénédictin datant du Xe siècle. Plusieurs inspirations ont guidé les architectes, notamment une forte influence de l’Antiquité avec, par exemple, son fronton triangulaire soutenu par quatre colonnes qui ornent la façade du bâtiment, achevée en 1610.

L’intérieur de la basilique possède une des plus célèbres peintures du Tintoret, La Cène. Les Noces de Cana, tableau peint par Paul Véronèse en 1562-1563, aujourd’hui conservé au musée du Louvre à Paris, était également destiné à cet édifice.

Au premier plan, des gondoliers naviguent sur le canal. Sur la droite du tableau, en haut des marches, des passants observent cette pleine lune et cette vue sur la basilique.

Texte : Isaure Digard, médiatrice au Musée barrois.

 

 

 

 

 

 

Mars 2021

Anna Coquet-Collignon (1832-1899)
Bar-le-Duc, une vue prise de la gare

1869, aquarelle sur papier
Inv. 892.11.1

Anna Coquet-Collignon est une artiste suisse, née à Genève en 1832. Le musée possède quelques œuvres de cette paysagiste qui a beaucoup voyagé, notamment en France. Au cours d’une halte en Meuse, elle a peint différents paysages, surtout ruraux mais aussi urbains, comme ici où elle représente Bar-le-Duc.

La technique qu’elle utilise, l’aquarelle, permet aux artistes de croquer leur œuvre directement face à ce qu’ils observent, ce qui permet de saisir l’instant présent. En effet, il leur suffit d’emmener leur petite palette de couleurs, facile à transporter, et qui laisse donc aux artistes de la possibilité de peindre assis, directement face au paysage.

Cette technique se démocratise au XVIIIe siècle. Auparavant, il était de coutume que les artistes fassent une esquisse sur le motif puis aillent dans leur atelier pour créer l’œuvre définitive, ce qui pouvait rendre le résultat moins réaliste. Étant seul dans son atelier, le peintre pouvait être tenté de rajouter des détails ou bien d’en enlever. L’aquarelle est une technique qui joue sur la transparence, cela dépend de la manière dont l’artiste a décidé de diluer les pigments de couleur dans l’eau, contrairement à la gouache qui, elle, est opaque. Cela donne, surtout pour les paysages, une grande impression de douceur.

Ici, la paysagiste a représenté Bar-le-Duc d’un point de vue assez particulier. En effet, c’est comme si elle s’était postée sur le toit de la gare pour réaliser son dessin. La gare de Bar-le-Duc, construite en 1851, est un véritable lieu d’échanges.

Au premier plan, on peut observer des personnes, de tous les milieux sociaux : un balayeur, des dames bien apprêtées, des familles, des personnes âgées. La gare est un espace de rencontres où toutes les catégories sociales peuvent se croiser. Tous ces personnages donnent d’ailleurs du mouvement à la scène. Nos yeux sont ensuite attirés par cette grande artère, au milieu, actuelle rue du général de Gaulle. Elle mène notre regard au dernier plan, vers le quartier Renaissance de la ville. De gauche à droite, tous les édifices emblématiques s’y trouvent : l’église Saint-Étienne, la Tour de l’Horloge, la chapelle Saint-Louis et, tout à droite, le toit de l’ancien château ducal, actuel Musée barrois.

La cité ducale a bien changé depuis 1869, ce dessin permet de nous en rendre compte. En plus de son atmosphère bucolique qui donne envie de se promener, il est un témoignage essentiel de l’aménagement de la ville à cette époque, ou du moins du quartier autour de la gare avec sa vue sur la Ville haute.

Texte : Isaure Digard, médiatrice au Musée barrois.

 

 

 

 

 

 

Avril 2021

Jean-Pierre CACHEUX
L’Ara Cœli à Rome

1822, huile sur toile
Legs de Marne, 1915
Inv. 915.1.28

Retournons en Italie pour l’œuvre du mois d’avril mais quittons Venise, « visitée »en février, pour nous rendre dans la capitale, Rome. Jean-Pierre Cacheux, artiste français du XIXe siècle né à Epinay-sur-Seine, s’est ici intéressé à l’intérieur de l’église Santa Maria in Aracoeli soit « Sainte Marie de l’autel du ciel ». 

Cette basilique est érigée sur la colline du Capitole à Rome. L’empereur Auguste l’aurait fait construire à cet emplacement d’après un oracle prédisant la venue du Christ à cet endroit. Elle est également un haut lieu de la politique car proche du Sénat romain. Par la suite, elle devient un monastère bénédictin puis franciscain au XIIIe siècle. Il faut mériter l’accès à l’intérieur de l’église car, depuis 1348, il n’y a pas moins de 124 marches en marbre à gravir. En 1797, l’église est désaffectée et sert alors d’écurie.

Après cette mise en contexte historique, parlons de l’œuvre qui nous intéresse. Elle a été exposée au Salon de 1822 où elle a obtenu de très bonnes critiques. L’artiste est d’ailleurs classé « parmi nos artistes les plus distingués dans le genre des tableaux topographiques ».

Ce tableau est pensé de façon très mathématique. La perspective, soulignée par le pavement, permet à la personne qui regarde de se sentir à l’intérieur même du cloître. Une sensation de réalité et de mouvement se dégage. Un personnage au premier plan est lui-même en train d’admirer une œuvre, c’est une mise en abyme : l’homme est en train de regarder un tableau alors qu’il est lui-même le personnage d’un autre tableau.

Au second plan, un moine âgé est assis sur un banc en pierre, comme une scène de la vie quotidienne : sans doute se repose-t-il dans la fraîcheur du cloître après l’avoir arpenté. Un autre se trouve également sur un des balcons, en hauteur. D’ailleurs, toute cette réflexion mathématique est à mettre en parallèle avec la luminosité du tableau, dans un puissant clair-obscur, qui attire le regard directement vers le fond, là où les couleurs sont les plus claires et les plus lumineuses.

Texte : Isaure Digard, médiatrice au Musée barrois.

 

 

 

 

 

 

 

Mai 2021

Édouard Wayer (1819-1888), d’après François Émile, comte de Lansac (1803-1890)
Napoléon à Arcis-sur-Aube

Avant 1848, huile sur toile
Inv. 848.9

En ce mois de bicentenaire de la mort de Napoléon Ier (1769-1821), revenons sur une œuvre de nos collections faisant référence à une des batailles livrées par l’empereur en 1814 à Arcis-sur-Aube.

Le tableau est peint par Édouard Wayer, un artiste barisien du XIXe siècle. À l’ouverture du musée, en 1841, il réalisa de nombreuses copies d’œuvres célèbres dans un but pédagogique. Ici, il reproduit une œuvre de François-Émile de Lansac, connu pour ses scènes militaires.

La scène met en avant Napoléon lors de la bataille d’Arcis-sur-Aube qui eut lieu les 20 et 21 mars 1814. Cet affrontement fait partie des campagnes napoléoniennes, ayant pour but d’arrêter l’invasion de la France par ce qu’on nomme la Sixième Coalition pour que Napoléon conserve son trône. Ces campagnes s’étendent de 1812 (en Russie) jusqu’à l’abdication de l’empereur le 6 avril 1814. La bataille d’Arcis-sur-Aube met en opposition Napoléon et les troupes autrichiennes dirigées par Karl Philipp de Schwarzenberg. Entre 20 000 et 28 000 hommes sont mobilisés du côté français contre 43 000 à 80 000 du côté autrichien.

Le résultat de cette bataille reste mitigé : la défaite de Napoléon fut limitée par la faute de ses adversaires qui ne surent profiter pleinement de leur avantage sur le champ de bataille. Les deux côtés comptèrent environ 4 000 blessés ou tués. À noter qu’un homme bien connu des Barisiens faisait partie des hommes mobilisés : le Maréchal Oudinot participa à la bataille. C’est d’ailleurs lors de celle-ci qu’il reçut sa trente-deuxième et dernière blessure. Il reçut une balle en pleine poitrine mais par miracle elle s’écrasa sur sa plaque de grand aigle de la Légion d’honneur, ce qui le sauva.

Sur la scène représentée, Napoléon passe en revue ses hommes, sur son cheval, qui prend peur face à l’explosion imminente d’une bombe se trouvant à côté de lui. L’empereur apparaît sûr de lui et maître de son animal, contrairement aux autres soldats qui, comme le cheval, semblent apeurés. Un drapeau français flotte au-dessus des troupes.

Texte : Isaure Digard, médiatrice au Musée barrois.

 

 

 

 

 

Juin 2021

Kriss
Java ?
Acier, bois
Inv. MG. 975.225

Ce superbe kriss a été redécouvert lors du récolement des œuvres extra-européennes, en avril dernier. C’est une arme, que l’on pourrait rapprocher d’une dague, mais pas uniquement. En effet, le kriss possède une dimension spirituelle et magique. Celui-ci provient de Java, une île indonésienne. Chaque dague est unique, elle n’appartient qu’à son seul détenteur : en cela, un parallèle peut être fait avec les tsubas des samouraïs japonais.

S’il est prêté ou encore vendu à un étranger, la légende raconte que le kriss serait dépossédé de ses pouvoirs spirituels. Un rituel très codifié entoure la fabrication de ces armes. Seule une minorité d’artisans forgerons avait les connaissances nécessaires pour cette réalisation.

La partie la plus importante du kriss est la lame. Sur notre arme, elle est ondulée, ce qui est le signe d’une appartenance à une personnalité d’un certain rang social mais sans distinction apparente. Il existe également des lames droites, qui, elles, sont réservées aux héritiers ou aux personnages de grande importance.

Les lames ondulées comportent toutes un nombre impair d’ondulations, ici trois. De plus, cette ondulation n’est pas uniquement esthétique, elle représente le serpent sacré en mouvement alors que la lame droite évoque cet animal en phase de médiation. Avant que le soldat acquière définitivement son arme, la lame est plongée dans un liquide qui lui donnerait des pouvoirs de guérison.

Le pommeau est quant à lui en bois sculpté. Sur notre exemplaire, un oiseau est représenté, taillé de façon très habile dans une racine. Ce motif est certainement une demande du propriétaire.

Le fourreau contraste énormément avec le travail minutieux du kriss. Il est simple, en bois, on devine des traces de peinture rouge mais il n’est pas décoré. Ce n’est pas une généralité car il existe des fourreaux qui sont également richement ornés et sont aussi des bijoux comme l’arme elle-même.

Texte : Isaure Digard, médiatrice au Musée barrois.

 

 

 

 

 

 

Été 2021

Paul Lemagny (1905-1977)
Saint-Rémy-de-Provence

XXe siècle, estampe
Inv. 959.52.4

L’heure des vacances a sonné ! Voyageons ensemble dans le sud de notre beau pays, et plus exactement à Saint-Rémy-de-Provence, en suivant les pas de Paul Lemagny.

Paul Lemagny est un artiste, né en 1905 à Dainville-Bertheléville, dans le nord de le Meuse. Il étudie au lycée de Bar-le-Duc où il obtient son baccalauréat en 1924. Il oscille entre des études de philosophie, d’histoire et dessin. C’est son professeur de dessin, M. Philbert, qui le pousse sur cette voie. Il continue donc sa formation à l’École des Beaux-Arts de Valenciennes puis à celle de Paris où il développe son talent dans la gravure.

L’artiste connaît plusieurs périodes dans sa carrière. Ses paysages racontent souvent une partie de sa vie : son enfance dans le nord meusien, ses études à Bar-le-Duc ou encore, ici, son séjour dans le sud de la France, endroit où il observe les oliviers et les antiquités. Il rend ses impressions dans une composition très classique mais rendue avec vigueur grâce à la technique de la gravure.

Lemagny est l’un des grands graveurs au burin du XXe siècle. Pour cette technique en taille directe, dite taille-douce, l’artiste trace, à l’aide du burin, des sillons sur une plaque de métal (en zinc, cuivre ou en fer) avant de l’encrer. Au nettoyage de la plaque, seuls les sillons conservent l’encre. Une impression sous presse est réalisée pour obtenir l’estampe finale. Comme dans toutes les techniques de gravure, il est possible de tirer plusieurs exemplaires mais cette procédure a tendance à user la plaque à force de répéter l’opération et cela crée de légères différences à chaque tirage. La maîtrise du geste demande beaucoup de temps : les graveurs mettent souvent plusieurs années avant de dompter parfaitement leur outil.

Malgré le titre de l’œuvre, ce que le spectateur remarque au premier abord sont les beaux oliviers, symboles de la région provençale, qui se trouvent au premier plan de la gravure. La ville de Saint-Rémy-de-Provence est reléguée à l’arrière-plan, avec son église à laquelle on accède en se frayant un chemin entre les arbres.

Texte : Isaure Digard, médiatrice au Musée barrois.

 

 

 

 

 

Septembre 2021

Attribué à Hugues de la Faye
Portrait du duc Antoine (1487-1544)
Vers 1520, huile sur toile
Inv. 844.17

Pour cette rentrée, nous vous proposons un nouveau portrait d’un personnage qui a compté pour le duché de Lorraine et de Bar, le duc Antoine, dit Le Bon, né à Bar-le-Duc en 1489. Il règne sur les duchés de 1508 à 1544, année où il décède dans sa ville natale.

Hugues de la Faye, à qui le tableau est attribué, est employé par le duc Antoine comme peintre en titre à partir de 1511. Il est l’auteur de plusieurs œuvres comme, par exemple, la fresque du réfectoire des Cordeliers, à Nancy.

Le duc Antoine est un proche du roi François Ier. Il s’est même illustré à ses côtés lors de la célèbre bataille de Marignan en 1515. Le duché de Lorraine et de Bar entretient de bonnes relations avec la France, la neutralité étant la meilleure carte politique à jouer pour les ducs à cette époque, notamment dans les conflits opposants la France à l’empereur Charles Quint.

Antoine est également connu pour être un homme cultivé, il aime tous les arts : la musique, la poésie, les fêtes, les livres et l’art. Il persuade et encourage d’ailleurs les artistes à venir s’installer à Nancy, la cité ducale.

Une des choses qui saute aux yeux, en regardant ce portrait de trois-quarts, peut être la longueur de sa barbe bien fournie. À cette époque, le port de la barbe chez les hommes était un véritable symbole. En effet, c’était une démonstration de leur richesse ainsi qu’une façon de montrer leur rang social élevé. C’est d’ailleurs grâce aux détails vestimentaires, eux aussi très riches, et aux traits de son visage que la datation du tableau a été possible.

Texte : Isaure Digard, médiatrice au Musée barrois.

 

 

 

 

 

 

Octobre 2021

Louise Marie Thérèse OUDINOT, Comtesse de Vesins (1816-1909)
Église Saint-Étienne
Mine de plomb, 1855
Inv. 858.9.22

Ce mois-ci, nous vous proposons une visite locale avec un arrêt dans la Ville haute de Bar-le-Duc pour observer sa fameuse église Saint-Étienne, située en plein cœur du quartier Renaissance. Preuve de sa qualité architecturale, elle a été classée « Monument historique » dès 1889.

La construction de la collégiale Saint-Pierre débute en 1315, sur ordre du duc Édouard Ier. Ses fondations se trouvent sur une chapelle portant le même nom. Le monument est totalement achevé en 1630, avec la l’édification du clocher. Le chantier est particulièrement ralenti au cours du XVe siècle en raison de la guerre de Cent Ans et l’occupation du roi de France Louis XI, entre 1480 et 1484.

L’architecture est de style gothique flamboyant mais on y retrouve des éléments de la Renaissance (profils en médaille en façade, chapelle de Stainville…). L’église subit de nombreux dégâts lors de la Révolution : des pillages sont réalisés, les vitraux et les sculptures sont brisés, les armoiries sont effacées. La collégiale est alors fermée et c’est en 1790 qu’elle prend le nom de Saint-Étienne. Au XIXe siècle, plusieurs verrières sont refaites, notamment avec des vitraux réalisés par Victor Höner, dont certains sont inscrits à l’Inventaire général.

L’édifice est connu car il abrite la plus célèbre sculpture de l’artiste meusien Ligier Richier : le Monument au cœur de René de Chalon, appelé plus communément le Transi. Pour admirer ses détails de plus près, il faut attendre quelques temps et la réouverture du musée, qui possède un moulage de l’œuvre, mais l’original est toujours visible lors de vos visites de l’église, surplombant l’intérieur du monument. Une autre sculpture du même artiste est visible : Le Christ en croix entre ses deux larrons. À noter que ces deux œuvres sont elles aussi classées, en 1898, au titre des Monuments historiques.

L’artiste qui a réalisé ce dessin n’est d’autre que la Comtesse de Vesins, fille du Maréchal Oudinot. Son œuvre est principalement consacré à la représentation des paysages du département où elle a grandi, la Meuse. Le musée possède 80 de ses dessins.

L’artiste a davantage voulu représenter une scène de la vie quotidienne que le monument en lui-même. Avec son carnet de croquis, elle s’est positionnée sur la place et a observé ce qu’elle y voyait, c’est-à-dire des personnes qui se promènent de part et d’autre de l’église, d’autres sur les marches qui semblent vouloir pénétrer dans le bâtiment.

Texte : Isaure Digard, médiatrice au Musée barrois.

 

 

 

 

 

 

Novembre 2021

Paul de la HOUVE
Le triomphe de Bacchus

Gravure au burin, XVIIe siècle
Inv. 972.3.2

Pour fêter le Beaujolais nouveau cette année (à consommer avec modération, évidemment), quoi de mieux que d’évoquer le dieu du vin : Bacchus.

Il s’agit d’une gravure au burin, une des techniques les plus compliquée à acquérir pour les artistes. En effet, elle consiste à creuser, à l’aide d’une tige d’acier - le burin - à même la plaque de métal.

La scène représente Bacchus, appelé Dionysos dans la mythologie grecque. Il est le fils de Jupiter et de l’une de ses maîtresses, Sémélé. Junon, femme du dieu de la foudre, apprenant la nouvelle de la grossesse de la jeune mortelle, se met en colère et décide de se venger en la forçant à demander au dieu de se montrer sous sa forme divine. Sémélé est alors foudroyée sur place. Jupiter, ne voulant pas perdre son fils, l’enlève du ventre de sa mère pour le coudre sur sa cuisse afin de lui donner naissance. Cependant, Junon décide de ne pas de laisser Bacchus vivre sa vie paisiblement. Folle de jalousie, elle envoie des Titans pour tuer l’enfant qui est sauvé par Mercure et confié à la protection des nymphes de Nysa. Malgré cette protection, Junon ne cesse de vouloir exercer son désir de vengeance, en soumettant le jeune dieu à des épreuves complexes tout au long de sa vie.

Dans la mythologie romaine, Bacchus est très régulièrement représenté triomphant, comme sur notre gravure, contrairement à la mythologique grecque qui le renvoie beaucoup plus à l’image de l’ivresse ou même à celle du théâtre, auquel il est souvent associé. Bacchus revient triomphant de son voyage dans les Indes où il a mené une expédition guerrière. Il est assis sur un éléphant, en plein centre de l’œuvre. Il est entouré de tout un cortège qui l’acclame. On retrouve beaucoup de ses attributs : les vignes, le lion, le centaure, des satyres, la panthère. Faisant couler le vin à flots, il permettrait aux hommes d’oublier leurs problèmes.

Texte : Isaure Digard, médiatrice au Musée barrois.

 

 

 

 

 

Décembre 2021

Johannes Petrus van Velzen (1816-1853)
Paysage hollandais

Huile sur toile, 1ère moitié du XIXe siècle
Inv. 912.1.2

Pour terminer l’année, quoi de mieux qu’un joli paysage hivernal ?

Johannes Petrus van Velzen, artiste hollandais, nous propose ici une scène de la vie quotidienne d’un petit village de son pays. Comment le savons-nous ? Regardez bien au deuxième plan, au centre du tableau : un drapeau des Pays-Bas flotte légèrement au vent, certainement glacial. Les couleurs de ce drapeau - rouge, blanc, bleu - s’intègrent parfaitement aux nuances de l’œuvre. Ces accords de couleurs et les jeux de lumière nous permettent de ressentir le froid d’une journée d’hiver.

Le lieu exact de cette vue reste inconnu mais cela n’est pas grave car c’est une scène à laquelle tout le monde peut s’identifier.

Cette œuvre est typique de l’art flamand. Par exemple, elle multiplie les personnages sur tous les plans. Néanmoins, contrairement aux petits tableaux du XVIIe siècle, âge d’or de l’art flamand, ils sont ici moins nombreux et plus ordonnés. Ils sont en train de réaliser différentes tâches, comme cet homme au premier plan qui tire du bois à l’aide de ses bêtes. Tous se trouvent sur un plan d’eau gelé : il ne faut pas avoir peur que la glace se brise avec tous ces passants ! La végétation, très détaillée, est également caractéristique de cette peinture. Les arbres sont quasiment nus, malgré quelques branches résistantes.

Le regard est attiré en premier lieu par la bâtisse, seul élément réellement coloré du tableau. L’artiste joue aussi sur de beaux jeux de lumière : la clarté vient de ce ciel embrumé, typique des pays du Nord, et nuancé entre bleu, gris et blanc. Le toit est partiellement recouvert de neige ou de givre. Le village est visible au loin, en arrière-plan de l’œuvre.

L’équipe du musée vous souhaite de belles fêtes de fin d’année et un doux hiver. À l’année prochaine !

 

Texte : Isaure Digard, médiatrice au Musée barrois

 

 

 

 

 

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